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Critique de berni_29


Parfois j'ai l'impression que mes pas sont lourds. Parfois j'ai l'impression que nous aspirons à une sorte de légèreté, une apesanteur que peut-être seuls les livres savent nous apporter.
J'ai éprouvé ce sentiment, cette sensation ici, en lisant ce merveilleux récit, grâce à Gaëlle (Sachka) que je remercie.
C'est une manière pour moi de découvrir l'univers d'une jeune auteure suisse qui m'attire dans son univers, elle s'appelle Elisa Shua Dusapin.
Vladivostok Circus m'a entraîné sur le sable d'une piste de cirque, là d'où les animaux se sont retirés depuis longtemps déjà et c'est tant mieux car je plaide pour des cirques sans animaux. Dans ce récit, leurs odeurs sont encore là, présentes, imprimées dans le sol, dans l'air peut-être encore. Une odeur tenace qui enivre ou agace les personnages et l'atmosphère qui les entoure.
Si, comme moi, vous aimez le silence, les silences, vous aimerez ce roman. Ici l'art du silence est présent comme une déambulation.
Ce roman est l'art du silence, de la tension et de la douceur avec des images qui nous rendent le monde plus perceptible sans pour autant en trahir le secret. On va et vient dans cet univers un peu mystérieux.
Le récit nous fait rencontrer des personnages qui nous apparaissent rapidement attachants, bien que chacun révèle aussi sa part d'incertitude, de non-dits, de blessures peut-être.
Nous sommes sous l'enceinte désertée d'une toile de cirque et c'est le temps d'une répétition entre deux saisons. Les artistes sont là, ceux qui volent, les acrobates, éphémères et prodigieuses silhouettes propulsées dans un élan où la fraternité est essentielle. La confiance entre eux est un lien indéfectible, aussi solide que la barre qui va tenir leur geste. Ils s'appellent Nino, Anton, Anna. Dans cette arrière-saison, ils s'entraînent pour préparer un numéro fabuleux lors d'un concours à venir, un quatre triples sauts périlleux sans descendre de la barre.
Et puis il y a le personnage principal du récit, celle qui reste au sol, qui n'en est pas moins en apesanteur elle aussi, elle s'appelle Nathalie, elle vient De Belgique, elle entre dans le cercle des artistes, elle n'entre pas pour autant dans leur lumière, elle effleure cependant cette lumière, elle est juste dans les coulisses, costumière, elle est celle qui fait briller les artistes dans les projecteurs.
Mais ici, il n'y a plus que la lumière pâle d'un matin, posée sur Vladivostok. C'est la même lumière pour tout le monde, la costumière, les artistes qui volent, ceux qui balaient la sciure sur la piste aux étoiles.
Nathalie vient dans ce récit avec sa vie, sa trajectoire, son psoriasis, ses désillusions. On apprend un peu d'elle à travers les lettres qu'elle écrit à son père. On sent on devine quelque chose de douloureux de souterrain... Elle est celle qui est sans ailes. Elle se confronte avec Anna l'artiste, celle qui vole, tandis que Nathalie reste au sol. Confrontation rude, mais qui en dit long, autre chose que le simple rapport entre l'artiste et l'autre qui ne l'est pas...
Nous voyons cette rencontre au travers du regard de Nathalie, merveilleux et touchant personnage qui nous offre ses yeux, ses hésitations, ses errances. On sait si peu d'elle... On voudrait tant savoir d'où elle vient avec son malheur son renoncement ses silences.
Une étrangeté habite ce roman qui m'a enchanté. À première vue, on pourrait penser qu'il ne se passe pas grand-chose, mais j'ai été emporté par l'émotion qui porte chacun des personnages.
Se mettre à voler, est-ce savoir tomber un jour ?
Ce Vladivostok Circus ressemble à une île déserte, éperdue dans un paysage de trapèze et de lumière, j'aime le personnage de Nathalie, costumière au sol qui couture les liens entre les personnages qui s'apprêtent à prendre leur envol, fragiles et fissurés entre eux.
Anna est un astre, elle voltige, aérienne, devient fée, revient au sol comme l'albatros de Baudelaire.
C'est un roman qui m'a touché. Nathalie, qui nous révèle l'histoire, est touchante, celle qui reste au sol à jamais.
C'est un décor façonné de silence, de non-dits, de respirations, de fenêtres posés sur un jour qui attend...
J'ai adoré ce récit, sobre, suspendu entre ciel et terre, où le silence est peut-être le personnage principal.
Je ne saurais dire pourquoi le monde du cirque m'a toujours fasciné. Ici c'est le monde du cirque à l'envers, avec derrière en toile de fond, un monde qui s'effondre, celui du monde soviétique, des murs, des pans de murs qui ne cessent de s'effondrer, on aurait voulu, tant voulu qu'un monde de liberté jaillisse plus tard. Hélas ! Nous savons aujourd'hui qu'il n'en est rien.
Vladivostok Circus m'a envoûté par son voyage souterrain, poétique, à fleur de peau. Un livre en apesanteur.
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