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Citations sur Les pieds dans l'eau (27)

Toutes ces voies se voulaient alors prometteuses. En liquidant le monde ancien, nous marchions sûrs de nous, vers une société meilleure, avant que la modernité ne révèle sa noire litanie de chômage, pauvreté, sida, désastres écologiques, décomposition sociale, liquidation du bien public. Nous rêvions d’un échange foisonnant, d’une humanité sans frontières, avant que le rêve ne s’accomplisse, d’une autre façon, dans le triomphe du marché universel et du tourisme de masse. Nous pensions bâtir un futur enchanté, quand nous nous contentions de nettoyer le vieux terrain national et religieux, comme pour faciliter l’avènement de la nouvelle industrie culturelle mondiale et de ses produits formatés. L’achèvement de l’histoire européenne se voulait audacieux, tel un surcroît de curiosité, de vitalité, d’expérimentations ; mais nos expériences ne valaient que par leur énergie naïve, opposée au vieil ordre que nous étions persuadés de combattre.
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À l’ombre des falaises normandes, chaque sortie à la plage ressemble à une lutte, recouvrant une infinité de plaisirs cachés. Imperceptibles au premier abord, ces plaisirs minuscules sont l’un des attraits de l’existence du Parisien à Étretat. Dans une station qui ne compte ni palaces ni boîtes branchées, la vie balnéaire paraît fondée sur la répétition de gestes apparemment pénibles : mettre les pieds dans la mer glacée, prendre un bain de soleil sur les cailloux, résister à la bise du nord en plein mois d’août, se baigner sous la pluie, accomplir inlassablement la même promenade entre deux pans de falaise. Tout cela s’apprend et finit par se déguster(...).
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... le galet d'Étretat, roi incontesté du galet normand qui semble avoir choisi de s'implanter dans le plus beau décor de la côte. Ce galet-là nous affirme que, s'il existe un lieu parfait par son architecture naturelle, ce lieu se devait aussi d'accueillir le plus beau galet de la terre : le plus rond, le mieux poli, le plus égal par les dimensions, le plus uniforme par la texture, le plus subtil par ses nuances de couleur.
Devant ce modèle incomparable, harmonieusement réparti selon les degrés de la plage (les gros cailloux en bas, les plus fins au sommet), on en vient à se demander si de mystérieuses brigades ne se chargent pas, depuis la nuit des temps, de ranger les galets en éliminant les suspects, les irréguliers, les vulgaires, pour ne laisser ici que la quintessence. Si la voûte plantaire doit en souffrir un peu, les yeux y trouvent un spectacle enchanteur et le corps une assise où chaque enfant, d'un geste joyeux, peut recommencer son défi à la mer. Les galets s'offrent à lui comme les pièces d'un jeu indéfiniment rebattu. La main n'a qu'à se servir, le torse à s'arquer, le bras à se tendre pour envoyer de nouveau, le plus loin possible, l'une des pièces qui attendra la marée pour remonter la pente et reprendre sa place au milieu des autres.
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Tout en accomplissant les dernières brasses qui me rapprochent des bouées, je songe qu’ici — comme dans tout mon pays, la France — l’histoire est un peu fatiguée, qu’elle ne joue plus aux avant-postes, comme au temps où quelques artistes avaient fait de ce hameau de pêcheurs leur villégiature favorite. Planté au plus bel endroit de la côte, l’Étretat d’aujourd’hui a des allures médiocres. Mais, derrière ce rivage de bric et de broc, se prolongent des histoires pleines de sous-entendus ; et je ne connais rien de plus fascinant que ce mélange de beauté immuable et de transformation du monde.
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Abrégeons les préliminaires qui constituent, pour cette activité, le moment le plus pénible. Aucune douceur, aucune excitation, aucun frisson d’extase à espérer quand la première vague glacée vient lécher vos orteils. Elle semble plutôt là pour vous faire renoncer, en vous rappelant que, même par beau temps, la mer reste toujours aussi fraîche, très inférieure à la température du corps…… Certains courent aveuglément sur les galets, ils descendent la pente en poussant des cris et entrent dans l’eau comme des soldats de 14 se jetant sous la mitraille ; d’autres hésitent longuement et progressent, pas à pas, dans une relation masochiste avec l’élément
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"Nous habitions tout près de chez mes grands-parents. Plusieurs fois par semaine, pour déjeuner ou pour dîner, je remontais l'allée du jardin, au fond duquel se dressait leur vaste maison couverte de lierre. J'aimais ce confortable intérieur où l'on était servi à table, sous les faisans de Foujita (offert par le peintre à René Coty pour le remercier d'un "envoi de gibier", livré par des motards après une chasse présidentielle). Aîné de cinq frères et soeurs, j'avais parfois l'impression de grandir dans un socialisme rigoureux où le plus âgé avait les mêmes droits que les derniers et ou toute dépense de plaisir s'apparentait au gaspillage ..."
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Chaque dimanche, après déjeuner, les paysans cauchois s’engouffrent dans leur voiture pour aller regarder la mer …tout le reste à changer : les cultivateurs habitent des maisons modernes, reconstruites à l’intérieur des anciennes cours plantées ; leurs bêtes engraissent dans des hangars en parpaings et leur fourrage est protégé par des bâches en plastique sous des piles de pneus
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« L'une des vertus du temps calme est d'inviter le baigneur à s'éloigner du rivage, pour atteindre la distance où se produit un changement d'environnement sonore. On n'a guère conscience, au bord, de ce tumulte, plein de cris et de roulements de galets. Il faut nager et nager encore pour, soudain, découvrir que le bruit diminue puis qu'il disparaît. Il faut que la clameur de la terre s'éteigne pour entendre bien mieux la présence de la mer, cette sonorité première. À présent, tandis que je progresse vers l'horizon, le frottement de l'eau et de l'air produit un léger chuchotement de surface. Je nage et ma nage devient le sujet de tout autre chose, le seul phénomène tangible entre moi et l'infini. Je ne vois plus rien que le casier de pêcheur signalé par un drapeau qui vacille, ou cet oiseau nageur qui plonge la tête et disparaît avant d'émerger un peu plus loin : c'est un cormoran. Je nage et je le regarde sans réfléchir ; car la nage est l'unique occupation de mon être ; non comme performance sportive mais comme façon d'être à la surface des choses. »
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Le bleu des flots est animé de minces crêtes blanches entre lesquelles glissent les périssoires. Ces élégants canots de bois blanc conduits par des estivants en maillots de bain se croisent partout sur la mer. Un couple d’amoureux longe la côte sans se presser ; ils se laissent dériver assis l’un derrière l’autre, le dos de la fille appuyé contre le torse du garçon qui, parfois, donne un bref coup de pagaie. En face d’eux, sur la plage, les corps dénudés ne semblent pas trop ressentir le petit vent du nord. Ils profitent du soleil comme dans un pays chaud. Et ce mélange d’air frais, de cailloux brûlants, de corps alanguis, de canots pagayant, de voix et de cris, résonne en moi tandis que nous nous apprêtons, avec ma mère et ma soeur, à descendre l’escalier qui relie la promenade à la plage.
Soudain, comme nous posons nos pieds sur les galets en tournant instinctivement vers la gauche, je vois se dresser tout un groupe de jeunes femmes en maillots de bain une pièce qui s’approchent avec de larges sourires, embrassent ma mère, nous dévisagent ma soeur et moi et poussent des exclamations joyeuses, comme s’il s’agissait d’une bonne surprise…
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Derrière les baies vitrées, le ciel et la mer se répondaient dans une perspective immense où s’effilait, au loin, la côte du Calvados. Les nuages et les vagues jouaient à cache-cache en nuances grises, puis s’illuminaient brusquement en bleu ou vert, sous un coup de soleil entre les nuages. Cette tapisserie mouvante servait de fond à l’incessant ballet des navires, (...). Le rouge des coques ajoutait un trait de peinture fauve à cette toile animée qu’on pouvait contempler sans guère se lasser.
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