« Considérons ces mille ans et plus de français : un jeu immense entre le gaulois à l'agonie et un latin en mutation, entre les dialectes issus de ce latin des Gaules et les influences germaniques dans le Bas-Empire. Puis après la « renaissance » carolingienne, la langue appelée le « roman », ensuite le « françoys » s'attaquant à l'occitan, au celte de Bretagne, voisinant avec les langues germaniques, envahissant la Grande-Bretagne, puis refluant, affrontant partout le pouvoir du latin, qui occupait en Europe occidentale presque tout l'espace de l'écriture. »
Dans la préface de ce premier tome de ce monumental ouvrage les auteurs,
Alain Rey, Frédéric Duval et
Gilles Siouffi, partent des origines pour s'arrêter avec ce qui pourrait être le sommet, à supposer qu'il y en ait un, de l'expression en langue française, au dix-huitième siècle dans son classicisme le plus « pur » et sa grande influence dans la diplomatie européenne.
Pourtant ce qui m'a frappé principalement tout au long de cette lecture au long cours, qui m'a pris plusieurs mois, chapitre par chapitre, c'est l'extrême mutabilité de la langue ou des langues parlées ou écrites dans ce territoire défini aujourd'hui par le mot France.
On se plaint souvent de vivre dans une société où notre langue est de plus en plus appauvrie, mangée par le franglais et attaquée par le « globish ». Cette lecture m'a permis de relativiser tout cela : il était tout aussi difficile autrefois, et peut-être même plus, de s'y retrouver dans cette Babel perpétuelle qui a commencé avec la romanisation de la Gaule au détriment des langues plus locales et s'est poursuivie tout au fil des siècles.
Cet essai est accessible à tous les lecteurs non-spécialistes qui s'intéressent au sujet. Pas de concepts biscornus, peu de jargon : les auteurs se sont vraiment efforcés de rendre leur discours intelligible. J'ai déjà le second volume dans ma liseuse et je vais poursuivre encore quelques mois cette lecture passionnante.