Unknown Soldier, tome 4 : Beautiful World

Ce tome est le dernier d'une série de 4 : (1) Haunted house (épisodes 1 à 6), (2) Easy kill (épisodes 7 à 14), (3) Dry season (épisodes 15 à 20), et (4) "Beautiful Wolrd". Il contient les épisodes 21 à 25 parus en 2010, écrits par Joshua Dysart, dessinés et encrés par Alberto Ponticelli, sauf l'épisode 21 par Rick Veitch, mis en couleurs par Oscar Celistini, et avec des couvertures de Dave Johnson.

Épisode 21 - En 1941, Mikhaïl Kalachnikov (né en 1919, nommé général en 1994) est blessé au combat. Sur son lit d'hôpital il réfléchit à la conception d'armes à feu. En 1947, il présente à l'armée rouge un modèle de fusil d'assaut de son invention : Avtomat Kalachnikova 1947 (AK-47). En 1976, un AK-47 de plus sort d'une usine russe. Il va changer plusieurs fois de main jusqu'en 2003, où il est utilisé par un enfant de la LRA face au Soldat Inconnu.

Présenté comme ça, le résumé peut faire penser à la scène introductive de Lord Of War (film de 2005, avec Nicolas Cage), avec la vie d'une balle de fusil de sa fabrication à l'atteinte de sa cible. En fait, l'intention de Dysart est plus historique, en évoquant l'homme qui a conçu l'AK-47, en suivant un fusil de main en main, et en élargissant son propos en évoquant le nombre d'AK-47 en circulation dans le monde et sa durée de vie, ainsi que ce qui en fait une arme de prédilection pour les guérillas. Dysart humanise son propos en indiquant ce que représente ce fusil pour chacun de ses propriétaires (d'un instrument de libération, à un outil de défense préventif). le ton du récit est didactique et informatif, mais aussi chargé d'affect dans la mesure où la fonction de ce fusil est de tuer.

Sans indication, le lecteur aurait bien du mal à reconnaître le style de Rick Veitch dans ces compositions propres sur elles qui mettent aussi bien en évidence les caractéristiques de chaque possesseur, que la brutalité meurtrière de l'usage de l'AK-47. Il utilise un encrage un peu soutenu dans les traits détourant les formes, assombrissant les cases pour mieux rendre compte du drame permanent généré par l'utilisation ou même la présence du fusil d'assaut.

Cet épisode en dehors de l'intrigue constitue une présentation historique intéressante et une vision sans fioriture des usages d'un fusil d'assaut, en particulier l'AK-47 dont la popularité lui a valu d'être intégré sur 2 drapeaux (Mozambique et Hezbollah).

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Épisodes 22 à 25 - En 1997, le sujet 9 bénéficie d'un entretien en tête à tête avec le Soldat Inconnu originel. En 2003 (le temps présent du récit), dans le sud du Soudan, le Soldat Inconnu (Moses Lwanga) a été capturé par un commando américain. Il informe l'agent Wood qu'il se souvient de tout. À Gulu dans le nord de l'Ouganda, Sera Lwanga a pris rendez-vous avec le journaliste Momolu Sendengo. Elle a fermé la clinique qu'elle avait ouverte avec son mari, et elle est à la recherche du soldat avec les bandages. Pour lui changer les idées, Momolu lui propose de l'accompagner à un mariage traditionnel Acholi, d'une de ses nièces. En allant chercher une robe, elle aperçoit Jack Lee Howl à la terrasse d'un café.

C'est déjà la fin de cette série unique en son genre. D'un coté Joshua Dysart a à coeur de donner des réponses à ses lecteurs sur la nature et l'histoire du Soldat Inconnu, en rendant hommage à la version de Garth Ennis de 1997 (Unknown Soldier, illustré par Kilian Plunkett), à la fois avec la scène lors de la libération d'un camp de concentration, et avec le passage du flambeau. Ainsi le lecteur a droit à une résolution claire qui apporte une conclusion satisfaisante au récit, entre révélations sur l'origine de cette itération du soldat inconnu, et une mission clandestine pour s'attaquer à la source du mal : Joseph Kony.

Joshua Dysart prend également soin d'apporter une résolution à la quête de Sera Lwanga, l'épouse de Moses. Il termine son récit en consacrant 3 pages aux personnages principaux pour indiquer ce qu'ils sont devenus. le tome se termine avec une postface de Dysart expliquant que ce projet l'aura occupé pendant 4 ans de sa vie, de 2007 (début de la phase de conception) à 2010 (parution du dernier épisode). Il explique qu'il a séjourné 1 mois en Ouganda et qu'il a tout fait pour éviter les risques majeurs d'un tel récit : exploiter un drame humain, s'approprier d'une culture qui n'est pas la sienne, transformer un drame en récit exotique et touristique, ou encore dépeindre l'Afrique uniquement sous un jour négatif. À l'issue de ces 4 tomes, le lecteur en ressort surtout avec une idée plus concrète des actions de Joseph Kony, de la complexité de la situation en Ouganda, du drame inhumain vécu par les populations. Dysart a su proposer une histoire d'aventures de guerre dans un contexte historique récent, sans le transformer une glorification de la guerre, sans transformer la souffrance des habitants en spectacle. Il a su trouver le juste dosage entre divertissement et évocation historique d'événements proches.

Les 4 derniers épisodes sont illustrés par Alberto Ponticelli dont le style est toujours réaliste et griffé de petits traits abrasifs. La densité de ces petits traits varie en fonction des scènes : moins quand il s'agit d'une situation calme, plus quand il s'agit d'une situation d'affrontement. La description du mariage est descriptive sans être racoleuse, ou méprisante. Il sait transcrire l'atmosphère et l'ambiance d'un lieu sans difficulté, qu'il s'agisse de la salle de rédaction du journal de Sendengo, de la scène de mariage, d'un match de basketball dans la rue, des chaussées au sol craquelé par la saison sèche, etc. La mise en couleurs est redevenu traditionnelle (seules quelques pages sont nimbées de couleurs délavées pour figurer la chaleur implacable de la savane). Les scènes d'action sont vivantes sans laisser de doute quand à la brutalité arbitraire de la violence, sans la rendre belle ou divertissante.

Au départ, le style brut et griffé de Ponticelli ne s'imposait comme une évidence, donnant un aspect râpeux et un peu esquissé aux images. Au fil des épisodes, Ponticelli a prouvé qu'il était capable d'apporter plusieurs choses au scénario, au-delà de l'aspect purement fonctionnel des dessins. Pour commencer son approche graphique évite de transformer la souffrance des individus en spectacle ou en divertissement, il sait conserver la dignité de chaque individu, même pour les thématiques pouvant susciter a priori la moquerie de lecteurs occidentaux comme la magie ou l'animisme. Si l'évocation des camps de déportés internes et de la flore de la région semble parfois un peu légère, il a dépeint une Afrique et un Ouganda crédible, à l'écart des clichés basiques. Les personnages ont également acquis une proximité physique avec les lecteurs grâce à leur consistance visuelle.

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Cette itération du Soldat Inconnu propose de regarder de plus près un conflit ignoble impliquant des enfants, de manière instructive, sans être pédante ni condescendante. Si le récit semble baisser d'intensité ou s'écarter de son sujet initial le temps d'un épisode ou deux, il n'en est rien et chaque récit vient compléter cette découverte sous un nouvel angle.