Quatre minutes à vous demander ce que serait votre
vie si vous changiez l’ordre des événements. Dans cette partie de l’au-delà, revivre certains moments
de votre existence sur terre vous comblera. Voici une vie où les épisodes, très courts, sont divisés en
petites bouchées. Et vous avez le plaisir de sauter d’un événement à un autre, comme un enfant jouant
à la marelle sur le sable chaud.
Quinze
mois à chercher des objets perdus. Dix-huit mois à faire la queue. L'ennui prend deux ans de votre vie,
que vous soyez assis dans un bus à regarder distraitement par la fenêtre, coincé dans un aéroport ou
mis en attente au téléphone. La lecture occupe une année entière.
Dans l’au-delà, vous revivez votre passé. Mais, cette fois, la distribution des événements s'avère
différente : vos faits et gestes sont regroupés selon le vieil adage « qui se ressemble, s’assemble ».
Exemples ?
Vous roulez pendant deux mois pour trouver une place dans votre rue et passez sept mois à faire
l’amour. Vous dormez trente ans à poings fermés. Pendant cinq mois, assis sur le trône, vous feuilletez
des magazines.
Vous totalisez vingt-sept heures de souffrances pendant lesquelles fractures, accidents de voiture,
balafres, accouchements se succèdent. Une fois la série noire terminée, vous n’avez plus à vous
inquiéter de rien.
Ce qui ne veut pas dire que tout soit rose.
Pendant tout ce temps, les Hommes ne cessent de L'implorer, Le pressant d'intervenir en leur faveur. Il se boucha les oreilles et hurla pour ne pas entendre les cris des villages pillés, les prières des soldats exsangues, les supplications d'Auschwitz.
Résultat ? Il se réfugie dans sa chambre et, la nuit, monte en cachette sur le toit avec Frankenstein pour lire et relire la manière dont le monstre sans pitié accable le docteur Victor Frankenstein de ses sarcasmes depuis les glaces de l'Arctique. Et Dieu Se console en songeant que toutes les créations s'achèvent ainsi : les Créateurs impuissants fuient ce qu'il sont façonné.