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Jean-Marc Durou (Illustrateur)Victor Barrucand (Préfacier, etc.)
EAN : 9782742720118
186 pages
Actes Sud (24/06/1999)
4.06/5   9 notes
Résumé :
Notes de route : Isabelle Eberhardt est née à Genève en 1877 d’une mère exilée et mariée avec le général Moerder – qui est resté à Saint-Petersbourg – et de père inconnu, en fait, sans doute, Alexandre Trophimowski, anarchiste et pope défroqué converti à l’Islam. Elle est élevée par sa mère et son père putatif. À vingt ans, elle s’installe avec sa mère à Bône en Algérie. Fille illégitime, révoltée, elle choisit l’écriture et va se (re)trouver dans la vie nomade de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Poursuite de notre traversée. La caravane bivouaque, un sentiment océanique du désert nous rejoint. Notes de route du pays des sables. Maroc, Algérie, Tunisie. Nous découvrons Isabelle la peintre, la poète. Tableaux, incroyables tableaux. Il eut été facile de nous mener vers un orientalisme de bon teint. Mais ce qu' a vu vécu et partagé Isabelle Eberhardt, ce qu'elle transmet, ce qu'elle peint dépasse totalement le cadre du simple prétexte littéraire. Ce sont les récits d'une quête, d'une élévation, d'une extase, d' une transcendance qu'elle note en chemin.
Une iconographie émotionnelle, mystique, spirituelle. «  Mon âme est en progrès », « elle se détache de la brume terrestre », «  tout ce que j'ambitionne servira à adoucir les péripéties de ce drame inexplicable qui a nom la vie, et qu'il faut bien jouer ».
Isabelle Eberhartdt est à n'en pas douter une des plus grandes coloristes des sables. Avec une palette d'une richesse ,d'un diversité impressionnante elle sait également saisir les ombres, leurs absences, leurs silences, elle sait saisir la profondeur des lignes, la pesanteur mais également l'évanescence de la lumière. Couleurs mirages, couleurs orages, couleurs hommages, couleurs miracles. Elle détaille et ne confond pas. Ni les couleurs, ni les visages, ni les âmes. « Le monde arabe et le monde européen, se coudoient, se mêlent sans jamais se confondre ». Regard extatique mais lucide.
Peintre géologue. «  C'est comme une gigantesque coulée de lave, vomie par les pitons sombres qui ferment l'horizon, et ayant envahi la vallée pour s'y refroidir et se figer autour des masses plus anciennes, plus dures, et formant une croûte boursouflée, rugueuse, toute une carcasse de ville détruite par le feu du ciel ». Alchimiste, géologue , orfèvre. Elle embrase les eaux fortes du désert des sables. le désert devient volcan, océan, plaine, flambeau, animal, vallée, corps sculpté, modelé, ciselé. Derrière la monotonie elle sait et touche la mouvance des mondes. Râle, plainte, cri, murmure, frisson, l'ombre et la chaleur ont un langage. Un langage que seuls ceux qui traversent les sables peuvent apprendre connaître et partager.
Un continent où le temps se dilate, où l'homme s'abstrait , et son esprit s'entrouvre .
L'oeil du temps observe. «  l'esprit se replie sur lui-même pour de vagues songeries ternes ». C'est une nuit de soie rouge, puis une accélération intérieure, l'embrasement au lever du jour. Par le pigment, par le son, elle donne au désert toute la matière mouvante de ses parfums. «  tout reluit, tout scintille à l'infini, mais tout est vague ». La partance infinie de sa liberté et de ses rêves sous des «  nuits de lune, limpides et mystiques. Elle est voyante d'une multitude de langages sur un l'océan de sable, elle voit « à travers le prisme sublime du vaste univers ». Ainsi a t elle vu l' Amour dans cette aurore de vérité. Ce lieu de nudité où toute nécessité disparaît.
Retranscriptions sensorielles d'une traversée en solitaire, les notes de route d'Isabelle Eberhart nous font entrevoir le rapport qui peut y avoir entre l'âme éternelle et l esprit universel. Un rythme, l'élégance d'un coeur comme l'empreinte d'un passage.

Astrid Shriqui Garain
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le cheikh fournit de longues explications embrouillées sur un ton pleurard. À chaque instant, autour de lui, des cris éclatent, formidables, avec la véhémence soudaine de cette race violente, qui passe du silence et du rêve au tumulte. Tous affirment leur misère.
Je les appelle, un à un, d’après une liste.
– Mohammed ben Mohammed ben Dou’!
– An’am ! (Présent.)
– Combien dois-tu ?
– Quarante francs.
– Pourquoi ne payes-tu pas ?
– Je suis rouge-mu Sidi. (Idiotisme tunisien pour dire fakir,
pauvre.)
– Tu n’as ni maison, ni jardin, ni rien ?
– D’un geste de résignation noble, le Bédouin lève la main.
– Elhal-hal Allah ! (La chance appartient à Dieu.)
– Va-t’en à gauche.
Et l’homme, le plus souvent, s’éloigne, résigné, et va
s’asseoir, la tête courbée ; à mesure, les spahis les enchaînent :
demain, l’un des cavaliers rouges les mènera à Moknine, et de là à la prison de Monastir, où ils travailleront comme des forçats, jusqu’à ce qu’ils aient payé…
Ceux qui avouent posséder quelque chose, une pauvre
chaumière, un hameau, quelques moutons, sont laissés en liberté, mais le Khalifa fait saisir par les deïra ce pauvre bien, pour le vendre… Et nos cœurs saignent douloureusement quand des femmes en larmes amènent la dernière chèvre, la dernière brebis à qui elles prodiguent des caresses d’adieux.
Puis traînant avec nous une troupe morne et résignée
d’hommes enchaînés, marchant à pied entre nos chevaux, nous allons plus loin…
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Mais la côte y est bordée de brisants, et l’on entend sans
cesse gronder la mer, autour du promontoire élevé de la Kahlia,
qui sépare la vieille ville du petit port moderne… Ce murmure
éternel, cette plainte profonde et douce, il me semble l’entendre
encore, après des années, tellement sa musique me charma
alors, durant mes courses solitaires et nocturnes et mes longues
rêveries sur la grève.
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Depuis longtemps, ils marchent ainsi à travers le désert, avec les colonnes et les convois, dans la continuelle insécurité du pays sillonné de bandes affamées, tenues comme des trou-peaux de chacals guetteurs dans les défilés inaccessibles de la montagne.
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Depuis Bou-Ficha, nous entrons dans les oliveraies immenses qui couvrent le Sahel tunisien. Dans la nuit chaude et
silencieuse, après Menzel-Dar-bel-Ouar, de la campagne endormie commence à monter vers nous une odeur aromatique,
mais lourde et écœurante : nous approchons des huileries nombreuses de Sousse.
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Tous les soirs, les maisons blanches de Kasr–Hellel s’empourprent, et semblent en feu, tandis que le palmier et le minaret apparaissent, auréolés d’or rouge, très haut dans le ciel embrasé.
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Vidéo de Isabelle Eberhardt
Rencontre avec Leïla Sebbar & Manon Paillot animée par Patrice Rötig Lecture par Frédéric Mitterrand
Après Je ne parle pas la langue de mon père et L'arabe comme un chant secret, Lettre à mon père est le dernier volet, le plus tendre et le plus violent, de la trilogie autobiographique de Leïla Sebbar. Pour la première fois, elle ose, outre-mort, une adresse directe à son père Mohamed dont le silence l'a tenue loin de son roman familial, qu'elle écrit dans la langue de sa mère, le français. Sans fin elle l'interroge, et il ne parle guère. Au cours de cette soirée nous évoquerons également un recueil de récits et nouvelles où Leïla Sebbar nomadise avec Isabelle, son héroïne, sa muse, Isabelle Eberhardt ; un ouvrage préfacé et édité par Manon Paillot. Enfin, par la voix de Frédéric Mitterrand, nous entendrons différents extraits.
À lire – aux éd. Bleu autour : Leïla Sebbar, Lettre à mon père – Leïla Sebbar & Isabelle Eberhardt (nouvelles), préface de Manon Paillot, 2021.
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