Poursuite de notre traversée. La caravane bivouaque, un sentiment océanique du désert nous rejoint.
Notes de route du pays des sables. Maroc, Algérie, Tunisie. Nous découvrons Isabelle la peintre, la poète. Tableaux, incroyables tableaux. Il eut été facile de nous mener vers un orientalisme de bon teint. Mais ce qu' a vu vécu et partagé
Isabelle Eberhardt, ce qu'elle transmet, ce qu'elle peint dépasse totalement le cadre du simple prétexte littéraire. Ce sont les récits d'une quête, d'une élévation, d'une extase, d' une transcendance qu'elle note en chemin.
Une iconographie émotionnelle, mystique, spirituelle. « Mon âme est en progrès », « elle se détache de la brume terrestre », « tout ce que j'ambitionne servira à adoucir les péripéties de ce drame inexplicable qui a nom la vie, et qu'il faut bien jouer ».
Isabelle Eberhartdt est à n'en pas douter une des plus grandes coloristes des sables. Avec une palette d'une richesse ,d'un diversité impressionnante elle sait également saisir les ombres, leurs absences, leurs silences, elle sait saisir la profondeur des lignes, la pesanteur mais également l'évanescence de la lumière. Couleurs mirages, couleurs orages, couleurs hommages, couleurs miracles. Elle détaille et ne confond pas. Ni les couleurs, ni les visages, ni les âmes. « Le monde arabe et le monde européen, se coudoient, se mêlent sans jamais se confondre ». Regard extatique mais lucide.
Peintre géologue. « C'est comme une gigantesque coulée de lave, vomie par les pitons sombres qui ferment l'horizon, et ayant envahi la vallée pour s'y refroidir et se figer autour des masses plus anciennes, plus dures, et formant une croûte boursouflée, rugueuse, toute une carcasse de ville détruite par le feu du ciel ». Alchimiste, géologue , orfèvre. Elle embrase les eaux fortes du désert des sables. le désert devient volcan, océan, plaine, flambeau, animal, vallée, corps sculpté, modelé, ciselé. Derrière la monotonie elle sait et touche la mouvance des mondes. Râle, plainte, cri, murmure, frisson, l'ombre et la chaleur ont un langage. Un langage que seuls ceux qui traversent les sables peuvent apprendre connaître et partager.
Un continent où le temps se dilate, où l'homme s'abstrait , et son esprit s'entrouvre .
L'oeil du temps observe. « l'esprit se replie sur lui-même pour de vagues songeries ternes ». C'est une nuit de soie rouge, puis une accélération intérieure, l'embrasement au lever du jour. Par le pigment, par le son, elle donne au désert toute la matière mouvante de ses parfums. « tout reluit, tout scintille à l'infini, mais tout est vague ». La partance infinie de sa liberté et de ses rêves sous des « nuits de lune, limpides et mystiques. Elle est voyante d'une multitude de langages sur un l'océan de sable, elle voit « à travers le prisme sublime du vaste univers ». Ainsi a t elle vu l' Amour dans cette aurore de vérité. Ce lieu de nudité où toute nécessité disparaît.
Retranscriptions sensorielles d'une traversée en solitaire, les
notes de route d'Isabelle Eberhart nous font entrevoir le rapport qui peut y avoir entre l'âme éternelle et l esprit universel. Un rythme, l'élégance d'un coeur comme l'empreinte d'un passage.
Astrid Shriqui Garain