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Critique de rotko


Yasmina, qui fait partie des "nouvelles algériennes" d'Isabelle Eberhardt, raconte une tragique histoire d'amour où la naïveté première de la jeune fille (elle a entre 14 et 15 ans) suscite l'intérêt puis la passion de Jacques, un officier français du corps des spahis. L'exotisme et un refus de la brutalité ambiante conduisent le jeune idéaliste à nouer une idylle éphémère (1) avec la jeune bédouine.

Citation :
(1) « Il ne comprenait plus combien cette première forme de son « moi » conscient avait été meilleure et plus belle que la seconde, celle qu'il devait à l'esprit moderne vaniteux, égoïste et frondeur qui l'avait pénétré peu à peu »

Plus qu'une nouvelle, je dirais que c'est un conte oral destiné à une lecture publique : on y reconnaît la peinture de personnages bien typés dont le narrateur explique les comportements, la présence de paysages , des dialogues, situations et péripéties propres à la séduction du public.

L'histoire est bien construite, un peu sur le modèle des chansons mélodramatiques de la même époque, où la pureté de l'amour se confronte à la vulgarité ambiante, où la jeune fille, trahie et abandonnée, devient la victime d'un égoïsme bien occidental.

L'écriture du conte oral, souvent habile dans le déroulement de l'histoire, cède alors à quelques clichés comme « Les fonctionnaires ignorants et brutaux, » ou « les paysans illettrés et obscurs ».
Dans Yasmina, Isabelle Eberhardt a la bonne idée de situer son histoire dans Timgad, la ville au passé romain, mais dont l'actualité devrait bien servir d'avertissement aux nations orgueilleuses qui visent la
domination :

Citation :
"Un amphithéâtre aux gradins récemment déblayés, un forum silencieux, des voies désertes, tout un squelette de grandes cité défunte, toute la gloire triomphante des Césars vaincue par le temps et résorbée par les entrailles jalouses de cette terre d'Afrique qui dévore lentement mais sûrement toutes les civilisations étrangères et hostiles à son âme.."

avertissement qui jette dès le départ une ombre sur l'idylle entre Jacques et Yasmina. Pourtant, Isabelle utilise pour ces moment heureux de leur liaison le même verbe :

-
Citation :
Elle vivait. Elle était heureuse simplement, sans réflexion etsans autre désir que celui de voir son bonheur durer éternellement.
(p 53)

-
Citation :
Jacques ne pensait plus, il vivait.
Et il était heureux.
(p.54).

En même temps on est frappé par le contraste entre les lieux, celui vierge et ensoleillé de leurs amours, et le Village-Noir de la fin.

Avant Claude Lévi-Strauss, Isabelle Eberhardt (1) aborde le thème de l'occident mortifère.

(1) Dans la vie courante, Isabelle Eberhardt "personnage enigmatique, vêtu d'un burnous blanc et coiffé du turban des nomades" se faisait appeler Mahmoud Saadi, nom sous lequel elle signait ses articles dans les journaux d'Alger.
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