AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Nathalie Godard (Traducteur)
EAN : 9782869308107
241 pages
Payot et Rivages (02/09/1994)
3.58/5   19 notes
Résumé :
Le fils d'un politicien important meurt après avoir mangé des champignons vénéneux. Un domestique noir, qui a manifestement perdu la raison, est inculpé. Mais Yudel Gordon, le psychiatre de la prison, refuse cette version des évènements. Pour prouver l'innocence du simple d'esprit, il se rend dans une ville reculée de province afin d'interroger des parents et des amis de la victime, ainsi que la presse locale. Il doit alors faire face à un milieu hostile, effrayant,... >Voir plus
Que lire après Coin perdu pour mourirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Tous les champignons sont comestibles, certains une fois seulement (© Coluche).

Et c'est ce qui est arrivé à petit patron Marthinus : tout le monde au repas à mangé des champignons et lui seul est mort empoissonné.

Si le coupable est tout trouvé, Yudel Gordon, le psychiatre de la prison, trouve que le profil ne correspond pas, car Muskiet n'a pas l'eau et le gaz à tous les étages, de plus, c'est un impulsif, pas un type qui prémédite un crime avec du poison.

Alors, notre psychiatre va enfourcher sa tenue de détective et se rendre à Middelspruit. Si vous voulez savoir où elle se trouve, c'est en Afrique du Sud, le pays de l'Apartheid.

Yudel est Blanc et Muskiet Lesoro est Noir, c'était un kaffir. La victime était le fils de Marthinus Pretorius, l'employeur de Muskiet, un Afrikaner. Yudel est juif aussi… Je pense que tout est dit.

À la lecture de ce livre, je peux comprendre qu'il ait été interdit en Afrique du Sud (publié en 1979) car il démontre le côté patriarcal de cette société où on écoute la voix de l'ordre établi et où, comme à l'armée, les inférieurs aiment faire sentir aux plus inférieurs qu'eux, leur petite supériorité.

Dans ce genre de roman noir, le crime n'est qu'un prétexte pour nous décrire le mode de fonctionnement de la société, pour nous expliquer les hiérarchies, pour nous démontrer que la corruption gangrène le tout et que la loi de l'Homme Blanc est plus forte que celle du pauvre Homme Noir.

Que la loi des flics est celle qui prévaut et que si Yudel tente d'y échapper, il risque de se faire tirer les bretelles, et méchamment en plus.

De tous les côtés on lui mettra des bâtons dans les roues et il lui faudra beaucoup de pugnacité pour mener cette enquête à bien. J'avais capté avant lui, mais cela n'a rien enlevé de mon plaisir, puisque j'étais prises dans les rets de cette société horrible qu'est celle de l'apartheid.

Ici, les Blancs, les Afrikaners, refusent la moindre avancée des droits civiques pour la population Noire. Des droits ? Et puis quoi encore ? Ici, tuer un Afrikaner est un crime, tuer un Noir ne l'est pas. Quant à tuer un psychiatre Juif, ce ne serait pas grand mal non plus, juste un simple homicide.

L'auteur balance du lourd, trempe sa plume dans l'acide et rajoute une couche en nous parlant du Boere Nasie, cette organisation visiblement engendrée par un besoin névrotique de pouvoir, ou par la peur de le perdre, car une fois qu'on a le pouvoir et le dessus sur les autres, on aimerait pas qu'il nous chipe des doigts et se retrouver sous la botte de ceux que l'on nommait « inférieur » avant.

Ils m'ont fait penser à ces américains qui ont voté pour Trump parce qu'ils ont peur de ces étrangers qui réussissent mieux qu'eux ou les enfants, que ce soit à l'école ou dans la vie professionnelle.

Ce roman a beau dater de 1979, je l'ai trouvé très juste dans son analyse qui s'applique toujours à notre époque, même si, depuis, l'Afrique du Sud a eu un président Noir et les États-Unis aussi.

Un roman noir fort, puissant, qui décrit avec précision le système en vigueur en Afrique du Sud, surtout dans les petites villes où l'apartheid était encore plus prononcé, où les Noirs partaient bosser très tôt le matin, rentraient tard le soir, éreintés à force de courber l'échine, et où ils n'avaient pas le droit de se trouver au-delà d'une certaine heure dans les quartiers des Blancs.

Un auteur et un roman noir à découvrir, ne fut-ce que pour frémir et s'enrichir afin de ne jamais reproduire cela.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
Commenter  J’apprécie          200
En lisant le billet enchanté de Tasha sur La nuit est leur royaume, publié en 2016 – je découvrais ce personnage, apparu en 1979, en plein apartheid sous la plume de Wessel Ebersohn, technicien en télécommunications.

Il abandonna son métier pour se consacrer à l'écriture, malgré les menaces et l'interdiction de son roman en Afrique du Sud. J'ai donc décidé de lire le premier volet (des 4), qui lui valut tant de problèmes : A lonely place to die, Un coin perdu pour mourir.
Yudel Gordon n'a guère envie d'aller faire la liste de courses dressée par son épouse, Rosa, ni d'aller une nouvelle fois chez des amis, entendre dire qu'il a choisi le mauvais chemin en allant travailler pour le service public. Psychiatre, il est employé auprès de la prison. Ce jour-là, son ami Freek, un Afrikaans assez imposant, lui demande de lui rendre service en allant voir un homme noir, Muskiet Lesoro, arrêté pour avoir empoisonné le fils de son patron. le patron n'étant que Marthinus Pretorius, tout juste nommé aux plus hautes fonctions. C'est alors qu'il fêtait sa nomination, que son fils, après avoir avalé des champignons, a été saisi de convulsions violentes et est décédé dans les minutes qui ont suivi. Mais lorsque Yudel se retrouve face à l'assassin présumé, c'est une toute autre histoire qui s'écrit devant lui.

L'homme est prostré dans sa cellule, et en voyant Yudel est pris de panique et se retranche comme il le peut. Très vite, Yudel comprend qu'il a à faire à un malade mental, d'ailleurs, il a des hallucinations et ne cesse d'essayer de fuir d'invisibles attaquants. Yudel réfute la version officielle : s'il peut se montrer violent, il est incapable de fomenter un crime. Seule l'assiette de la victime contenait des champignons vénéneux, ce qui requiert de la minutie et de la préméditation.

Yudel décide donc d'aller mener lui-même l'enquête en se rendant dans la petite ville provinciale où vivent la victime et le meurtrier présumé. Il souhaite interroger la mère de Muskiet et la famille de la victime. Mais très vite, il se heurte à une multitude de barrières : la police locale refuse son laisser-passer et très vite il est mis à mal. Mais Yudel ne se laisse pas faire.

Publié en 1979, le livre retranscrit bien l'apartheid et les scissions au sein de la société. Venant d'une grande ville où la ségrégation est sans doute moins prégnante, Yudel se retrouve ici dans une société encore patriarcale, profondément Afrikaans – où les hommes blancs refusent la moindre avancée des droits civiques pour les noirs. La police locale est-elle même corrompue. La victime était d'ailleurs sans doute membre d'un groupuscule fasciste qui s'est attaqué au Monastère qui accueille et aide les populations tribales. Yudel, juif, comprend vite que son enquête n'est pas la bienvenue et les premiers témoignages recueillis ne sont pas forcément honnêtes. La peur règne.
J'ai beaucoup aimé la description de cette province, où pendant la journée, les hommes et femmes en âge de travailler partent dès l'aube travailler au champ ou comme domestiques dans les exploitations et rentrent le soir, au coucher du soleil. Laissant leur ville aux enfants et aux vieillards pendant la journée. Avec (un couvre-feu ?) l'interdiction pour tout homme noir de se trouver encore dans la ville des Blancs après une certaine heure.

Très vite, on rappelle à Yudel ses origines juives – il n'est pas Afrikaans même s'il le parle. Sa ténacité finira par payer. le roman m'a permis de me replonger dans cette époque lointaine où il est inimaginable pour ces Blancs qu'un jour Nelson Mandela soit élu président ! C'est effrayant, hallucinant et pourtant cela a bien existé. le fait que l'auteur a choisi, non pas un policier, mais un psychiatre est vraiment original. Mais il s'explique aussi : à l'époque, la police était souvent corrompue et un nid à racistes, aussi il aurait été difficile d'y trouver un héros. le fait que le personnage soit Juif permet à l'auteur de montrer que toute forme de discrimination est possible, pas uniquement envers les Noirs.

La trame du roman reste classique et le rythme est assez lent, même si on craint pour la vie de Yudel (une action à la fois bienvenue et rondement menée). Reste que le roman est prenant, je l'ai lu en à peine deux jours – j'avais tout le temps envie de m'y replonger. J'adore quand les polars jouent leur premier rôle : nous montrer la société telle qu'elle est, sans fioritures, sans maquillage.

Bref, vous l'aurez compris, je ne regrette pas mon achat et j'ai déjà commandé la suite, Divide the Night (La nuit divisée) qui étrangement fut publiée en France avant Un coin perdu pour mourir (d'où la quatrième qui m'a fait un tant douter de l'ordre de la série).
Commenter  J’apprécie          00
Nous sommes au moyen âge. Nous voyons des seigneurs fouettés leur serfs. Ah, pardon, je me suis trompée. Nous sommes aux Etats-Unis, nous voyons de riches propriétaires terriens battre leurs esclaves. Nouvelle erreur : nous sommes en Afrique du Sud, dans les années 70 finissantes, et les blancs ont le droit de fouetter leurs employés si c'est mérité. Il est toujours bon de se rappeler certains faits qui ont eu lieu pas si loin de nous, dans le temps et dans l'espace.

Un crime a été commis. le fils d'un riche propriétaire terrien, homme politique en vue, a été empoisonné, l'un des domestique, noir, estampillé « fou » depuis longtemps, a été arrêté et déclaré coupable. Un expert est nommé pour déterminer s'il est vraiment fou. Il s'agit de Yudel Gordon, psy et juif. Là, c'était la version officieuse de son rôle. La version officieuse, c'est qu'il doit trouver qui a vraiment tué Marthinus junior. Personne ne pense que le domestique simple d'esprit ait pu préméditer son crime – et il en faut, de la préméditation, pour cuisiner des champignons empoisonnés. Et si ses investigations permettent en plus de trouver le petit groupe qui a commis quelques exactions contre une communauté religieuse, ce serait encore mieux – et encore plus dangereux.

En effet, le danger est partout, absolument. Ce n'est pas que Yudel ne peut compter sur personne, c'est qu'il sait que ceux qui l'aident courent autant de risque que lui. Au gré de ses déplacements, il est si facile de subir une agression, surtout avec des policiers assez acquis au patriarcat. Cela n'a pas que des désavantages, quand on sait, comme Yudel, s'en servir quand c'est possible :

Quand on vivait, comme eux, dans une société patriarcale, quand on y avait grandi, on écoutait la voix de l'ordre établi, on emboîtait le pas au membre du Parlement, au dignitaire de l'Église, à son officier supérieur ou au premier venu installé une marche plus haut sur l'échelle sociale.
On ne remettait jamais en question le point de vue de ceux du dessus, et on n'oubliait jamais sa place dans la hiérarchie.

Puis, il y a agression et agression. Il y a toujours, d'ailleurs, pas besoin de se rendre dans l'Afrique du Sud des années 70 pour savoir que les moines auraient dû aller « ailleurs », plutôt qu'ici, et que tout se serait bien passé pour eux. de même, après sa mort, tout le monde encense le jeune Marthinus – les domestiques n'ont pas le choix. Ils ont bien vu ce qu'ils ont vu, ils ont, pour certains, subi ce qu'ils ont subi, ils savent qu'ils ne peuvent rien y faire. Qui écouterait leur plainte ? Marthinus père est un membre très représentatif de la société patriarcale, qui ne voit ses enfants que pour leur dire tout ce qu'il a fait pour eux, tous les sacrifices qu'il a accomplis, à quel point son fils l'a déçu. Oui, les deux enfants n'ont manqué de rien matériellement, ils n'ont jamais reçu d'affection. Yudel est bien le seul à analyser et à comprendre comment les deux enfants, adultes, sont devenus ce qu'ils sont, comment le père se voile la face sur ce qu'il a fait – après tout, être loin de son foyer pour assurer la sécurité matérielle de sa progéniture grâce à sa carrière, est le meilleur moyen d'éviter de s'occuper personnellement de ses enfants. Oh, oui, il a demandé à son frère de s'occuper d'eux – il a permis à son neveu de développer un racisme et un sadisme décomplexés. Que vaut la vie d'un homme ? Ça dépend.

Qu'il soit juif faisait de lui une créature à part – pas un homme, mais un juif. Tuer un Afrikaner était un crime. Tuer un Juif, rien de plus qu'un vulgaire homicide. Mais N'Kosana était noir. le tuer ne correspondrait à aucun crime défini.

Yudel ne sera pas ménagé au cours de cette enquête, y compris au moment du dénouement. Qui a dit que le boulot de psy était facile ?
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
Commenter  J’apprécie          70
L'auteur, Ebersohn, est un des premiers auteurs sud-africains de roman policier, dénonçant notamment l'apartheid. Ce roman date historiquement de 1979. Il est le second volume dédié à un psychiatre juif de prison, Yudel Gordon.
Dans la petite ville de Middelspruit, Marthinus Pretorius, le fils d'un haut politicien, meurt empoisonné : le suspect idéal se transforme vite en coupable idéal, un jeune noir, Muskiet Lesoro, plutôt cinglé.
Mais un doute subsiste, et Yudel Gordon, après avoir diagnostiqué la folie du suspect, s'efforce d'enquêter de son côté, en un week-end plutôt tendu, évoluant entre la communauté noire, qui s'efforce d'être à sa place, la communauté blanche des Afrikaners, qui s'efforce de l'y maintenir, entretenant des rapports ambigus avec les kaffirs, ces Noirs dont elle a besoin mais dont elle se méfie.
Ouvrage psychologique, presque par évidence, avec un personnage attachant, passionné par son métier, et soucieux de justice sociale. Oui, ça lui fait du boulot. Pour un lecteur français, c'est une approche très intéressante de ce que peut être une société au racisme institutionnalisé, entre ceux qui y croient, ceux qui le contestent, le rapport à la religion, etc. Sans négliger, loin de là, les liens familiaux, parfois complexes et douloureux à dénouer.
Bon, la fin est un peu téléphonée, presque au sens propre d'ailleurs, mais reste dans la logique du roman et de la parole libératrice.
Commenter  J’apprécie          30
Un bon roman policier au temps de l'apartheid. Une histoire de meurtre dans une ferme possédée par un riche politicien, un psychologue-enquêteur attachant et perspicace, des personnages torturés, anxieux, toujours suffisamment nuancés pour les rendre crédibles. L'histoire démarre un peu lentement, avec de longues descriptions, que j'ai aimées, d'ailleurs. Puis le rythme s'accélère et on ne la lâche plus jusqu'à la fin. Et tant pis si le dénouement est un peu trop prévisible.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
La fonction du Ku Klux Klan dans le sud des États-Unis était implicite, dans le mécanisme étatique de l’Afrique du Sud. Les Blancs rétrogrades ne s’étaient jamais sentis menacés au point de former une telle organisation. Ils se reposaient sur la certitude que le pouvoir et l’autorité se dressaient entre eux et les hordes noires.

Dernièrement, les Blancs du pays avaient subi de nouvelles pressions.

Tous les territoires voisins s’étaient soumis, ou étaient en train de se soumettre à la loi de la majorité, et personne n’était dupe du fait que la loi de la majorité n’était qu’un euphémisme pour la loi des Noirs ; il y avait eu des émeutes dans la plupart des banlieues noires, l’année précédente.

Le gouvernement, cédant aux pressions d’outre-mer, avait autorisé les équipes de sport mixtes [...]
Commenter  J’apprécie          30
C’était un phénomène fâcheux, qui voulait que les crimes commis par les gens de votre bord soient toujours moins odieux que ceux des autres.

En poussant le raisonnement à l’extrême, on arrivait à dire que les gens de son propre groupe n’avaient jamais tort. Freek semblait vouloir justifier cette mini-vague de terreur.

Qu’on n’ait arrêté personne ne paraissait pas le troubler. Si les choses se calmaient, on oublierait et tout irait bien. Les catholiques auraient peut-être dû bâtir leur monastère ailleurs, là où ils étaient les bienvenus.
Commenter  J’apprécie          40
Quand on vivait, comme eux, dans une société patriarcale, quand on y avait grandi, on écoutait la voix de l’ordre établi, on emboîtait le pas au membre du Parlement, au dignitaire de l’Église, à son officier supérieur ou au premier venu installé une marche plus haut sur l’échelle sociale.

On ne remettait jamais en question le point de vue de ceux du dessus, et on n’oubliait jamais sa place dans la hiérarchie.

On ne laissait jamais non plus ceux d’en dessous oublier la leur.
Commenter  J’apprécie          40
— Vous ferez ce que je vous dirai de faire. Et n’essayez pas de me faire passer pour un abruti.
— Pas la peine, sergent, vous vous en sortez très bien tout seul. 
— Ne jouez pas au con, cria le sergent, ou je vous embarque, putain ! J’en ai rien à foutre que vous travailliez pour le Bureau des prisons. Pour moi c’est de la merde.
— Si vous savez qui je suis, pourquoi m’avoir demandé mon nom ? Et ne vous vantez pas, sergent, vous n’allez pas m’arrêter.
Commenter  J’apprécie          30
— Ne t’inquiète pas, ils savent reconnaître l’autorité quand ils la voient. Comme tu me l’as toujours fait remarquer, on vit dans une société patriarcale.
Commenter  J’apprécie          90

autres livres classés : afrique du sudVoir plus
Les plus populaires : Polar et thriller Voir plus


Lecteurs (52) Voir plus




{* *}