Un roman noir se déroulant en Afrique du Sud nous fait toujours entrer dans une autre ambiance qu'un autre, comme si nous pénétrions dans une autre dimension, poussant une porte que l'on aurait aimé ne jamais ouvrir.
Pourtant, je la pousse toujours dès qu'il s'agit de
Wessel Ebersohn et de son détective psychologue, Yudel Gordon.
Avec ce roman-ci, je pense que j'ai vraiment poussé une porte ultime et été le témoin d'actes dont j'aurais mieux aimé ne jamais apprendre l'existence.
N'étant pas un lapereau de l'année, je me doutais qu'elles avaient lieu, je les suspectais, l'Humain étant le champion du monde toute catégories au niveau de la cruauté et des pièges tendus aux autres.
Le premier chapitre ne nous laisse que peu de possibilités de fuite : on assiste, impuissant, à l'entrée d'une gamine Noire crevant de faim dans le piège tendu par le commerçant Johnny Weizmann : la porte de sa réserve entrouverte et la vue, pour les estomacs affamés, de paquets de biscuits.
Deux balles tirée à bout portant pour cette gamine. Pas de sanction pour l'enfant de salaud de Weizmann, si ce n'est de consulter un psychologue parce que là, ça en fait un peu de trop, de trophée de chasse humain.
Un enfant de salaud, en effet… Oui, papa Weizmann était un salaud de la pire espèce et penser que son fils, flingueur de pauvres hères, en est un aussi, c'est un pas qu'il ne faut pas franchir trop vite.
Chez l'auteur, rien n'est jamais tout à fait blanc, ni tout à fait noir et au fil du récit, on fait la part des choses, on comprend le pourquoi, même si on ne pardonne pas. le problème est né ailleurs, les conséquences se font sentir depuis lors.
Yudel, pressentant que le commerçant va récidiver et ne le voyant plus arriver à ses séances va mener son enquête et elle ne sera pas de tout repos, l'auteur en profitant pour nous faire visiter une partie de la mentalité de l'Afrique du Sud qui ne laisse pas indemne tant la violence est banalisée et la population Noire sans droits aucun, si ce n'est de se taire et de ne rien dire. Raser les murs, aussi. Et pire encore.
Dans une société où seuls les Blancs ont le droit de s'armer, où seuls les Blancs ont des richesses, des possessions et donc, des choses à perdre lors d'une cambriolage, il est est autorisé par la loi de tirer à vue sur un cambrioleur, qu'il soit menaçant ou en fuite et si vous vous trompez de cible, pour les policiers, si la personne tuée ou touchée est Noire, et bien, on classera l'affaire.
Pousser la porte d'un roman de Ebersohn comporte toujours un risque, en plus de celui de devenir accro à ses romans, ses ambiances, son personnage atypique d'enquêteur psychologue : ici, nous ne sommes pas dans le monde des Bisounours, si dans de la SF, mais ceci est la réalité d'une société et il est un fait que le roman est glaçant.
Le lecteur prend un risque en le lisant, mais dites-vous bien que l'auteur en a pris encore plus pour l'écrire car toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.
L'histoire se déroule en 1978… On sent, malgré tout, que le système horrible qui était en place se gangrène, qu'il n'est plus tout aussi puissant qu'avant, que le reste du Monde a porté un regard sur les émeutes de Soweto qui eurent lieu en 1976 et que l'Afrique du Sud telle qu'elle était commence à vaciller sur son piédestal.
La bête est blessée, mais avant d'agoniser, elle donne toujours des coups de crocs, de griffes et tente, malgré tout, du survivre car perdre son statut de tout puissant Homme Blanc fait peur et entraîne que la vie ne sera jamais plus comme avant.
La Nuit Divisée est un roman noir glaçant qui décrit une société pourrie de l'intérieur et un système inégalitaire qui n'a que trop duré. Tout à son enquête, Yudel Gordon nous laisse entrevoir la vie et le mode de raisonnement de certains de ses compatriotes, qu'ils soient Blancs tout puissant ou Noir et sans droits.
Un roman noir percutant et pour l'instant, le meilleur de la saga.
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