Le narrateur, dont on ignore le nom, évoque, un de ses amis, Fradique Mendes, des années 1850 à 1888. Entre
Paris et Lisbonne en passant par le Caire, le jeune Fradique, à la fois dandy, curieux intellectuellement, et poète, se frottant tant aux domaines scientifiques comme qu'aux domaines artistiques, connu pour son recueil de
poèmes "Les lapidarias", promène son flegme et donne son avis et ses impressions sur tous les sujets. Voyageur et philosophe, il jette sur le monde et sur ses fréquentations un regard tantôt humoristique, tantôt cynique. Rencontrant les poètes et écrivains comme
Leconte de Lisle,
Théophile Gautier,
Baudelaire et même
Victor Hugo à Guernesey, il ne se prive pas de critiquer ou remettre en cause la valeur de certains de leurs écrits ou de leurs
poèmes. Tantôt extravagant, tantôt défenseur de l'élégance et de la morale, ce Fradique Mendes apparaît comme un caméléon, séduisant son auditoire et dont les nombreuses facettes permettent d'éclairer le monde qu'il traverse.
Entre
le portrait dressé par le narrateur qui présente Fradique comme un être curieux de tout, intellectuel, esthète et hédoniste, mettant à profit ses voyages pour multiplier les rencontres, et les lettres écrites par Fradique
lui-même sur de multiples sujets rassemblées en deuxième partie du récit,
Eça de Queiros s'amuse et décrit dans une biographie imaginaire, et avec énormément d'humour, l'époque et la société dans laquelle son personnage évolue. Il réussit à souligner avec intelligence, les travers de ses semblables, la fatuité des intellectuels, écrivains et artistes, caricaturant les suiveurs qui portent aux nues ce Fradique, décrit plus comme un surhomme - l'alpha et l'oméga de son époque - que comme simple dandy. La vérité du personnage est révélée par la lecture de ses lettres qui montrent sa grande profondeur, son recul et sa lucidité.
Avec la vie extravagante de Fradique Mendes,
Eça de Queiros se lance dans la biographie imaginée et presque loufoque, d'un dandy raffiné et éduqué qui traverse la fin du XIXème siècle à la rencontre des artistes, écrivains, à la découverte des grandes orientations technologiques comme le canal de Suez, la construction de la ligne de chemin de fer entre Jaffa et Israël. C'est drôle, intelligent, léger et jubilatoire mais également profond dans la satyre et la caricature, dans le regard porté sur la société de cette fin de XIXème siècle.
Un bijou d'humour et d'intelligence dans la lignée
De Maupassant ou
Gogol, à découvrir.