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Critique de oiseaulire


Les deux thèmes de prédilection d'Eça de Queiros sont indiscutablement la conscience humiliée des Portugais à l'égard de leur pays en cette seconde moitié du 19ème siècle et la passion amoureuse, surtout impossible.

Dans les salons de l'aristocratie lisboète, il est beaucoup question de l'apathie qui s'est abattue sur le pays et a stérilisé ses ressources : sans talents politiques novateurs, sans richesses appréciables malgré d'immenses colonies, incapable de développer une agriculture florissante ou une industrie viable, sans génie artistique, le Portugal vit d'emprunts qui vont le conduire à la banqueroute et pour tout le reste à la traîne de l'Europe, imitant les pays plus dynamiques jusque dans ses sociétés philanthropiques et ses manifestations sportives ; inapte aux vrais raffinements de civilisation, il échoue même à sauvegarder sa propre culture, qui se limiterait aux lâchers de taureaux dans les rues. Mélancoliques et indolents, ces messieurs en viennent à souhaiter mezza voce une mise sous tutelle espagnole et se laissent sombrer avec majesté et fatalisme en confiant leurs affaires aux régisseurs et aux banquiers.
Pour le reste, ce qui occupe cette classe oisive et encore privilégiée, c'est l'amour, bien sûr, grande affaire quand on n'a rien à faire : l'amour comme passe-temps, de préférence adultère, l'amour de scandale et de routine, mais aussi l'amour passion, l'amour fou, l'amour pour lequel on est prêt à sacrifier son avenir. Dans l'intrigue d'Eça de Queiros surgit toujours un obstacle au bonheur des amants, infranchissable : jamais celui que l'on voit se profiler, mais toujours pire. Je n'en révèlerai pas davantage.
Le style est extrêmement agréable, fluide et classique mais très alerte, souvent malicieux. La description de la nature portugaise (on a envie de partir pour Sintra toutes affaires cessantes) et des intérieurs est exquise. Les personnages ont un relief qui les fait vraiment exister, on a l'impression de connaître Alfonso, Carlos, Ega.
Queiros est considéré comme appartenant au mouvement littéraire naturaliste : "Les Maïa" comportent d'ailleurs de nombreuses polémiques opposant les personnages sur leur conception de l'art. Mais il ne s'agit pas du naturalisme d'Emile Zola dans "L'assommoir" ou "La terre", mais d'une forme plus proche de celle de Flaubert ou Maupassant.
Une très belle découverte pour moi, tout comme "La tragédie de la rue des fleurs", lue précédemment.
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