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EAN : 9782707349682
128 pages
Editions de Minuit (04/01/2024)
  Existe en édition audio
3.81/5   1037 notes
Résumé :
Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état.
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Critiques, Analyses et Avis (252) Voir plus Ajouter une critique
3,81

sur 1037 notes
Un court roman de 125 pages et pourtant un longue histoire pleine de bouleversement qui débute par une ballade tranquille de Anthime le personnage central.
C'est un samedi après-midi comme les autres, Anthime prend sa bicyclette («un solide modèle Euntes conçu par et pour des ecclésiastiques, racheté à un vicaire devenu goutteux.»). Il cale un gros livre «trop massif pour son porte-bagage en fil de fer, sous un sandow», il grimpe en danseuse une colline, juste une butte vendéenne d'où il a une vue sur la campagne environnante et les villages dont elle est parsemée. Un vent rageur le surprend gênant la sérénité du moment et couvrant tout autre bruit. Il est quatre heures de l'après-midi quand un autre phénomène visuel celui-là accapare le regard de Anthime : «Au sommet de chacun des clochers, ensemble et d'un seul coup, un mouvement venait de se mettre en marche, mouvement minuscule mais régulier : l'alternance régulière d'un carré noir et d'un carré blanc se succédant toutes les deux ou trois secondes, ... Comme une lumière alternative, un clignotement binaire ... impulsions mécaniques aux allures de déclics ou de clins d'oeil, adressés de loin par autant d'inconnus.

Ce sont les cloches, le tocsin qui annonce la guerre dont «l'image venait de lui parvenir avant le son.»
On y croit sans y croire, on y songe et puis la guerre est là même si l'on est un samedi du début août.

Le ton est donné, humour (la bicyclette Euntes rachetée à un vicaire devenu gouteux) et précision (sandow à la place de tendeur) , tout est en place, se met en branle pour nous conduire progressivement de la fête et la fanfare qui accompagnent ceux qui vont prendre le train et rejoindre ensuite le front après une longue marche, où le poids du barda se fait de plus en plus lourd sur les épaules, jusqu'au déploiement de la machine guerrière qui va les broyer.

J'ai aimé l'image du gros livre qui tombe du vélo lorsque Anthime redescend vers le village. Signe qu'on laisse tout en arrière sans s'en apercevoir dans la précipitation du départ : «... le gros livre est tombé du vélo, s'est ouvert dans sa chute pour se retrouver à jamais seul au bord du chemin, reposant à plat ventre sur l'un de ses chapitres intitulé «Aures habet, et non audiet.» (Il a des oreilles et il n'entend pas). Ce titre est celui du chapitre II Livre IV du roman de Hugo, «Quatre vingt treize» qui se passe en Vendée pendant la terreur et qui relate une scène presque semblable à celle que vient de vivre Anthime losqu'il voit le tocsin avant de l'entendre. Tous ont pourtant eu dans les oreilles les rumeurs de la guerre à venir, ont senti les menaces mais ils n'y croient pas vraiment jusqu'à ce tocsin.

« 14 » est pour moi une perfection car on en sort en ayant l'impression d'avoir dévoré un énorme roman comme «Quatre vingt treize» par exemple (la proportion étant respectée jusque dans les titres, le bref 14 en chiffre face au long quatre vingt treize en lettres)...
Il y a des scènes inoubliables que ce soit des scènes intimistes (le regard qu'échange par deux fois Blanche et Anthime avant le départ) ou des scènes d'une grande violence comme le premier combat où disparaissent la plupart des membres d'un orchestre qui accompagne l'avancée des soldats.
La fin a surpris certains lecteurs et pourtant elle me semble s'accorder parfaitement avec le début....

Merci à l'auteur pour son livre et pour m'avoir donner envie de lire «Quatre vingt treize» !!!
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Echenoz n'a pas écrit un livre de plus sur la "grande guerre". Il a écrit 14 et son livre se posera à côté des plus grands. 14, c'est l'essentiel, la guerre au plus serrée dans une prose qui l'est tout autant.
Lorsque le tocsin fait descendre Anthime de sa bicyclette, son destin est joué. le sien et celui de ses amis qui incorporeront tous le 93° régiment. le laconisme d'Echenoz révèle le tragique des faits, sa désinvolture enchâsse l'épouvante et son humour révèle l'horreur. En dire peu afin de dire mieux. L'écrivain est passé maître dans cet art.
Car ce petit roman en nombre de pages (124) est un bouquin immense. Ses héros n'en sont pas. Mais certains en seront. D'autres pas. C'est étrange le destin. Ca ne répond à aucune logique. C'est ironique.
"Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état".

Je vous laisse avec cette quatrième de couverture. Je sais qui est revenu. Dans quel état. Mais je sais surtout que je n'oublierai pas Anthime, Charles, Bossis, Arcenel et Padioleau.
Je sais enfin qu' "on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés: les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes."
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Sur les conseils d'Anna, après l'Acacia, je me suis lancée à la découverte de Jean Echenoz et quelle découverte ! Un choc ! Une stupéfaction devant un tel talent littéraire ! Deux récits à l'écriture diamétralement opposée mais qui sont complémentaires, deux talents, deux lectures exigeantes comme je les apprécie mais deux lectures qui se répondent.

J'ai beaucoup lu sur ladite Grande Guerre (la grande boucherie). Jusqu'à l'âge de huit ans, j'ai eu la chance de pouvoir profiter de mon arrière-grand-père paternel, Victor, morvandiau de son état avec ses bretelles, sa ceinture de flanelle et ses moustaches à la Henri Vincenot. Nonobstant l'amour que je vouais à mes arrières grands-parents, J'ai grandi avec les récits sommaires de cette guerre et j'ai toujours voulu comprendre, lire, m'imprégner au plus près, comme pour mieux me rapprocher de mes arrières grands-parents.
Victor était sur le champ de bataille, Chemin des Dames et Verdun. Pendant tout ce temps, Juliette faisait tourner l'usine du chocolat Menier. Il trône en photo sur mon bureau, fier dans sa tenue de Poilu. Que ce soit un documentaire, un livre, je ne peux le dissocier de ces récits, il ne me quitte jamais avec cette question lancinante « comment ont-ils pu ? » !

Si vous voulez vous sentir propulsé un siècle en arrière en Vendée, si vous voulez entendre sonner le tocsin, lisez Echenoz ! En 124 pages, l'auteur a l'art de vous faire mordre la poussière des tranchées mais aussi de vous faire prendre conscience de ce qu'était le quotidien de monsieur et madame tout-le-monde, pas de héros, pas de faits exceptionnels, simplement des hommes embarqués dans une histoire qui les dépasse et une femme qui attend.

A l'image du titre, l'écriture se veut dépouillée, axée sur le mot juste, parfait, des phrases courtes qui font mouche, qui vous projettent sur le champ de bataille au milieu de l'hécatombe. L'auteur s'attache à mettre en évidence les sentiments, les pensées, les émotions, à hauteur de ces quatre hommes mobilisés et une jeune femme, Blanche, restée en Vendée pour nous immerger dans cette terrible Grande Guerre.

C'est avec enthousiasme qu'ils partent sous les fleurs et les bravo de la foule combattre le boche soit disant pour peu de temps, tout va se régler en deux temps, trois mouvements, une guerre « éclair » en quelque sorte.

J'ai admiré cette écriture élégante, à distance, un peu comme un journal de guerre, écrit au quotidien, à la fois proche, fusionnel mais aussi de loin, comme si je tenais une caméra, et pourtant, les sensations sont là ; la chaleur sous l'uniforme et le casque qui blesse, la vermine, l'odeur de la mort, de l'urine, le (dé) goût du « singe en boite », la lourdeur de l'équipement, son évolution, le perfectionnement des armes au détriment des soldats, et la peur. Tout est précis, concis, jusqu'au retour de l'infirme où le membre amputé continue de faire souffrir.
Echenoz s'est beaucoup attaché au destin de ces quatre amis et de Blanche plus qu'à l'Histoire de la Grande Guerre. de ces 124 pages, derrière un cynisme affiché, une forme de désinvolture, j'entends un questionnement sur le sens, sur la destinée, et un discours à charge contre les officiers, les politiques qui ont sacrifié toute une jeunesse comme le démontre une scène où deux aéroplanes, un Ferman et un Aviatik vont s'opposer : scène exceptionnelle de réalisme avec une économie de mots ! J'en suis arrivée à me demander si Echenoz ne possédait pas « un truc », un petit quelque chose de magique qui puisse donner autant de relief, autant de force, à une écriture aussi minimaliste.

Je vais relire ce livre rien que pour le plaisir d'admirer avec quelle virtuosité Echenoz défie Proust ou Claude Simon ! Quel amour des mots et quelle connaissance pour parvenir à ce qu'un seul mot, à la nuance près, puisse suggérer l'idée tapie dans l'esprit de l'auteur.

Ce qui me fait dire que notre langue française possède un vocabulaire d'une richesse sans fin, qu'elle doit être préservée, respectée et aimée comme seuls de tels auteurs sont à même de nous le démontrer.
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Pour Anthime, ça a commencé lors d'une promenade à bicyclette par une belle journée d'août, quand le son des cloches a résonné dans l'air chaud et qu'il a reconnu le tocsin. « Le tocsin, vu l'état présent du monde, signifiait à coup sûr la mobilisation. » Puis tout s'est enchaîné, Anthime et ses amis sont devenus des soldats — partant se battre la fleur au fusil, selon l'expression consacrée, car la guerre ils ignoraient ce que c’était. Et que de toute façon, on prédisait qu'elle serait courte. On connaît la suite, la guerre qui s'éternise, les tranchées, la boue, l'ennui, le froid et la faim, les rats et les poux, les blessures atroces, les morts toujours plus nombreux, et le peloton d'exécution pour les récalcitrants.

Jean Echenoz, l'air de rien, signe avec 14 un livre exceptionnel sur une des plus grandes absurdités du vingtième siècle. Concis, ironique, factuel, il raconte la Grande Guerre du point de vue des soldats, des millions sacrifiés, victimes de la folie des hommes.
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Je ne connaissais pas Jean Echenoz, pourtant, je me suis arrêtée sur ce titre, « 14 », qui faisait tristement écho à l'actualité de ce week-end avec les commémorations du 11 novembre 1918. Après la lecture des billets de Martine (enjie77) et Anna (AnnaCan), j'ai eu envie de replonger dans l'histoire de la première guerre mondiale.

*
Ce court livre d'une petite centaine de pages m'a surprise par le style indirect utilisé. Magnifiquement écrit, il ne s'appuie pas sur le contexte historique, ni sur les douleurs psychologiques. Il se concentre sur le destin de cinq jeunes hommes d'un même village de Vendée qui ensemble, vont quitter leur vie tranquille et découvrir la guerre.
C'est avec beaucoup de pudeur que Jean Echenoz esquisse les différents destins d'Anthime, Charles, Bossis, Padioleau, Arcenel. Ils sont comptable, sous-directeur d'usine, équarrisseur, boucher, bourrelier, et du jour au lendemain, un fusil à la main, ils deviennent des soldats, envoyés en première ligne des zones de combat.

« J'ai faim, geignait donc Padioleau, j'ai froid, j'ai soif et puis je suis fatigué. Eh oui, a dit Arcenel, comme nous tous. Et puis je me sens aussi très oppressé, a poursuivi Padioleau, sans compter que j'ai mal au ventre. Ça va passer, ton mal au ventre, a pronostiqué Anthime, on l'a tous plus ou moins. Oui mais le pire, a insisté Padioleau, c'est que je ne sais pas trop si je me sens oppressé parce que j'ai mal au ventre (Tu commences à nous emmerder, a fait observer Bossis) ou si j'ai mal au ventre parce que je me sens oppressé, vous voyez ce que je veux dire. Fous-nous la paix, a conclu Arcenel. »

L'écriture de Jean Echenoz est très visuelle. En quelques, mots, il transmet beaucoup, sous forme d'images qui s'incrustent dans notre esprit. J'ai vraiment eu l'impression de diriger mes pas, avec eux, vers l'Est de la France, de saisir l'horreur de leur quotidien dans les tranchées.

Pourtant, tout commence par une promenade en vélo, interrompue par le chant du tocsin. Ces premières pages sont magnifiques, avec une image qui perdure, celle de ce livre tombé du vélo, ouvert à une page qui annonce, comme une prophétie, les millions de morts et de blessés à venir.

« Anthime s'en aperçût, le gros livre est tombé du vélo, s'est ouvert dans sa chute pour se retrouver à jamais seul au bord du chemin, reposant à plat ventre sur l'un de ses chapitres intitulé Aures habet, et non audiet. » (« Ils ont des oreilles et n'entendent pas »)

Pourtant, tout débute par des scènes de joie, de rires, d'hymnes et de fanfares. Naïfs, ils partent au front dans les Ardennes, comme s'ils allaient vivre une expérience divertissante de courte durée.

« … c'est l'affaire de quinze jours tout au plus… nous reviendrons tous en Vendée. »

Mais la dure réalité de la guerre va vite les rattraper.
Et le lecteur est là aussi, au milieu des combats, impuissant, perdu, bouleversé. Les mots de l'auteur, simples, justes, sans effet de style, frappent, nous renvoyant l'image de ces combats meurtriers, des explosions d'obus dans les tranchées, des corps sans vie, déchiquetés et au-delà de tout ça, on ne peut que dénoncer encore et toujours l'absurdité de toute guerre.

« C'est peu après avoir fait connaissance avec cet écho de la fusillade qu'on est brusquement entrés en pleine ligne de feu, dans un vallonnement un peu au-delà de Maissin. Dès lors il a bien fallu y aller : c'est là qu'on a vraiment compris qu'on devait se battre, monter en opération pour la première fois mais, jusqu'au premier impact de projectile près de lui, Anthime n'y a pas réellement cru… Puis on leur a crié d'avancer et, plus ou moins poussé par les autres, il s'est retrouvé sans trop savoir que faire au milieu d'un champ de bataille on ne peut plus réel. D'abord avec Bossis ils se sont regardés, Arcenel derrière eux rajustait une courroie et Padioleau se mouchait dans un tissu moins blanc que lui. Ensuite il a bien fallu s'élancer au pas de charge cependant que paraissait à l'arrière-plan, dans leur dos, un groupe d'une vingtaine d'hommes qui, le plus paisiblement du monde, se sont disposés en rond sans apparent souci des projectiles. C'étaient les musiciens du régiment dont le chef, sa baguette blanche dressée, a fait s'élever en l'abattant l'air de la Marseillaise, l'orchestre envisageant d'illustrer vaillamment l'assaut. »

L'auteur reste discret sur l'horreur des scènes de guerre, il ne s'attarde pas non plus sur les corps mutilés. le lecteur n'a pas besoin de cela pour réaliser que ces hommes n'étaient pas des héros, mais de simples hommes, comme vous et moi, des hommes souvent très jeunes non préparés à vivre l'enfer.
De la chair à canon, voilà ce qu'ils étaient.

« On s'accroche à son fusil, à son couteau dont le métal oxydé, terni, bruni par les gaz ne luit plus qu'à peine sous l'éclat gelé des fusées éclairantes, dans l'air empesté par les chevaux décomposés, la putréfaction des hommes tombés puis, du côté de ceux qui tiennent encore à peu près droit dans la boue, l'odeur de leur pisse et de leur merde et de leur sueur, de leur crasse et de leur vomi, sans parler de cet effluve envahissant de rance, de moisi, de vieux, alors qu'on est en principe à l'air libre sur le front. »

*
Jean Echenoz s'est sûrement beaucoup documenté pour nous décrire le quotidien de ces hommes, de l'insouciance du recrutement jusqu'au dénouement, pour certains tragiques. Il aborde avec retenue mais précision de nombreux thèmes : le désespoir et la solitude de ces hommes, la faim qui les tenaillaient, les conditions d'hygiène déplorables, leur équipement sommaire, les exécutions pour désertion.

"Fusillé par les siens plutôt qu'asphyxié, carbonisé, déchiqueté par les gaz, les lance-flammes ou les obus des autres, ce pouvait être un choix. Mais on a aussi pu se fusiller soi-même, orteil sur la détente et canon dans la bouche, une façon de s'en aller comme une autre, ce pouvait être un deuxième choix."

Jean Echenoz parle aussi de ceux qui sont restés à la maison attendant le retour de leur mari, de leur père, de leur frère, de leur ami, à l'image de Blanche.

*
J'ai trouvé l'écriture de l'auteur puissante dans sa simplicité. Sobre et dépouillée, elle parvient à nous émouvoir tout en transmettant le sentiment que pour survivre, il fallait avancer et laisser ses émotions de côté.

*
Pour conclure, Jean Echenoz réussit à montrer la futilité et le traumatisme d'une des plus grandes guerres de l'histoire, tout en s'attachant à quelques histoires individuelles. En cela, il nous interroge également sur le sens de la vie, la destinée de chacun et la part de hasard.
Son écriture, belle, simple, élégante, dense, parvient, avec une distance feinte, à dire beaucoup en peu de mots.
Une véritable prouesse d'écriture.

*
Merci Martine, Anna pour cette très belle lecture.
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critiques presse (9)
Telerama
20 février 2024
Refusant l’emphase tragique, mais imprégné d’un indicible chagrin, un fatalisme énoncé à mi-voix, Jean Echenoz nous livre une admirable méditation sur la destinée de l’individu.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaPresse
03 décembre 2012
Echenoz boucle cette «effroyable boucherie» de 16 millions de morts en un récit de 150 000 signes qui totalise à peine 124 pages.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaLibreBelgique
13 novembre 2012
Précis, grave, fulgurant roman où six destins humains éclairent le chaos d’un monde délétère.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeMonde
15 octobre 2012
Ce nouveau roman concentre et synthétise le meilleur de l'écriture échenozienne. Et si son titre ne laisse d'abord aucun doute sur la période à laquelle il renvoie, on ne peut manquer de s'étonner ensuite qu'il se limite à cette seule première année de combat.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeSoir
09 octobre 2012
Un humour un peu désespéré, la politesse des pauvres, un grand sens de la narration, une originalité qui permet à l’auteur de glisser un chapitre sur les animaux entre les autres qui rebondissent de l’un à l’autre. […]14 est à lire absolument.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Liberation
08 octobre 2012
La guerre détruit ce que le livre soude. Quelle connerie, disait Prévert. Echenoz ne l’écrit pas. Mais son talent de miniaturiste s’acharne à le montrer. En ce sens, l’exercice de style est, comme la mort, un acte du cœur.
Lire la critique sur le site : Liberation
Lhumanite
08 octobre 2012
Jamais Echenoz ne hausse le ton ni ne flirte avec le pathos. Mais son économie d’écriture, avec ses images millimétrées et sa langue pesée au trébuchet, fait ici merveille. Son 14 s’inscrit comme 
une œuvre de toute première force sur le thème de 
la Grande Guerre.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
LeFigaro
08 octobre 2012
Echenoz brosse un portrait de cet Anthime qui n'est pas sans rappeler ses fictions biographiques: en quelques phrases courtes, ciselées, gentiment ironiques, la photo est prise.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Telerama
26 septembre 2012
Une méditation sur la destinée de l'individu, celui ­aussi des générations. Portée par une phrase qui atteint aujourd'hui sa perfection. Maîtrisée, renversante, superbe jusque dans ses feints relâchements, ses moments d'apparente et grisante désinvolture [...].
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (133) Voir plus Ajouter une citation
Au sommet de chacun des clochers, ensemble et d'un seul coup, un mouvement venait de se mettre en marche, mouvement minuscule mais régulier : l'alternance régulière d'un carré noir et d'un carré blanc, se succédant toutes les deux ou trois secondes, avait commencé de se déclencher comme une lumière alternative, un clignotement binaire rappelant le clapet automatique de certains appareils à l'usine : Anthime a considéré sans les comprendre ces impulsions mécaniques aux allures de déclics ou de clins d'œil, adressés au loin par autant d'inconnus.
Puis s'arrêtant aussi net qu'il avait surgi, le grondement enveloppant du vent a soudain laissé place au bruit qu'il avait jusqu'ici couvert : c'étaient en vérité les cloches qui, venant de se mettre en branle du haut de ces beffrois, sonnaient à l'unisson dans un désordre grave, menaçant, lourd et dans lequel, bien qu'il n'en eût que peu d'expérience car trop jeune pour avoir jusque-là suivi beaucoup d'enterrements, Anthime a reconnu d'instinct le timbre du tocsin - que l'on n'actionne que rarement et duquel seule l'image venait de lui parvenir avant le son.
Le tocsin, vu l'état présent du monde, signifiait à coup sûr la mobilisation.


pages 10/11
Commenter  J’apprécie          447
Or, on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés ; les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes. La seule solution consistant à n'être plus apte, c'est évidemment la bonne blessure qu'on attend faute de mieux, celle qu'on en vient à désirer, celle qui (voir Anthime) vous garantit le départ mais le problème réside en ce qu'elle ne dépend pas de vous. Cette bienfaisante blessure, certains ont donc tenté de se l'administrer eux-mêmes sans trop se faire remarquer, en se tirant une balle dans la main par exemple, mais en général ils ont échoué ; on les a confondus , jugés puis fusillés pour trahison. Fusillé par les siens plutôt qu'asphyxié, carbonisé, déchiqueté par les gaz, les lance-flammes ou les obus des autres, ce pouvait être un choix. Mais on a aussi pu se fusiller soi-même, orteil sur la détente et canon dans la bouche, une façon de s'en aller comme une autre, ce pouvait être un deuxième choix.

page 94
Commenter  J’apprécie          394
Comme il marchait tout en blaguant à mi-voix avec les autres, tâchant cependant de mesurer fièrement son pas, Anthime a cru distinguer Blanche sur le trottoir gauche de l’avenue. Il a d’abord pensé que c’était une ressemblance et puis non, c’était elle, Blanche, habillée comme pour un jour de fête, jupe rose légère et corsage mauve de saison. Pour s’armer contre le soleil, elle avait déployé sur son corps un large parapluie noir pendant qu’on exsudait en cadence sous le képi neuf qui serrait dur les tempes, sous le sac sanglé selon les consignes et qui, ce premier jour, ne pesait pas encore trop sur les clavicules.
Comme il s’y attendait, Anthime a d’abord vu Blanche porter vers Charles un sourire fier de son maintien martial puis, comme il arrivait à sa hauteur, cette fois non sans surprise il a reçu d’elle une autre variété de sourire, plus grave et même, lui a-t-il semblé, un peu plus ému, soutenu, prononcé, va savoir au juste. Il n’a pas vu ni tenté de voir comment Charles, de toute façon de dos, répondait à ce sourire mais lui, Anthime, n’y a réagi que par un regard, le plus court et le plus long possible, se forçant à le charger du moins d’expression disponible tout en en suggérant le maximum – nouvel exercice cette fois doublement antinomique et qui, tout en se contraignant à tenir le pas, n’était pas une petite affaire.
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Le sac ne pesait d’abord, vide, que six cents grammes. Mais il s’alourdirait vite par un premier lot de fournitures réglementaires, soigneusement réparties et consistant en matériel alimentaire - bouteilles d’alcool de menthe et substitut de café, boîtes et sachets de sucre et de chocolat, bidons et couverts en fer étamé, quart en fer embouti, ouvre-boîte et canif, - en vêtements - caleçons court et long, mouchoirs en coton, chemises de flanelle, bretelle et bandes molletières -, en produits d’entretien et de nettoyage - brosses à habits, à chaussures et pour les armes, boîtes de graisse, de cirage, de boutons et de lacets de rechange, trousse de couture et ciseaux à bouts ronds -, en effets de toilette et de santé - pansements individuels et coton hydrophile, torchon-serviette, miroir, savon, rasoir avec son aiguisoir, blaireau, brosse à dents, peigne - ainsi qu’en objets personnels - tabac à rouler, allumettes et briquet, lampe de poche, bracelet d’identité à plaques en maillechort et aluminium, petit paroissien du soldat, livret individuel.

Tout cela semblait déjà pas mal pour un seul sac mais n’empêchait nullement qu’ensuite on arrimât sur lui, à l’aide de sangles, divers accessoires échafaudés. Au sommet, d’abord, sur une couverture roulée surmontant une toile de tente avec mâts, piquets et cordeaux incorporés, trônerait une gamelle individuelle - basculée pour obvier à l’ entrechoc avec la tête-, à l’arrière un petit fagot de bois sec pour la soupe au bivouac serait calé sur une marmite fixée par une courroie remontant sur la gamelle et, latéralement, pendraient un ou deux outils de campagne sous leur housse en cuir - hache ou cisaille, serpe, scie, pelle, pioche ou pelle-pioche, au choix - ainsi qu’une vache à eau et une lanterne sous son étui de transport en toile. L’ensemble de cet édifice avoisinerait alors au moins trente-cinq kilos par temps sec. Avant qu’il ne se mette donc à pleuvoir.
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Anthime avait commencé ... par tailler des lacets dans les courroies abandonnées. Puis, l’idée lui étant venue d’utiliser ces mêmes courroies comme bracelets qui, noués puis munis d’un fermoir, permettaient de fixer au poignet les montres à gousset par soudures d’anses à midi et six heures, il avait ainsi cru inventer le bracelet-montre. Il caressait ensuite le magnifique projet de faire breveter cette invention à son retour – avant d’apprendre alors que cette idée avait été conçue dix ans plus tôt par Louis Cartier pour aider son ami Santos-Dumont, cet aviateur s’étant plaint de ne pouvoir extraire sa montre de sa poche en pilotant.
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Mathieu Lindon Une archive - éditions P.O.L où Mathieu Lindon tente de dire de quoi et comment est composé son livre "Une archive", et où il est notamment question de son père Jérôme Lindon et des éditions de Minuit, des relations entre un père et un fils et entre un fils et un père, de Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Marguerite Duras et de Robert Pinget, de vie familiale et de vie professionnelle, de l'engagement de Jérôme Lindon et de ses combats, de la Résistance, de la guerre d'Algérie et des Palestiniens, du Prix Unique du livre, des éditeurs et des libraires, d'être seul contre tous parfois, du Nouveau Roman et de Nathalie Sarraute, d'Hervé Guibert et d'Eugène Savitzkaya, de Jean Echenoz et de Jean-Phillipe Toussaint, de Pierre-Sébastien Heudaux et de la revue Minuit, d'Irène Lindon et de André Lindon, d'écrire et de publier, de Paul Otchakovsky-Laurens et des éditions P.O.L, à l'occasion de la parution de "Une archive", de Mathieu Lindon aux éditions P.O.L, à Paris le 12 janvier 2023.

"Je voudrais raconter les éditions de Minuit telles que je les voyais enfant. Et aussi mon père, Jérôme Lindon, comme je le voyais et l'aimais. Y a-t-il des archives pour ça ? Et comment être une archive de l'enfant que j'ai été ?"
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