AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur 14 (134)

Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas l'opéra, même si, comme lui, c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui ça fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c'est assez ennuyeux.
Commenter  J’apprécie          531
... non contents d’essuyer les tirs venus de l’ennemi, ils ont commencé de recevoir aussi dans le dos des balles imprudemment tirées par leurs propres forces, après quoi le désordre s’est vite installé dans les rangs. C’est qu’on était sans expérience, les accrochages commençaient à peine : ce ne serait que plus tard, pour pallier de tels impairs et se faire mieux repérer par les officiers observateurs, qu’on recevrait l’ordre de coudre un grand rectangle blanc dans le dos de sa capote. 
Commenter  J’apprécie          480
... Un casque censé protéger l'homme plus sérieusement, mais dont les modèles initiaux étaient peints en bleu brillant. Quand on les a coiffés, on s'est d'abord bien amusés de ne plus se reconnaître tant ils étaient couvrants. Quand ça n'a plus fait rire personne et qu'il est apparu que les reflets du soleil produisaient d'attrayantes cibles, on les a enduits de boue comme on l'avait fait l'an passé pour les gamelles.
Commenter  J’apprécie          470
Au sommet de chacun des clochers, ensemble et d'un seul coup, un mouvement venait de se mettre en marche, mouvement minuscule mais régulier : l'alternance régulière d'un carré noir et d'un carré blanc, se succédant toutes les deux ou trois secondes, avait commencé de se déclencher comme une lumière alternative, un clignotement binaire rappelant le clapet automatique de certains appareils à l'usine : Anthime a considéré sans les comprendre ces impulsions mécaniques aux allures de déclics ou de clins d'œil, adressés au loin par autant d'inconnus.
Puis s'arrêtant aussi net qu'il avait surgi, le grondement enveloppant du vent a soudain laissé place au bruit qu'il avait jusqu'ici couvert : c'étaient en vérité les cloches qui, venant de se mettre en branle du haut de ces beffrois, sonnaient à l'unisson dans un désordre grave, menaçant, lourd et dans lequel, bien qu'il n'en eût que peu d'expérience car trop jeune pour avoir jusque-là suivi beaucoup d'enterrements, Anthime a reconnu d'instinct le timbre du tocsin - que l'on n'actionne que rarement et duquel seule l'image venait de lui parvenir avant le son.
Le tocsin, vu l'état présent du monde, signifiait à coup sûr la mobilisation.


pages 10/11
Commenter  J’apprécie          447
Anthime avait commencé ... par tailler des lacets dans les courroies abandonnées. Puis, l’idée lui étant venue d’utiliser ces mêmes courroies comme bracelets qui, noués puis munis d’un fermoir, permettaient de fixer au poignet les montres à gousset par soudures d’anses à midi et six heures, il avait ainsi cru inventer le bracelet-montre. Il caressait ensuite le magnifique projet de faire breveter cette invention à son retour – avant d’apprendre alors que cette idée avait été conçue dix ans plus tôt par Louis Cartier pour aider son ami Santos-Dumont, cet aviateur s’étant plaint de ne pouvoir extraire sa montre de sa poche en pilotant.
Commenter  J’apprécie          430
Or, on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés ; les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes. La seule solution consistant à n'être plus apte, c'est évidemment la bonne blessure qu'on attend faute de mieux, celle qu'on en vient à désirer, celle qui (voir Anthime) vous garantit le départ mais le problème réside en ce qu'elle ne dépend pas de vous. Cette bienfaisante blessure, certains ont donc tenté de se l'administrer eux-mêmes sans trop se faire remarquer, en se tirant une balle dans la main par exemple, mais en général ils ont échoué ; on les a confondus , jugés puis fusillés pour trahison. Fusillé par les siens plutôt qu'asphyxié, carbonisé, déchiqueté par les gaz, les lance-flammes ou les obus des autres, ce pouvait être un choix. Mais on a aussi pu se fusiller soi-même, orteil sur la détente et canon dans la bouche, une façon de s'en aller comme une autre, ce pouvait être un deuxième choix.

page 94
Commenter  J’apprécie          394
Vous reviendrez tous à la maison, a notamment promis le capitaine Vayssière en gonflant sa voix de toutes ses forces. Oui, nous reviendrons tous en Vendée. Un point essentiel, cependant. Si quelques hommes meurent à la guerre, c'est faute d'hygiène. car ce ne sont pas les balles qui tuent, c'est la malpropreté qui est fatale et qu'il vous faut d'abord combattre. Donc lavez-vous, rasez-vous, peignez-vous et vous n'avez rien à craindre.
Commenter  J’apprécie          350
... on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés : les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes. La seule solution consistant à n’être plus apte, c’est évidemment la bonne blessure qu’on attend faute de mieux, celle qu’on en vient à désirer, celle qui ... vous garantit le départ, mais le problème réside en ce qu’elle ne dépend pas de vous. Cette bienfaisante blessure, certains ont donc tenté de se l’administrer eux-mêmes sans trop se faire remarquer, en se tirant une balle dans la main par exemple, mais en général ils ont échoué : on les a confondus, jugés puis fusillés pour trahison. Fusillé par les siens plutôt qu’asphyxié, carbonisé, déchiqueté par les gaz, les lance-flammes ou les obus des autres, ce pouvait être un choix. 
Commenter  J’apprécie          330
La situation est simple, on est coincés : les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes.
Commenter  J’apprécie          290
Comme il marchait tout en blaguant à mi-voix avec les autres, tâchant cependant de mesurer fièrement son pas, Anthime a cru distinguer Blanche sur le trottoir gauche de l’avenue. Il a d’abord pensé que c’était une ressemblance et puis non, c’était elle, Blanche, habillée comme pour un jour de fête, jupe rose légère et corsage mauve de saison. Pour s’armer contre le soleil, elle avait déployé sur son corps un large parapluie noir pendant qu’on exsudait en cadence sous le képi neuf qui serrait dur les tempes, sous le sac sanglé selon les consignes et qui, ce premier jour, ne pesait pas encore trop sur les clavicules.
Comme il s’y attendait, Anthime a d’abord vu Blanche porter vers Charles un sourire fier de son maintien martial puis, comme il arrivait à sa hauteur, cette fois non sans surprise il a reçu d’elle une autre variété de sourire, plus grave et même, lui a-t-il semblé, un peu plus ému, soutenu, prononcé, va savoir au juste. Il n’a pas vu ni tenté de voir comment Charles, de toute façon de dos, répondait à ce sourire mais lui, Anthime, n’y a réagi que par un regard, le plus court et le plus long possible, se forçant à le charger du moins d’expression disponible tout en en suggérant le maximum – nouvel exercice cette fois doublement antinomique et qui, tout en se contraignant à tenir le pas, n’était pas une petite affaire.
Commenter  J’apprécie          250






    Lecteurs (2418) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Douze romans de Jean Échenoz: le bon titre

    « C’est un scandale », dit Caine, « c’est la preuve que l’on n’est jamais arrivé à concilier le temps et l’espace.»

    L'Américain de Greenwich
    L'Amérindien de Greenwich
    Le Maire indien de Greenwich
    Le Méridien de Greenwich

    12 questions
    48 lecteurs ont répondu
    Thème : Jean EchenozCréer un quiz sur ce livre

    {* *}