AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,82

sur 1047 notes
Un court roman de 125 pages et pourtant un longue histoire pleine de bouleversement qui débute par une ballade tranquille de Anthime le personnage central.
C'est un samedi après-midi comme les autres, Anthime prend sa bicyclette («un solide modèle Euntes conçu par et pour des ecclésiastiques, racheté à un vicaire devenu goutteux.»). Il cale un gros livre «trop massif pour son porte-bagage en fil de fer, sous un sandow», il grimpe en danseuse une colline, juste une butte vendéenne d'où il a une vue sur la campagne environnante et les villages dont elle est parsemée. Un vent rageur le surprend gênant la sérénité du moment et couvrant tout autre bruit. Il est quatre heures de l'après-midi quand un autre phénomène visuel celui-là accapare le regard de Anthime : «Au sommet de chacun des clochers, ensemble et d'un seul coup, un mouvement venait de se mettre en marche, mouvement minuscule mais régulier : l'alternance régulière d'un carré noir et d'un carré blanc se succédant toutes les deux ou trois secondes, ... Comme une lumière alternative, un clignotement binaire ... impulsions mécaniques aux allures de déclics ou de clins d'oeil, adressés de loin par autant d'inconnus.

Ce sont les cloches, le tocsin qui annonce la guerre dont «l'image venait de lui parvenir avant le son.»
On y croit sans y croire, on y songe et puis la guerre est là même si l'on est un samedi du début août.

Le ton est donné, humour (la bicyclette Euntes rachetée à un vicaire devenu gouteux) et précision (sandow à la place de tendeur) , tout est en place, se met en branle pour nous conduire progressivement de la fête et la fanfare qui accompagnent ceux qui vont prendre le train et rejoindre ensuite le front après une longue marche, où le poids du barda se fait de plus en plus lourd sur les épaules, jusqu'au déploiement de la machine guerrière qui va les broyer.

J'ai aimé l'image du gros livre qui tombe du vélo lorsque Anthime redescend vers le village. Signe qu'on laisse tout en arrière sans s'en apercevoir dans la précipitation du départ : «... le gros livre est tombé du vélo, s'est ouvert dans sa chute pour se retrouver à jamais seul au bord du chemin, reposant à plat ventre sur l'un de ses chapitres intitulé «Aures habet, et non audiet.» (Il a des oreilles et il n'entend pas). Ce titre est celui du chapitre II Livre IV du roman de Hugo, «Quatre vingt treize» qui se passe en Vendée pendant la terreur et qui relate une scène presque semblable à celle que vient de vivre Anthime losqu'il voit le tocsin avant de l'entendre. Tous ont pourtant eu dans les oreilles les rumeurs de la guerre à venir, ont senti les menaces mais ils n'y croient pas vraiment jusqu'à ce tocsin.

« 14 » est pour moi une perfection car on en sort en ayant l'impression d'avoir dévoré un énorme roman comme «Quatre vingt treize» par exemple (la proportion étant respectée jusque dans les titres, le bref 14 en chiffre face au long quatre vingt treize en lettres)...
Il y a des scènes inoubliables que ce soit des scènes intimistes (le regard qu'échange par deux fois Blanche et Anthime avant le départ) ou des scènes d'une grande violence comme le premier combat où disparaissent la plupart des membres d'un orchestre qui accompagne l'avancée des soldats.
La fin a surpris certains lecteurs et pourtant elle me semble s'accorder parfaitement avec le début....

Merci à l'auteur pour son livre et pour m'avoir donner envie de lire «Quatre vingt treize» !!!
Commenter  J’apprécie          1053
Echenoz n'a pas écrit un livre de plus sur la "grande guerre". Il a écrit 14 et son livre se posera à côté des plus grands. 14, c'est l'essentiel, la guerre au plus serrée dans une prose qui l'est tout autant.
Lorsque le tocsin fait descendre Anthime de sa bicyclette, son destin est joué. le sien et celui de ses amis qui incorporeront tous le 93° régiment. le laconisme d'Echenoz révèle le tragique des faits, sa désinvolture enchâsse l'épouvante et son humour révèle l'horreur. En dire peu afin de dire mieux. L'écrivain est passé maître dans cet art.
Car ce petit roman en nombre de pages (124) est un bouquin immense. Ses héros n'en sont pas. Mais certains en seront. D'autres pas. C'est étrange le destin. Ca ne répond à aucune logique. C'est ironique.
"Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état".

Je vous laisse avec cette quatrième de couverture. Je sais qui est revenu. Dans quel état. Mais je sais surtout que je n'oublierai pas Anthime, Charles, Bossis, Arcenel et Padioleau.
Je sais enfin qu' "on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés: les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes."
Commenter  J’apprécie          952
Pour Anthime, ça a commencé lors d'une promenade à bicyclette par une belle journée d'août, quand le son des cloches a résonné dans l'air chaud et qu'il a reconnu le tocsin. « Le tocsin, vu l'état présent du monde, signifiait à coup sûr la mobilisation. » Puis tout s'est enchaîné, Anthime et ses amis sont devenus des soldats — partant se battre la fleur au fusil, selon l'expression consacrée, car la guerre ils ignoraient ce que c’était. Et que de toute façon, on prédisait qu'elle serait courte. On connaît la suite, la guerre qui s'éternise, les tranchées, la boue, l'ennui, le froid et la faim, les rats et les poux, les blessures atroces, les morts toujours plus nombreux, et le peloton d'exécution pour les récalcitrants.

Jean Echenoz, l'air de rien, signe avec 14 un livre exceptionnel sur une des plus grandes absurdités du vingtième siècle. Concis, ironique, factuel, il raconte la Grande Guerre du point de vue des soldats, des millions sacrifiés, victimes de la folie des hommes.
Commenter  J’apprécie          850
Sur les conseils d'Anna, après l'Acacia, je me suis lancée à la découverte de Jean Echenoz et quelle découverte ! Un choc ! Une stupéfaction devant un tel talent littéraire ! Deux récits à l'écriture diamétralement opposée mais qui sont complémentaires, deux talents, deux lectures exigeantes comme je les apprécie mais deux lectures qui se répondent.

J'ai beaucoup lu sur ladite Grande Guerre (la grande boucherie). Jusqu'à l'âge de huit ans, j'ai eu la chance de pouvoir profiter de mon arrière-grand-père paternel, Victor, morvandiau de son état avec ses bretelles, sa ceinture de flanelle et ses moustaches à la Henri Vincenot. Nonobstant l'amour que je vouais à mes arrières grands-parents, J'ai grandi avec les récits sommaires de cette guerre et j'ai toujours voulu comprendre, lire, m'imprégner au plus près, comme pour mieux me rapprocher de mes arrières grands-parents.
Victor était sur le champ de bataille, Chemin des Dames et Verdun. Pendant tout ce temps, Juliette faisait tourner l'usine du chocolat Menier. Il trône en photo sur mon bureau, fier dans sa tenue de Poilu. Que ce soit un documentaire, un livre, je ne peux le dissocier de ces récits, il ne me quitte jamais avec cette question lancinante « comment ont-ils pu ? » !

Si vous voulez vous sentir propulsé un siècle en arrière en Vendée, si vous voulez entendre sonner le tocsin, lisez Echenoz ! En 124 pages, l'auteur a l'art de vous faire mordre la poussière des tranchées mais aussi de vous faire prendre conscience de ce qu'était le quotidien de monsieur et madame tout-le-monde, pas de héros, pas de faits exceptionnels, simplement des hommes embarqués dans une histoire qui les dépasse et une femme qui attend.

A l'image du titre, l'écriture se veut dépouillée, axée sur le mot juste, parfait, des phrases courtes qui font mouche, qui vous projettent sur le champ de bataille au milieu de l'hécatombe. L'auteur s'attache à mettre en évidence les sentiments, les pensées, les émotions, à hauteur de ces quatre hommes mobilisés et une jeune femme, Blanche, restée en Vendée pour nous immerger dans cette terrible Grande Guerre.

C'est avec enthousiasme qu'ils partent sous les fleurs et les bravo de la foule combattre le boche soit disant pour peu de temps, tout va se régler en deux temps, trois mouvements, une guerre « éclair » en quelque sorte.

J'ai admiré cette écriture élégante, à distance, un peu comme un journal de guerre, écrit au quotidien, à la fois proche, fusionnel mais aussi de loin, comme si je tenais une caméra, et pourtant, les sensations sont là ; la chaleur sous l'uniforme et le casque qui blesse, la vermine, l'odeur de la mort, de l'urine, le (dé) goût du « singe en boite », la lourdeur de l'équipement, son évolution, le perfectionnement des armes au détriment des soldats, et la peur. Tout est précis, concis, jusqu'au retour de l'infirme où le membre amputé continue de faire souffrir.
Echenoz s'est beaucoup attaché au destin de ces quatre amis et de Blanche plus qu'à l'Histoire de la Grande Guerre. de ces 124 pages, derrière un cynisme affiché, une forme de désinvolture, j'entends un questionnement sur le sens, sur la destinée, et un discours à charge contre les officiers, les politiques qui ont sacrifié toute une jeunesse comme le démontre une scène où deux aéroplanes, un Ferman et un Aviatik vont s'opposer : scène exceptionnelle de réalisme avec une économie de mots ! J'en suis arrivée à me demander si Echenoz ne possédait pas « un truc », un petit quelque chose de magique qui puisse donner autant de relief, autant de force, à une écriture aussi minimaliste.

Je vais relire ce livre rien que pour le plaisir d'admirer avec quelle virtuosité Echenoz défie Proust ou Claude Simon ! Quel amour des mots et quelle connaissance pour parvenir à ce qu'un seul mot, à la nuance près, puisse suggérer l'idée tapie dans l'esprit de l'auteur.

Ce qui me fait dire que notre langue française possède un vocabulaire d'une richesse sans fin, qu'elle doit être préservée, respectée et aimée comme seuls de tels auteurs sont à même de nous le démontrer.
Commenter  J’apprécie          8325
14 de Jean Echenoz, c'est comme un petit caillou que l'on garde dans sa poche pour ne pas oublier, c'est un livre court qui parle intimement de la guerre. C'est tout l'art de dire avec une apparente distance et beaucoup d'élégance, l'indicible, l'horreur des tranchés. Un condensé de la nature humaine dans les situations les plus épouvantables, l'implacable mise à l'épreuve de soldats aux personnalités bien différentes. le courage et le hasard feront le reste… Jean Echenoz s'attache aux détails matériels, au poids des sacs, aux uniformes, aux rations, au climat, aux odeurs, aux poux à travers le simple récit de cinq jeunes hommes partis la fleur au fusil faire la guerre, tandis que Blanche attend le retour de deux d'entre eux.
« Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état".
14 ans, c'est l'âge que j'avais lorsque mon grand-père est décédé à l'âge de 88 ans, sans jamais avoir rien raconté d'essentiel à propos des quatre longues années passées à se battre durant la première guerre mondiale. Je souffre de ne pas lui avoir posé beaucoup de questions et en lisant ce livre bouleversant, j'ai eu l'impression de reprendre le dialogue avec lui et les rares anecdotes édulcorées qu'il me racontait, comme dormir dans la neige.
Il faut dire que le style est magnifique, 14 est un coup de coeur.


Commenter  J’apprécie          621
Jean Echenoz dans un style toujours aussi personnel, signe avec « 14 », un grand roman en allant à l'essentiel à travers le destin d'Anthime et de quatre camarades propulsé du jour au lendemain sur le front. Et puis, il y a Blanche, petite lumière au fond de la nuit.
Echenoz est épatant. En peu de pages, il réussit à décrire l'histoire d'un pays à travers ces personnages et l'incrédulité devant cette mobilisation générale.Il ne s'attarde pas sur l'horreur quotidien, il le dit d'ailleurs, d'autre l'ont déjà fait, non il nous raconte une histoire d'anonymes plongé dans une situation aussi absurde que terrifiante. Il mène son récit presque avec détachement avec ce talent incroyable de manier les mots. du travail d'orfèvre qui semble d'une simplicité enfantine. C'est ça la marque des grands.
Commenter  J’apprécie          591
Je ne connaissais pas Jean Echenoz, pourtant, je me suis arrêtée sur ce titre, « 14 », qui faisait tristement écho à l'actualité de ce week-end avec les commémorations du 11 novembre 1918. Après la lecture des billets de Martine (enjie77) et Anna (AnnaCan), j'ai eu envie de replonger dans l'histoire de la première guerre mondiale.

*
Ce court livre d'une petite centaine de pages m'a surprise par le style indirect utilisé. Magnifiquement écrit, il ne s'appuie pas sur le contexte historique, ni sur les douleurs psychologiques. Il se concentre sur le destin de cinq jeunes hommes d'un même village de Vendée qui ensemble, vont quitter leur vie tranquille et découvrir la guerre.
C'est avec beaucoup de pudeur que Jean Echenoz esquisse les différents destins d'Anthime, Charles, Bossis, Padioleau, Arcenel. Ils sont comptable, sous-directeur d'usine, équarrisseur, boucher, bourrelier, et du jour au lendemain, un fusil à la main, ils deviennent des soldats, envoyés en première ligne des zones de combat.

« J'ai faim, geignait donc Padioleau, j'ai froid, j'ai soif et puis je suis fatigué. Eh oui, a dit Arcenel, comme nous tous. Et puis je me sens aussi très oppressé, a poursuivi Padioleau, sans compter que j'ai mal au ventre. Ça va passer, ton mal au ventre, a pronostiqué Anthime, on l'a tous plus ou moins. Oui mais le pire, a insisté Padioleau, c'est que je ne sais pas trop si je me sens oppressé parce que j'ai mal au ventre (Tu commences à nous emmerder, a fait observer Bossis) ou si j'ai mal au ventre parce que je me sens oppressé, vous voyez ce que je veux dire. Fous-nous la paix, a conclu Arcenel. »

L'écriture de Jean Echenoz est très visuelle. En quelques, mots, il transmet beaucoup, sous forme d'images qui s'incrustent dans notre esprit. J'ai vraiment eu l'impression de diriger mes pas, avec eux, vers l'Est de la France, de saisir l'horreur de leur quotidien dans les tranchées.

Pourtant, tout commence par une promenade en vélo, interrompue par le chant du tocsin. Ces premières pages sont magnifiques, avec une image qui perdure, celle de ce livre tombé du vélo, ouvert à une page qui annonce, comme une prophétie, les millions de morts et de blessés à venir.

« Anthime s'en aperçût, le gros livre est tombé du vélo, s'est ouvert dans sa chute pour se retrouver à jamais seul au bord du chemin, reposant à plat ventre sur l'un de ses chapitres intitulé Aures habet, et non audiet. » (« Ils ont des oreilles et n'entendent pas »)

Pourtant, tout débute par des scènes de joie, de rires, d'hymnes et de fanfares. Naïfs, ils partent au front dans les Ardennes, comme s'ils allaient vivre une expérience divertissante de courte durée.

« … c'est l'affaire de quinze jours tout au plus… nous reviendrons tous en Vendée. »

Mais la dure réalité de la guerre va vite les rattraper.
Et le lecteur est là aussi, au milieu des combats, impuissant, perdu, bouleversé. Les mots de l'auteur, simples, justes, sans effet de style, frappent, nous renvoyant l'image de ces combats meurtriers, des explosions d'obus dans les tranchées, des corps sans vie, déchiquetés et au-delà de tout ça, on ne peut que dénoncer encore et toujours l'absurdité de toute guerre.

« C'est peu après avoir fait connaissance avec cet écho de la fusillade qu'on est brusquement entrés en pleine ligne de feu, dans un vallonnement un peu au-delà de Maissin. Dès lors il a bien fallu y aller : c'est là qu'on a vraiment compris qu'on devait se battre, monter en opération pour la première fois mais, jusqu'au premier impact de projectile près de lui, Anthime n'y a pas réellement cru… Puis on leur a crié d'avancer et, plus ou moins poussé par les autres, il s'est retrouvé sans trop savoir que faire au milieu d'un champ de bataille on ne peut plus réel. D'abord avec Bossis ils se sont regardés, Arcenel derrière eux rajustait une courroie et Padioleau se mouchait dans un tissu moins blanc que lui. Ensuite il a bien fallu s'élancer au pas de charge cependant que paraissait à l'arrière-plan, dans leur dos, un groupe d'une vingtaine d'hommes qui, le plus paisiblement du monde, se sont disposés en rond sans apparent souci des projectiles. C'étaient les musiciens du régiment dont le chef, sa baguette blanche dressée, a fait s'élever en l'abattant l'air de la Marseillaise, l'orchestre envisageant d'illustrer vaillamment l'assaut. »

L'auteur reste discret sur l'horreur des scènes de guerre, il ne s'attarde pas non plus sur les corps mutilés. le lecteur n'a pas besoin de cela pour réaliser que ces hommes n'étaient pas des héros, mais de simples hommes, comme vous et moi, des hommes souvent très jeunes non préparés à vivre l'enfer.
De la chair à canon, voilà ce qu'ils étaient.

« On s'accroche à son fusil, à son couteau dont le métal oxydé, terni, bruni par les gaz ne luit plus qu'à peine sous l'éclat gelé des fusées éclairantes, dans l'air empesté par les chevaux décomposés, la putréfaction des hommes tombés puis, du côté de ceux qui tiennent encore à peu près droit dans la boue, l'odeur de leur pisse et de leur merde et de leur sueur, de leur crasse et de leur vomi, sans parler de cet effluve envahissant de rance, de moisi, de vieux, alors qu'on est en principe à l'air libre sur le front. »

*
Jean Echenoz s'est sûrement beaucoup documenté pour nous décrire le quotidien de ces hommes, de l'insouciance du recrutement jusqu'au dénouement, pour certains tragiques. Il aborde avec retenue mais précision de nombreux thèmes : le désespoir et la solitude de ces hommes, la faim qui les tenaillaient, les conditions d'hygiène déplorables, leur équipement sommaire, les exécutions pour désertion.

"Fusillé par les siens plutôt qu'asphyxié, carbonisé, déchiqueté par les gaz, les lance-flammes ou les obus des autres, ce pouvait être un choix. Mais on a aussi pu se fusiller soi-même, orteil sur la détente et canon dans la bouche, une façon de s'en aller comme une autre, ce pouvait être un deuxième choix."

Jean Echenoz parle aussi de ceux qui sont restés à la maison attendant le retour de leur mari, de leur père, de leur frère, de leur ami, à l'image de Blanche.

*
J'ai trouvé l'écriture de l'auteur puissante dans sa simplicité. Sobre et dépouillée, elle parvient à nous émouvoir tout en transmettant le sentiment que pour survivre, il fallait avancer et laisser ses émotions de côté.

*
Pour conclure, Jean Echenoz réussit à montrer la futilité et le traumatisme d'une des plus grandes guerres de l'histoire, tout en s'attachant à quelques histoires individuelles. En cela, il nous interroge également sur le sens de la vie, la destinée de chacun et la part de hasard.
Son écriture, belle, simple, élégante, dense, parvient, avec une distance feinte, à dire beaucoup en peu de mots.
Une véritable prouesse d'écriture.

*
Merci Martine, Anna pour cette très belle lecture.
Commenter  J’apprécie          5428
"Ca a débuté comme ça", comme l'écrivait Céline. Une cloche qui se met à sonner dans la campagne paisible, et voilà la mobilisation générale déclarée, en ce premier août 1914 dans un coin de Vendée comme partout en France. On va donc suivre Anthime et ses copains de pêche et de café, jeunes pioupious en partance (bien forcés) pour une guerre qui ne durera que quinze jours, et qui les enlisera dans les tranchées. Qui y restera, qui en reviendra, et dans quel état ?

Ce très court (et très dense) roman d'Echenoz est remarquable de causticité. L'auteur rajoute une pierre à la dénonciation de l'absurdité de ce premier conflit mondial. Sous son ton faussement détaché, on perçoit toute la fureur qu'il ressent à l'égard des états-majors irresponsables qui ont envoyé au carnage des centaines de milliers d'hommes, mais aussi son dédain envers les profiteurs de guerre industriels. La charge est très violente, et je l'ai trouvée jubilatoire et même précurseuse de celle de Pierre Lemaître dans "Au revoir là haut".
En outre, j'ai beaucoup apprécié l'aspect documentaire de ce récit. J'ai complété ma culture gé (découvrant par exemple que jusqu'en 1854, les chaussures ne distinguaient pas le pied gauche du pied droit), et j'ai surtout appris de nouveaux détails sur les avancées techniques en matière de destruction et les conditions de (sur-)vie hallucinantes des poilus. Echenoz raconte en effet la guerre à hauteur d'homme, employant souvent un "on" qui nous entraine dans la boue avec les soldats. C'est autre chose que Koh Lanta.

C'est donc un roman féroce et épatant, à l'ironie glaçante, plein de rage rentrée, et forcément impressionnant. Attachez bien votre barda et attendez-vous à être bousculés -mais au moins, vous en ressortirez vivants.
Commenter  J’apprécie          4615
14 c'est évidemment un roman sur la première guerre mondiale , que l'on avait appelée par après 'la der des der ' , le conflit qui devait durer 15 jours et puis bien sûr la suite nous la connaissons , l'enlisement du conflit , les innombrables morts , les blessés , mutilés , les premiers gazés .
L'auteur nous raconte la guerre de cinq hommes de la même région , ils viennent de Vendée et ce lien va lui unir , ils font un clan , enfin surtout quatre d'entre-eux .
Le cinquième Charles va être affecté à l'aviation sur les recommandations d'un ami , mais quand le destin s'en mêle , rien ne se passe comme prévu .
Nous assistons aux premiers pas de l'aviation militaire , aux premiers lancer de gaz , rien ne nous est épargné , la mort des animaux , les chevaux surtout , le chapitre sur le rôle des animaux pendant la guerre m'a paru très original , comme quoi un auteur talentueux peut encore nous surprendre .
Un texte assez court mais rien ne manque , pas une ligne inutile , pas de fioriture , une écriture dépouillée qui atteint son but nous faire revivre ces moments tragiques de l'humanité , pour ne pas oublier trop vite ces hommes qui ne sont pas nés à la bonne époque .
Une très bonne lecture et pour moi une découverte de l'auteur , grâce à Babélio
Commenter  J’apprécie          432
“14” est un roman court mais dense. L'histoire est simple mais efficace pour qu'on s'y adonne d'emblée à fond.

Ce samedi 7 août, il faisait un temps merveilleux sur l'Ouest de la France. Une journée idéale pour une promenade à vélo, avec un bon gros roman sur le porte-bagages à savourer dans l'herbe en humant l'air de l'océan. Ainsi pensait Anthime. Mais nous étions en 1914, et ce jour-là, à quatre heures de l'après-midi, son destin bascula quand toutes les cloches du pays annoncèrent, sans le savoir, la fin d'un monde. Nous connaissons la suite : ils partirent "la fleur au fusil" sûrs d'être de retour au plus tard à la Noël. L'arrogant Charles et le doux Anthime, qui se partageaient le coeur de Blanche, le naïf et distrait Arcenel et les sympathiques Padioleau et Bossis étaient de ceux-là. Dans cet enfer, la Camarde choisira, pas souvent avec discernement...

Ainsi se résume le livre de Jean Echenoz qui dit lui-même que sur la guerre tout a été dit et qu'il n'est pas besoin de s'appesantir dessus. Son livre n'est donc pas une grande fresque sur la guerre mais plutôt la "petite histoire" des soldats eux-mêmes. Pour cela Jean Echenoz s'est inspiré des carnets d'un appelé qui consignait jours après jours les petits évènements du quotidien dans les tranchées. La pluie, le froid, la faim, les ordres stupides des supérieurs et surtout l'ennui. le tout décrit dans une langue parfaite, avec minutie non sans une pointe d'humour, dans un style clair et magistral. Jean Echenoz signe un de ses textes les plus graves et les plus beaux. Un bref roman très fort.
Commenter  J’apprécie          431




Lecteurs (2423) Voir plus



Quiz Voir plus

Douze romans de Jean Échenoz: le bon titre

« C’est un scandale », dit Caine, « c’est la preuve que l’on n’est jamais arrivé à concilier le temps et l’espace.»

L'Américain de Greenwich
L'Amérindien de Greenwich
Le Maire indien de Greenwich
Le Méridien de Greenwich

12 questions
48 lecteurs ont répondu
Thème : Jean EchenozCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..