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EAN : 9782707318275
231 pages
Editions de Minuit (29/12/2002)
3.47/5   237 notes
Résumé :
Georges Chave, né à Ivry-sur-Seine le jour de la bataille d'Okinawa, est domicilié à Paris dans le 11e arrondissement. Il vit de peu, meuble son existence d'une activité de bars, de cinémas, de voyages en banlieue, de sommeils imprévus, d'aventures provisoires ; écoute souvent des disques américains. L'un de ces disques lui manque, une version rare de Cherochee, qu'on lui a dérobé il y a dix ans. Tout cela n'est rien, mais il s'en contente jusqu'à ce que Véronique s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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Pour faire connaissance avec la plume de Jean Echenoz, est-il judicieux de commencer par un roman noir? Il est certain que je n'ai pas entièrement saisi le noeud de l'intrigue qui mêle une histoire d'héritage à la cinquième génération, une secte adoratrice des rayons, la disparition d'un perroquet Morgan, avec pour fil rouge un colosse au réseau cortical peu développé. Peu importe. Dès les premières phrases, je suis happée par le travail d'écriture, fine, ciselée, développant l'art de la métaphore recherchée mais gracieuse, raffinée . Un exemple :

"un pont enjambait ensuite le boulevard périphérique, où renâclait sur huit files un bétail contraint ruant dans son oxyde d'où s'échappaient, à peine perceptible, par les déflecteurs poussés, des filaments d'autoradios " .

Beaucoup d'humour également, comme dans cette séquence où Georges, à la recherche de Jenny, se fait passer pour un animateur d'un émission radio intitulée Manque de bol! On sourit, on rit même.

C'est donc, à défaut d'un rendez-vous réussi avec la trame policière, un baptême convaincant avec un magicien de la langue, que je vais continuer à fréquenter dans les semaines à venir.


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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"Un jour, un homme sortit d'un hangar. C'était un hangar vide, dans la banlieue est. C'était un homme grand, large, fort, avec une grosse tête inexpressive. C'était la fin du jour."
Ainsi débutent les aventures rocambolesques de Georges Chave. Contraint de sortir de sa léthargie, il entre au service d'une agence de détectives. C'est le début d'une série de poursuites : il doit pister une épouse volage, un perroquet rarissime et les héritiers d'une fortune ancienne. Mais le chasseur va progressivement devenir proie et s'enfermer dans un piège finement tissé. Il va cheminer dans la nébulosité des quartiers populaires de la banlieue parisienne et croiser toute une faune sinistre : affairistes sans scrupules, détectives minables, policiers incompétents, disciples d'une secte fantoche et autres Pieds nickelés.
Les décors grisâtres et les personnages louches s'emmêlent, le récit s'étoffe et étouffe un lecteur qui finit par se faire une raison : le roman noir n'est qu'un prétexte, une porte d'entrée dans un milieu interlope. Les filatures, les échanges de coups de poing ou de feu ne sont qu'un écran de fumée ; finalement, tout repose sur la virtuosité de l'écriture.

J'ai eu besoin de lire le roman une seconde fois pour pouvoir apprécier le style de l'auteur, une fois l'intrigue évacuée. Certains passages sont truculents. Voici la description de Crocognan, l'«homme grand, large, fort» présent dans l'incipit : « C'était un bar sombre et maigre, absolument désert, sans même un barman derrière le comptoir auquel, du haut d'un tabouret crevé, s'accoudait pesamment un seul consommateur : un être herculéen coiffé d'un chapeau mou qui ballotait sur son crâne comme un flan, avec un pull-over bleu roi et des socquettes vertes fluorescentes. » Si vous êtes calé en figures du style et si vous aimez herboriser les oxymores ou et autres paraboles, ce texte est fait pour vous. Un billet du blog « l'oreille tendue » de Benoît Melançon en relève quelques-unes. «La voyante posa sur lui un regard attendri, sur ses jambes un plaid » là, par exemple, il faut le savoir, c'est un zeugme ! (lecture du blog recommandée). Si ces figures de style peuvent échapper au lecteur « non expert », ce n'est pas le cas des traits d'humour qui jalonnent le récit. Et ça marche ! On ne peut s'empêcher de sourire à la lecture de ces piques.

Cherokee est aussi un roman sur Paris et sa proche banlieue. J'ai apprécié les descriptions du Cirque d'Hiver et des passages couverts de la capitale, riches de portes dérobées et de sorties secrètes. le lecteur suit les personnages dans leurs pérégrinations à pied, en métro, en voiture, dans la ville et hors la ville, une fois le périphérique franchi, ou après de longs trajets en autoroute, dans des automobiles en bout de course.

J'ai relu des passages de ce roman en mettant en fond musical diverses interprétations de 'Cherokee' pour tenter de m'imprégner du rythme de ce morceau de jazz et de l'associer à ma lecture.Sans succès. J'avais réalisé la même expérience avec le roman "White jazz" de James Ellroy qui par son rythme saccadé, son mouvement permanent s'y prêtait parfaitement.

Cherokee est mon premier roman d'Echenoz. le roman est remarquable mais je ne l'ai pas trouvé passionnant. Je vais tenter de lire d'autres romans, notamment «les grandes blondes », pour me faire une idée plus précise de son oeuvre.
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Flaubert rêvait d'écrire « un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style… » C'est à une telle entreprise, ô combien périlleuse, que se livre Jean Echenoz dans Cherokee (1983), et avec quel brio !
En commençant son roman, on a pourtant le sentiment d'être en terrain connu : s'agirait-il d'un polar à l'ancienne, façon Touchez pas au grisbi, avec son lot de cadavres, de poursuites en voiture, de femmes forcément fatales, d'indics louches et de malfrats sur la piste d'un magot ?
Certes, mais on s'aperçoit très vite que ce n'est pas tout à fait ça : les poursuites tournent court parce que les voitures sont de vieux clous qui ne cessent de tomber en panne ; ce fameux magot que tout le monde recherche, on finit par se demander s'il a jamais existé ; d'ailleurs, sa quête est sans cesse parasitée par des enquêtes secondaires, nettement plus intéressantes, comme par exemple celle qui concerne un mystérieux perroquet nommé Morgan.
Quant aux personnages, ils sont si nombreux et si stéréotypés qu'on ne tarde pas à confondre les bons avec les méchants, les flics avec les bandits... Il est vrai qu'ils ont tous leurs bons côtés, et partagent une certaine forme de mélancolie, non sans rapport avec ces paysages désenchantés de la banlieue parisienne, qu'affectionne l'auteur.
C'est que l'essentiel du livre est ailleurs : dans le choix des adjectifs, presque toujours inattendus, dans les dialogues décalés, frôlant souvent le nonsense, et dans la manière dont chaque phrase ou presque est conçue comme une petite énigme, un micro-suspens : bien malin qui pourrait en prédire la chute.
Cela donne un roman échevelé, superbement servi par une écriture étincelante – à mon avis l'une des plus belles de la littérature contemporaine.
Personnellement, j'ai adoré.
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Partir d'une histoire de polar à deux balles et en faire un objet littéraire de haut niveau, il n'y a pas 36 auteurs qui relèvent de défi – et encore moins si l'on impose comme condition d'être drôle à chaque page. L'Artiste en la matière, le Grand Maître de la chose, est sans conteste Jean Echenoz.

« Cherokee » a reçu le Prix Médicis 1983. Il est difficile de vous résumer l'histoire car chaque phrase la modifie. Mais, sachez qu'il y a notamment des policiers désastreux, des zeugmas, des cousins qui se détestent ou qui s'aiment, des descriptions minutieuses d'objets et de lieux, des questions d'héritages, du jazz, des disparitions d'oiseaux, une secte, des belles phrases et filles. En mélangeant tout cela, le roman constitue une déambulation drôle et prenante, qui ne se détache pas des mains. Dans ce style-là, un peu intello, un peu « Tontons flingueurs », c'est un petit bijou.
Lien : Https://evanhirtum.wordpress..
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Toujours un plaisir de retrouver Echenoz et ses récits facétieux, ici dans le cadre de son second roman placé très clairement sous le signe du Roman Noir.
Pour autant si l'on s'amuse au début du livre de cette intrigue marabout-de ficelle qui entraîne les personnages dans un vagabondage poetico- cocasse à travers Paris et sa banlieue et à laquelle on ne comprend pas grand chose, on s'ennuie assez vite en définitive devant l'inconsistance des personnages et au gré d'une phrase encore un peu laborieuse, qu'Echenoz fort heureusement épurera par la suite et qui alors donnera à ses récits elliptiques un merveilleux contre champ pour aboutir au fil des livres à une oeuvre précieuse et singulière.
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Bonjour monsieur, dit Georges, vous êtes en direct avec nous sur l'antenne pour notre jeu "Manque de bol". Éteignez le transistor près de vous, je vous prie, cela provoque des interférences désagréables pour nos auditeurs. Merci. Et passez moi Jenny.

- Mais il n'y a pas de Jenny ici, dit l'homme

- Manque de bol, s'exclama Georges. Voici votre,seconde chance, Monsieur. Connaissez-vous une personne nommée Jenny?

- Non, je ne crois pas, répondit l'homme, c'est pour quoi?

- Manque de bol, proféra Georges derechef. Vous en êtes bien sûr ? Ce prénom ne vous dit vraiment rien? Vous êtes en train de perdre un million, vous vous rendez compte de ça?

- Nouveau? fit l'homme. Je ne sais pas. Je ne sais pas. Est-ce qu'une Geneviève pourrait aller?

Tout dépend, dit Georges. possède-t-elle une robe noire? Avec des petits trucs bleu- gris? C'est votre troisième chance.

- je ne sais plus, s'affola la,voix, c'était ma tante, du côté de mon père. J'ai encore des photos, je peux regarder, attendez un instant.

- Manque de bol, cria Georges dans l'appareil. Vous avez perdu, Monsieur, vous avez perdu un paquet d'argent, vous devez l'avoir mauvaise. Tant pis pour vous, après tout vous ne m'êtes rien. Manque de bol. Notre jeu n'a jamais aussi bien mérité son nom

Il raccrocha. Elle n'était donc pas dans l'annuaire.
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Il était une fois deux hommes nommés Ripert et Bock, ce genre de grand maigre et de petit gros qu'on ne présente plus. Ils étaient tous deux vêtus de complets sombres et bien ajustés, Ripert pour paraître plus grand, Bock pour sembler moins gros. Ce dernier arborait une large cravate crémeuse sur une chemise en tergal chocolat, ce qui lui donnait une allure confuse de souteneur et de petit déjeuner.
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C'était un assez vieux véhicule de la firme Chausson, au gros corps bleu barré de flèches rouges, un assez vilain véhicule aux vitres sales, aux phares louches, aux chromes éteints. Par mimétisme ou choix mutuel, son chauffeur était également laid, rouge, strabique et vêtu d'une blouse bleue souillées de traces noirâtres et blanchâtres.
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La dame qui vint ouvrir n’avait plus sa jeunesse mais elle était bien belle, droite, ferme et fardée, avec un sourire émouvant. Elle avait un visage de bonne fée incestueuse, comme le portrait-robot établi par un homme qui voudrait décrire à la fois Michèle Morgan et Grace Kelly à cinquante-cinq ans, cet homme étant Walt Disney. Elle portait un tailleur Chanel couleur zinc, un corsage gris et léger comme une fumée et un énorme collier en or.
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Il avait déplié le couteau, en avait éprouvé la pointe et le tranchant sur son doigt. Cécile n'était pas sûre qu'il fût nécessaire d'avoir peur. Certes, devenu fou, Fred pouvait vouloir la tuer, la violer, et dans quel ordre, mais il pouvait aussi être simplement content de lui montrer son couteau.
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Videos de Jean Echenoz (55) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Echenoz
Mathieu Lindon Une archive - éditions P.O.L où Mathieu Lindon tente de dire de quoi et comment est composé son livre "Une archive", et où il est notamment question de son père Jérôme Lindon et des éditions de Minuit, des relations entre un père et un fils et entre un fils et un père, de Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Marguerite Duras et de Robert Pinget, de vie familiale et de vie professionnelle, de l'engagement de Jérôme Lindon et de ses combats, de la Résistance, de la guerre d'Algérie et des Palestiniens, du Prix Unique du livre, des éditeurs et des libraires, d'être seul contre tous parfois, du Nouveau Roman et de Nathalie Sarraute, d'Hervé Guibert et d'Eugène Savitzkaya, de Jean Echenoz et de Jean-Phillipe Toussaint, de Pierre-Sébastien Heudaux et de la revue Minuit, d'Irène Lindon et de André Lindon, d'écrire et de publier, de Paul Otchakovsky-Laurens et des éditions P.O.L, à l'occasion de la parution de "Une archive", de Mathieu Lindon aux éditions P.O.L, à Paris le 12 janvier 2023.

"Je voudrais raconter les éditions de Minuit telles que je les voyais enfant. Et aussi mon père, Jérôme Lindon, comme je le voyais et l'aimais. Y a-t-il des archives pour ça ? Et comment être une archive de l'enfant que j'ai été ?"
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