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EAN : 9782707319302
123 pages
Editions de Minuit (12/01/2006)
  Existe en édition audio
3.82/5   711 notes
Résumé :
Ravel fut grand comme un jockey, donc comme Faulkner. Son corps était si léger qu'en 1914, désireux de s'engager, il tenta de persuader les autorités militaires qu'un pareil poids serait justement idéal pour l'aviation. Cette incorporation lui fut refusée, d'ailleurs on l'exempta de toute obligation mais, comme il insistait, on l'affecta sans rire à la conduite des poids lourds. C'est ainsi qu'on put voir un jour, descendant les Champs-Élysées, un énorme camion mili... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (102) Voir plus Ajouter une critique
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sur 711 notes
Echenoz a creusé 3 fois la veine biographique pour s'affronter au génie: scientifique (Tesla), sportif (Zatopek), artistique (Ravel). Mais bien sûr Échenoz ne fait rien comme tout le monde.
Un bon biographe commence par la naissance. le livre s'ouvre sur un bain « amniotique » dont Ravel sort en titubant. Voilà, il est né et assez grand pour marcher: ça, c'est fait. le compositeur, à peine né comme personnage, est déjà une star dont la tournée en Amérique prouve l'engouement qu'il suscite. Au rebours de la biographie attendue, Échenoz ne nous dit presque rien du processus créatif : on en saura plus sur l'art déployé par Ravel pour choisir sa toilette du jour que sur la composition du Boléro.
Bon, mais alors, c'est quoi le génie?
Sans doute Échenoz a-t-il choisi Ravel parce que rien ne vient distraire le lecteur de cette question. Ravel n'a pas de vie privée, ni amant, ni maîtresse; sans être riche il n'est pas impécunieux; exit l'artiste maudit et romantique dont les tourments feraient jaillir l'inspiration. D'ailleurs, quelle inspiration ? Ravel ne dort même pas assez pour pouvoir rêver.
L'oeuvre naît de l'impalpable et du hasard. On presse Ravel de répéter? Bon, se dit-il, répétons. Et de ligne musicale répétée en ligne musicale répétée, voici le Boléro. Et surtout elle s'affranchît de son auteur. Qui ne l'aime pas tant que ça. Qui finit par l'apprécier sans être tout à fait sûr de l'avoir écrite. Et plus l'oeuvre de Ravel gagne en notoriété et en reconnaissance, plus l'auteur disparaît. Il cesse d'exister avant même de mourir, et on a si peu de photos de lui, pas d'enregistrement, même sa signature finit par ne plus pouvoir être formée. Reste l'oeuvre qu'aucune biographie ne saurait expliquer, prépondérante et admirable.
Et puisque le Boléro n'est que répétition, Échenoz répète l'oeuvre en mimant son accélération. Des pages pour ne décrire qu'une seule journée, puis autant de pages pour raconter plusieurs mois, et de moins en moins de pages pour un temps de plus en plus étendu. Au-delà du jeu et du clin d'oeil, c'est donc le livre intitulé « Ravel » qui se déploie comme le Boléro, l'auteur s'est confondu avec son oeuvre, et même Échenoz disparaît, happé par son sujet, lui aussi inclassable, et si Échenoz est Ravel, l'oeuvre une fois de plus éclipse son auteur.
Voilà. Un génie est un type dont on ne sait rien, sinon par la magnificence de ce qu'il a produit.
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Probablement l'un de derniers livres que je lirai dans le cadre du club-lecture consacré à la musique et auquel j'appartiens, je préfère rester sur une bonne, voire même une très bonne découverte. C'est l'impression que m'a donné cette lecture.

Jean Echenoz n'a pas eu le projet de faire une biographie de Ravel, non simplement raconter les dernières années de sa vie en les remettant en mouvement, afin de permettre au lecteur de ressentir ce qu'à pu vivre et, surtout dans quel état d'esprit, le compositeur à la fin de sa vie. Tour=t commence pas un départ pour les États-Unis où une longue tournée attend notre héros. Cependant, il faut apprendre à casser ses habitudes et si cela peut paraître facile lorsqu'on est jeune, cela devient de plus en plus fatiguant lorsqu'on vieillit. Aussi, ai-je l'impression que ce que Ravel retiendra de son séjour outre-atlantique, est que l'on y mange mal. Lui, ce qui lui faut, c'est de la viande et ce, à tous les repas ou presque. Il n'y a cependant, et heureusement, pas que cela, il y aura toutes les rencontres qu'il y fera, les nouvelles salles où on l'acclamera puis s'ensuivra une lente progression vers ce que l'on appelle "le début de la fin". Déjà distrait en temps ordinaire, Ravel oubliera de plus en plus de choses, perdra tout intérêt pour ses loisirs habituels jusqu'à se retrouver dans l'incapacité d'écrire, ne serait-ce que son propre nom. S'il est une oeuvre qui me vient automatiquement à l'esprit lorsqu'on évoque Ravel, c'est bien son célèbre "Boléro" et je suis ravie (il ne pouvait évidemment pas passer à côté) que Jean Echenoz l'aborde à plusieurs reprises, indiquant dans quelles conditions (fictives ou réelles, chacun sera libre de juger) le compositeur de génie que fut Ravel a composé cette oeuvre qui fera un succès immédiat sans qu'il ne comprenne réellement pourquoi. Il fait également allusion à plusieurs autres de ses compositions et à son talent, limité parait-t-il, en tant que pianiste, mythe ou réalité ? A vous de juger...

L'écriture d'Echenoz coule de source et le lecteur ne peut que se laisser entraîner dans cet ouvrage, quitte à en perdre le sommeil (je plaisante, je faisais simplement allusion aux problèmes d'insomnie dont souffrait Ravel et aux moyens qui sont indiqués ici afin de trouver plus facilement ce dernier. J'essaierai moi-même l'une de ces techniques dès ce soir !). Quant à vous, chers lecteurs, une lecture que je ne peux, une nouvelle fois, que vous recommander !
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Une première découverte pour moi cet écrivain..mais pas Maurice Ravel que j'adore !

Une plongée dans les dix dernières années de l'un des plus grands compositeurs du XXe siècle : Maurice Ravel. Une personnalité singulière : insomniaque, distrait dandy, peu social, refusant les honneurs,prolifique compositeur qui ne comprend pas lui-même parfois son succès...

L'écriture est habile, les descriptions vestimentaires sont précises, on s'embarque avec Ravel et ses valises dans ses nombreux voyages, Ravel s'embarque pour l'Amérique à bord du paquebot France..puis il ira au Canada..
Ravel fréquente de nombreuses personnalités mais n'a pas de vie sentimentale,.aime se réfugier dans sa petite maison le Belvédère à Montfort l'Amaury. Une vie extraordinaire comme sa fin de vie interrompue brutalement à la suite d'une trépanation où il sombra dans le coma.

Un roman agréable à lire, par la force de la narration, le lecteur se retrouve au plus près de ce compositeur exceptionnel.

N'oubliez pas d'aller l'écouter ! en évitant le sempiternel Boléro, régalez vous avec "Daphnis et Chloé" ou le concerto pour piano de la main gauche, Un vrai bonheur pour le coeur et les oreilles!
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Jean Echenoz raconte les dix dernières années de la vie de Maurice Ravel, et il le fait d'une façon très originale.
Nous sommes bien loin du récit classique, linéaire et exhaustif : l'auteur a choisi de présenter de petites anecdotes, de petits détails qui, bien disposés tels les morceaux d'une mosaïque, dressent un portrait singulier du compositeur.
Misanthrope, capricieux, exigeant, autocentré, Ravel paraît d'abord peu sympathique.
Puis ses fragilités que l'on découvre petit à petit le rendent plus humain, plus digne d'intérêt et même de compassion lorsque l'on suit sa lente déchéance physique et mentale.

Au début du roman, le musicien est vraiment agaçant. Il est terriblement têtu, hautain, et râle sans arrêt. Il agit parfois comme un enfant qui veut que l'on cède à ses moindres désirs, comme cette fois où il refuse de monter sur scène parce qu'il n'a pas ses souliers vernis !
Mais entre les lignes apparaissent des circonstances atténuantes : avec cette attitude désagréable, Ravel s'est sans doute forgé une carapace pour masquer ses failles. Il est insomniaque, manque d'assurance, souffre de fatigue chronique, et craint que ses compositions ne soient pas reconnues.
Habituelles angoisses des grands artistes ?
Toujours est-il qu'au fil des pages on s'attache à cet être fragile et tourmenté. On éprouve de l'empathie pour cet homme qui décline sous nos yeux. L'auteur également : initialement impertinent voire moqueur, le récit se fait plus tendre pour nous raconter une fin de vie assez triste.

Tel un réalisateur, Jean Echenoz nous embarque dans un oeuvre très cinématographique : nous sommes la caméra qu'il dirige et qui filme les scènes qu'il a choisies.
Le résultat est un petit livre plein d'humour et de fantaisie, bien loin des biographies conventionnelles et parfois fastidieuses.
Tout le talent de l'écrivain est là : avoir fait des dix dernières années de la vie du grand musicien un vrai roman dont je me suis délectée.

Une dernière remarque : Ravel, ce n'est pas que le Boléro, loin de là ! Un petit tour sur internet vous fera découvrir des merveilles. Musique de chambre, musique orchestrale, oeuvres pour piano : le choix est vaste, n'hésitez pas.
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Pas du tout accroché à ce bouquin qui nous décrit les dix dernières années de la vie de Maurice Ravel.
Déjà le personnage m'a l'air bien gonflant, à mille lieues de ses semblables et ma foi l'écriture lui ressemble un peu.
Au départ je n'avais pas fait le rapprochement entre le titre et le musicien et je n'ai pas été séduit par la tonalité de cette oeuvre. Ai régulièrement sauter des paragraphes ce qui est un comble pour un bouquin épais comme un mannequin anorexique (merde un pléonasme). Dix ans d'une vie résumés en 120 pages ça fait pas lourd le kilo de souvenirs.
Pas sûr que je réécoute le boravel de Léo … ou un truc comme ça.
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
p. 107
Tout va peut-être un peu mieux mais il voit bien aussi que la forme de son écriture se dégrade de plus en plus, qu'elle perd son élégance pour devenir hésitante, maladroite, en route vers l'illisible. Comme ces temps-ci les surréalistes s'évertuent à s'agiter, ils ont l'idée d'inviter du beau monde au siège du Minotaure pour se livrer à l'une de leurs solennelles facéties: prendre cette fois des empreintes de mains célèbres et les faire commenter par un expert. Il y a là des personnalités assez diverses, de Duchamp à Huxley et de Gide à Saint Exupéry. Bien que Breton se méfie pas mal de la musique, à moins sans doute qu'il n'y entende rien, il a tenu à ce que Ravel participe à cet examen, seul compositeur sélectionné. Ravel, qui a l'air rétabli, est très content de participer à ce phénomène. Il arrive en souriant, toujours très bien coiffé, costume anthracite croisé, l'oeil alerte et le pas vif, assez ému de se retrouver devant les surréalistes qui l’intéressent peut-être plus qu'il ne le laisse paraître et se prête volontiers à l'opération: l'expert pose les mains de Ravel sur une plaque de noir de fumée puis sur du papier blanc et le tour est joué.
Cependant ce n'est pas tout à fait terminé, chaque sujet doit ensuite signer sa propre empreinte, or quand vient le tour de Ravel et qu'on lui tend un porte-plume il a un mouvement de recul. Je ne peux pas, dit-il simplement, je ne peux pas signer. Mon frère vous enverra ma signature demain. Puis se tournant vers Valentine Hugo qui l'accompagne: Allons-nous en, Valentine, partons vite. Sorti en silence sous une pluie battante, Ravel monte à la hâte dans le taxi qui s'éloigne. Valentine reste sur le trottoir. Les surréalistes se regardent. Quant à l'expert, c'est une experte, Mme le Dr Lotte Wolff. On a gardé son commentaire. Il est complètement idiot.
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En 14 il avait vraiment voulu s'engager, bien qu'on l'eût exempté de toutes espèce d'obligation militaire, lui représentant sans tact qu'on le trouvait trop frêle. Rentré chez lui désappointé puis croyant saisir une idée convaincante − car désirant vivement être nommé, allez savoir pourquoi, bombardier en aéro −, il était retourné voir les recruteurs en faisant valoir que, justement, son peu de poids le désignait comme personne pour être enrôlé dans l'aviation. Bien que cela parût logique, ils n'avaient pas été sensibles à l'argument et n'avaient rien voulu savoir. Trop léger, disaient-ils, trop léger, il vous manque au moins deux kilos. Mais comme il insistait sans relâche, à force de huit mois de démarches ils avaient fini par le prendre, levant les yeux au ciel en haussant les épaules, et ne trouvant rien de mieux que de l'incorporer sans rire comme conducteur au service des convois automobiles, section poids lourds, bien entendu. C'est ainsi qu'un jour on avait pu voir un énorme camion militaire descendre les Champs-Élysées, contenant une petite forme en capote bleue trop grande agrippée tant bien que mal à un volant trop gros, surmulot sur un éléphant.
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Cet objet sans espoir [le Boléro] connaît un triomphe qui stupéfie tout le monde à commencer par son auteur. Il est vrai qu'à la fin d'une des premières exécutions, une vieille dame dans la salle crie au fou, mais Ravel hoche la tête : En voilà au moins une qui a compris, dit-il juste à son frère. De cette réussite, il finira par s'inquiéter. Qu'un projet si pessimiste recueille un accueil populaire, bientôt universel et pour longtemps, au point de devenir un des refrains du monde, il y a de quoi se poser des questions, mais surtout de mettre les choses au point. A ceux qui s'aventurent à lui demander ce qu'il tient pour son chef d'œuvre : C'est le Boléro, voyons, répond-il aussitôt, malheureusement il est vide de musique.
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(...) le surlendemain voulant jouer sa Sonatine à l'ambassade de Madrid, il enchaîne directement l'exposition à la coda du final en sautant le mouvement du menuet. On peut penser ce qu'on veut de cet incident. On peut croire à un trou de mémoire. On peut supposer que ça le fatigue, de rejouer, éternellement cette chose vieille de plus de vingt ans. On peut encore imaginer que, devant un auditoire trop inattentif, il préfère expédier cette exécution. Mais on peut se dire aussi que, pour la première fois en public, quelque chose ne colle plus.
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Il sait très bien ce qu'il a fait, il n'y a pas de forme à proprement parler, pas de développement ni de modulation, juste du rythme et de l'arrangement. Bref c'est une chose qui s'autodétruit, une partition sans musique, une fabrique orchestrale sans objet, un suicide dont l'arme est le seul élargissement du son. Phrase ressassée, chose sans espoir et dont on ne peut rien attendre, voilà au moins, dit-il, un morceau que les orchestres du dimanche n'auront pas le front d'inscrire à leur programme. Mais tout cela n'a pas d'importance, c'est seulement fait pour être dansé. Ce seront la chorégraphie, la lumière et le décor qui feront supporter les redites de cette phrase. Après qu'il a fini, un jour qu'il passe avec son frère près de la fabrique du Vésinet : Tu vois, lui dit Ravel, c'est là, l'usine du Boléro.
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Mathieu Lindon Une archive - éditions P.O.L où Mathieu Lindon tente de dire de quoi et comment est composé son livre "Une archive", et où il est notamment question de son père Jérôme Lindon et des éditions de Minuit, des relations entre un père et un fils et entre un fils et un père, de Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Marguerite Duras et de Robert Pinget, de vie familiale et de vie professionnelle, de l'engagement de Jérôme Lindon et de ses combats, de la Résistance, de la guerre d'Algérie et des Palestiniens, du Prix Unique du livre, des éditeurs et des libraires, d'être seul contre tous parfois, du Nouveau Roman et de Nathalie Sarraute, d'Hervé Guibert et d'Eugène Savitzkaya, de Jean Echenoz et de Jean-Phillipe Toussaint, de Pierre-Sébastien Heudaux et de la revue Minuit, d'Irène Lindon et de André Lindon, d'écrire et de publier, de Paul Otchakovsky-Laurens et des éditions P.O.L, à l'occasion de la parution de "Une archive", de Mathieu Lindon aux éditions P.O.L, à Paris le 12 janvier 2023.

"Je voudrais raconter les éditions de Minuit telles que je les voyais enfant. Et aussi mon père, Jérôme Lindon, comme je le voyais et l'aimais. Y a-t-il des archives pour ça ? Et comment être une archive de l'enfant que j'ai été ?"
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