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EAN : 9782253059806
125 pages
Le Livre de Poche (01/03/1992)
3.44/5   8 notes
Résumé :
"Ce ne sont plus des types de signes que nous avons déterminés tout au long de cette critique de l'iconisme, mais des modes de productions des fonctions sémiotiques. Fonder une typologie des signes a toujours été un projet erroné... Il n'y a jamais de signes en tant que tels, et beaucoup des soi-disant signes sont des textes ; et les signes et les textes sont le résultat de corrélations où entrent divers modes de production."
U.E.

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Supposons que nous ayons à exprimer la situation suivante : "Salomon rencontre la reine de Saba, tous deux sont à la tête d'un cortège de seigneurs et de gentilshommes habillés en style Renaissance, baigné par la luminosité d'un matin enchanté où les corps prennent l'aspect d'intemporelles statues, etc." Tout le monde aura reconnu dans ces expressions verbales une allusion vague au texte pictural de Piero della Francesca qui se trouve dans l'église d'Arezzo, mais on ne saurait avancer que le texte verbal 'interprète' le texte pictural. Au mieux il y renvoie ou le suggère et, s'il y réussit, ce n'est que parce que c'est un texte pictural que notre contexte culturel a très souvent verbalisé. Et même dans ce cas, parmi toutes les expressions verbales, certaines seulement se réfèrent à des unités de contenu reconnaissables (Salomon, la reine de Saba, 'rencontrer', etc.), tandis que les autres transmettent des contenus totalement différents de ceux qui s'exprimeraient en présence de la fresque, si l'on considère en outre qu'une expression verbale comme /Salomon/ n'est qu'un interprétant plutôt générique de l'image peinte par Piere della Francesca. Quand le peintre a commencé son travail, le contenu qu'il voulait exprimer (selon sa nature de nébuleuse) n'était pas encore suffisamment segmenté. Ainsi a-t-il dû INVENTER.
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Comment est-il possible de représenter une jeune femme blonde, assise, avec en fond un paysage montagneux et lacustre sur lequel se profile la silhouette filiforme des arbres, et qui, un livre ouvert dans les mains, tient compagnie à deux enfants, dont l'un est nu, et l'autre revêtu d'une peau de bête, joue avec un petit oiseau ? Raphaël y réussit très bien dans la Vierge au chardonneret.
Étant donné que cet ensemble de traits picturaux constitue un texte qui véhicule un discours complexe et que le contenu n'en est pas connu au préalable par le destinataire, qui saisit à travers des tracés expressifs quelque chose dont le type culturel n'est pas préétabli, comment peut-on définir sémiotiquement ce genre de phénomènes ?
La seule solution paraît être d'affirmer qu'un tableau n'est pas un phénomène sémiotique, parce qu'il ne se réfère ni à une expression ni à un contenu qui soient préétablis, et qu'il n'y existe donc pas de corrélations entre fonctifs rendant effectif un processus de signification ; par suite, le tableau apparaît comme un phénomène mystérieux déterminant ses propres fonctifs plutôt que déterminé par eux.
Cependant, même si ce phénomène semble fuir la définition corrélationnelle de la fonction sémiotique, il ne fuit pas celle du signe compris comme quelque chose qui est à la place d'autre chose.
Le tableau de Raphaël répond à cette définition : c'est quelque chose de physiquement présent (des taches de couleurs sur une toile) qui véhicule quelque chose d'absent et qui, en cela feint de référer à un événement ou à un état du monde dont la probable valeur de vérité est "Faux" (quiconque croit pour raisons de foi que l'Enfant Jésus et Jean-Baptiste ont joué ensemble dans leur enfance sait pourtant très bien que Marie n'aurait jamais pu avoir entre les mains un livre de poche).
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Tout au long de l'histoire des arts visuels, on trouve des 'représentations iconiques' qui dans un premier temps n'ont pas été reconnues comme telles, puis, au fur et à mesure que leurs destinataires s'y accoutumaient, devenaient conventionnelles au point de sembler plus "naturelles" que les objets eux-mêmes, si bien que, par la suite, la perception de la nature était "filtrée" par le modèle iconique dominant. Gombrich cite le cas d'une série de dessinateurs du XVIe au XVIIe siècle qui ont continué à représenter des rhinocéros 'd'après nature' en reproduisant inconsciemment le modèle de rhinocéros proposé par Dürer (modèle qui correspondait à la description du rhinocéros popularisée par les bestiaires médiévaux) ; Gombrich cite encore le cas d'un peintre du XIXe siècle qui représente d'après nature la façade de la cathédrale de Chartres, et qui, tout en la voyant avec des portails en plein cintre, représente des portails en ogive pour être fidèle à la notion culturelle de "cathédrale gothique" prédominante à son époque ; ces épisodes, et tant d'autres, nous apprennent que dans les cas de signes régis par la ratio difficilis, ce n'est pas l'objet qui motive l'organisation de l'expression, mais le contenu culturel qui correspond à un objet donné.
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D'autre part, que veut dire, pour un signe, être 'semblable' à son propre objet ? Les ruisseaux et les cascades que l'on voit sur le fond des tableaux de l'École de Ferrare ne sont pas fait d'eau, comme dans certaines crèches de Noël : mais certains stimuli visuels, des couleurs, des rapports spatiaux, l'incidence de la lumière sur la matière picturale déclenchent une perception à bien des égards 'semblable' à celle que l'on aurait en présence du phénomène physique que la peinture imite, à la différence près que ces stimuli sont de nature diverses. Nous pourrions alors affirmer que les signes iconiques ne possèdent pas les mêmes propriétés physiques que l'objet, mais mettent en œuvre une structure perceptive 'semblable' à celle que déclenche l'objet. Il s'agit maintenant d'établir, étant donné la transformation des stimuli matériels, ce qui reste inchangé dans le système de relations qui construit la Gestalt perçue. Ne peut-on pas supposer que, sur la base d'un apprentissage préalable, on soit amené à voir comme 'semblable' ce qui de fait est un perçu différent ?

Observons le dessin élémentaire d'une main : l'unique propriété qu'a le dessin de la main, une ligne noire continue sur une surface bidimensionnelle, est l'unique propriété que la main n'a pas. Le tracé du dessin sépare l'espace 'dedans' de la main de l'espace 'dehors' de la main, alors qu'en réalité la main constitue un volume précis qui se détache sur le fond de l'espace environnant. Il est vrai que, lorsque la main réelle se détache sur une surface claire, par exemple, le contraste entre les limites du corps qui absorbe le plus de lumière et celui qui la reflète ou l'éclaire, peut apparaître en certaines circonstances comme une ligne continue. Mais le processus est plus complexe, les limites ne sont pas aussi précisément définies, la ligne noire du dessin constitue donc la simplification sélective d'un processus beaucoup plus compliqué. Par conséquent, une convention graphique permet de TRANSFORMER sur le papier les éléments schématiques d'une convention perceptive ou conceptuelle qui a motivé le signe.
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Tout ce que nous avons énoncé jusqu'à présent nous pousse à croire, au contraire, qu'il n'y a jamais de purs cas d'invention radicale, pas plus, probablement, que de pure invention modérée, étant donné que (et nous y avons déjà fait allusion), pour que naisse la convention, il faut que l'invention de ce qui n'a pas encore été dit soit soutenue de ce qui a déjà été dit. Les textes 'inventifs' sont des structures labyrinthiques où sont tissées et entremêlées les inventions, répliques, les stylisations, les ostensions et ainsi de suite. La sémiosis ne surgit jamais ex novo ni ex nihilo. Ce qui revient à dire que toute nouvelle proposition culturelle se profile toujours sur un fond de culture déjà organisée. Il n'y a jamais de signes en tant que tels, et beaucoup de soi-disants signes sont des textes ; et les signes et les textes sont le résultats de corrélations où entrent divers modes de production. Si l'invention était une catégorie de la typologie des signes, il serait alors possible de trouver des signes qui, en tant qu'inventions absolues et radicales, seraient la preuve tangible d'un état primordial du langage, conception qui est la grande découverte et la voie sans issue de la linguistique idéaliste.

Mais si nous proposons une définition de l'invention comme n'étant qu'un des modes de production sémiotique parmi beaucoup d'autres, collaborant à la formulation des fonctifs et à leur corrélation en fonctions sémiotiques, nous exorcisons la tentation idéaliste.

Si les hommes instituent et réorganisent sans cesse les codes, c'est seulement parce qu'il en existe déjà. L'univers sémiotique ne connaît ni héros ni prophètes. Même les prophètes doivent être acceptés par la société pour dire "vrai" ; sinon, ce sont de faux prophètes.
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