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EAN : 9782246832294
608 pages
Grasset (16/11/2022)
  Existe en édition audio
4.31/5   4802 notes
Résumé :
La première édition française du Nom de la Rose parut en 1982. Pour marquer le 40ème anniversaire de ce succès spectaculaire, les éditions Grasset republient le roman d’Umberto Eco dans une nouvelle édition augmentée. Les croquis et les notes préparatoires de l’auteur ainsi qu’une postface de son éditeur italien Mario Andreose complètent ainsi une réédition élégante de ce livre-culte, et permettent au lecteur de se faire une idée de la genèse du projet romanesque.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (366) Voir plus Ajouter une critique
4,31

sur 4802 notes
Le Nom De La Rose regroupe à lui seul presque tous les marqueurs qui révèlent selon moi les plus grandes réussites de la littérature, toutes époques confondues. Tout d'abord, il me faut applaudir bruyamment cette trame narrative (ce que j'appelle pour faire simple le scénario), qui est tout bonnement exceptionnelle.

Umberto Eco se permet non seulement d'écrire l'un des plus grands chefs-d’œuvre de tous les temps, mais en plus de s'adonner à un genre que certains considèrent comme " mineur " de la littérature, à savoir le polar, prouvant ainsi tout le contraire, s'il en était besoin. (L'auteur est, à cet égard, un digne compatriote du grand Sergio Leone qui lui aussi a su faire son renom au cinéma en signant des films majeurs appartenant pourtant au genre réputé " mineur " qu'est le western.)

Mais s'il n'avait été que la difficulté déjà grande de relever un tel défi, Umberto Eco se serait presque ennuyé donc, il n'a rien trouvé de mieux que de faire un polar, certes, mais un polar médiéval, ce qui n'est pas rien. Et comme si tout cela ne suffisait pas, pour corser encore un peu plus la difficulté, il plante son histoire en plein dans le ventre de l'obscurantisme religieux et doctrinal, à l'époque des grandes hérésies et des plus " belles " heures de l'inquisition, du temps des papes avignonais.

Mais attendez la suite, vous n'avez encore rien vu. l'ouvrage étant déjà tellement improbable qu'il est sûrement bon de rajouter en plus une ou deux petites gageures par-ci par-là, comme par exemple faire des inclusions d'ordre philosophique sur le rôle du livre ou du rire, de disserter sur le savoir, le fanatisme, la tolérance, sur la révolte des classes populaires, sur l'idée même de bibliothèque et sa fonction à l'échelle de l'humanité, sur les liens troubles qui existent entre Pouvoir, Possession et Savoir, et probablement mille autres encore qui m'auront échappé.

Le style d'Umberto Eco est toujours finement ciselé, docte et jamais dénué d'humour. Sans compter qu'il est truffé de clins d’œil et d'appels du pied soit à des héros de fiction comme Sherlock Holmes (Guillaume de Baskerville) et son fidèle Watson (qu'on retrouve dans le sonorité de " Adso ") ou bien aussi à des auteurs ayant existé, au premier rang desquels Jorge Luis Borges, qui était au naturel à la fois bibliothécaire et aveugle et qui a donné naissance à un très vénérable moine, amoureux fou de sa bibliothèque (tiens, tiens) et aveugle au demeurant (là, ça me dit quelque chose) et qui se nomme dans le roman Jorge de Burgos. Mais bien sûr, le plus grand clin d'œil de l'auteur réside dans la clef même de l'intrigue qui est tout droit issue des Mille Et Une Nuits (Histoire Du Roi Des Grecs Et Du Médecin Doubane, pour ceux que cela intéresse, mais je n'en dis surtout pas plus.)

Deux mots du synopsis désormais : Guillaume de Baskerville, moine franciscain anglais, est mandaté par l'empereur du Saint Empire Romain Germanique pour négocier avec des émissaires du pape avignonais, farouche ennemi de l'empereur, dans le terrain neutre constitué par une abbaye bénédictine des Alpes, non loin de Nice, mais côté italien.

Cette abbaye renferme la plus grande bibliothèque de toute la chrétienté et est le creuset où sédimente le savoir universel depuis des siècles. Les franciscains prêchent que le Christ était pauvre et ne possédait rien, ce en quoi ils veulent l'imiter. Cette posture intéresse l'empereur car en pareil cas, tous les biens matériels lui échoient à lui, directement ou indirectement.

La pape, quant à lui, prêche que rien dans les écritures ne s'oppose aux possessions matérielles au bénéfice du clergé et même lui, personnellement, est assez intéressé par elles. Tout l'enjeu de la conférence sera donc de trancher si oui ou non le Christ était pauvre et si ceux qui se réclament de lui doivent l'être également.

Cependant, tout serait décidément trop simple si, au moment même de l'arrivée de Guillaume de Baskerville et d'Adso à l'abbaye, un moine n'avait été retrouvé mort dans des circonstances plus que douteuses. Et ceci ne serait encore rien si, jour après jour, d'autres moines ne trouvaient la mort dans des conditions chaque fois plus mystérieuses et troublantes.

Oui, vous avez deviné, le fin limier Guillaume de Baskerville (magnifiquement campé par Sean Connery dans l'admirable adaptation à l'écran de Jean-Jacques Annaud) va devoir enquêter sur ces morts énigmatiques… Complots, rancœurs, luttes d'influence, énigmes, pièges politiques, coups de théâtre, tout y est.

Je lance donc un très grand coup de chapeau à Umberto Eco pour la maestria, l'envergure et le rythme avec lequel il mène son roman de bout en bout. C'est de mon point de vue du très, très grand art. J'aurais cependant deux minuscules griefs à adresser malgré tout à l'auteur sur deux points qui m'ont un peu dérangée à la lecture.

Premièrement, la surabondance de citations en latin, voire en allemand, non traduites dans mon édition, ce qui est parfois gênant car on n'est pas obligé d'être latiniste ou germanophone pour pouvoir jouir d'un bon roman (Mesdames et Messieurs les éditeurs, de petites notes en bas de pages seraient peut-être les bienvenues).

Deuxièmement, l'auteur s'est lâché, à deux ou trois reprises, dans des énumérations un tantinet barbantes à mon goût (description du portail de l'église, rêve d'Adso, par exemple).
Hormis cela, grand plaisir, grande jubilation, grand bonheur à la lecture que je ne peux que vous recommander vivement, bien que ces menues considérations ne soient que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.

P. S. : Chers amis Babeliens, je ne vous surprendrai probablement pas en affirmant qu'au-delà du clin d’œil au personnage de Borges, le texte lui-même, d'une part lors d'une discussion entre Guillaume et Adso, d'autre part par la parabole globale contenue dans ce roman, le texte disais-je fait largement écho à la thèse défendue par Borges dans l'une des nouvelles constitutives du recueil " Fictions ", à savoir, celle intitulée (ça ne s'invente pas sur un tel site) La Bibliothèque De Babel.

Dans cette nouvelle, Borges soutient qu'à l'échelle des siècles, la disparition des livres (autodafés, pertes accidentelles, auteurs censurés ou tombés dans l'oubli) n'est pas un problème car les livres s'influencent les uns les autres, dans une sorte de transmission héréditaire et que donc, même si les parents disparaissent, les enfants, les petit-enfants, les arrière-petit-enfants possèdent en leur sein, certes sous forme diluée, mais tout de même, l'essence de ce qui était contenu dans ces livres perdus et que d'ailleurs, s'ils étaient encore présents, leur impact sur ces descendants ne serait probablement pas plus important de toute façon. Bien sûr, à l'échelle de quelques années, ces pertes se font sentir, mais pas si l'on augmente dans le temps la fenêtre de perception de ces ouvrages.

P. S. 2 : (Tentative d'éclaircissement du titre du roman)
p. 300-301 : La vérité est que je " voyais " la jeune fille, je la voyais dans les ramures de l'arbre nu qui palpitaient, légères, quand un passereau transi volait y chercher refuge ; je la voyais dans les yeux des génisses qui sortaient de l'étable, et je l'entendais dans le bêlement des agneaux qui croisaient mon errance. C'était comme si toute la création me parlait d'elle, et je désirais, oui, la revoir, mais j'étais aussi prêt à accepter l'idée de ne la revoir plus jamais. (...) Chaque créature est presque écriture et miroir de la vie et de la mort, où la plus humble rose se fait glose de notre cheminement terrestre, comme si tout, en somme, ne me parlait de rien d'autre que du visage que j'avais malaisément entrevu dans les ombres odorantes des cuisines.
p. 437 : De l'unique amour terrestre de ma vie je ne savais, et ne sus jamais, le nom.
p. 535 : Stat rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus. (qui peut se traduire comme : « La rose des origines n'existe plus que par son nom, et nous n'en conservons plus que des noms vides »)
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Ce roman est, à lui seul, une véritable bibliothèque, d'où son grand succès universel. Il a su réjouir un public varié. A vrai dire, rares sont les best-sellers qui soient en même temps des livres de grand mérite littéraire. Umberto Eco est de ces romanciers avec qui on sympathise dès les premières pages par la finesse de son comique (je parle ici de l'introduction). Cette bonne humeur qui nous informe qu'on est devant un romancier original qui nous présente un roman original même en choisissant des genres déjà exploités. "Le Nom de la Rose" est un plaisir pour le lecteur qu'il soit un amateur du roman policier, des récits borgésiens, des romans historiques, ou des querelles religieuses.

Spécialiste du Moyen Age, Eco a choisi cette époque curieuse, mystérieuse et tumultueuse comme cadre temporel à son roman, son premier après plusieurs oeuvres d'essayiste et de critique. J'aimerai noter ici que très peu d'écrivains ont réussi ce passage de l'essai vers le roman (même Manguel n'a pas fait parler de lui en tant que romancier). Ainsi, en connaisseur, il a placé tous les ingrédients apanages du Moyen Age. D'abord, les querelles théologiques (la question de la propriété et la pauvreté chez le Christ), les hérésies (histoire de Fra Dolcino) et l'Inquisition, auxquelles Eco a redonné une allure accessible et intéressante pour le lecteur d'aujourd'hui, et plus d'une fois, on constate l'aspect actuel de ces problèmes (le fanatisme surtout et la vanité de ces querelles qui s'attachent à des vétilles). Ensuite, les descriptions réalistes des objets, des habits et de l'architecture de l'époque, mais aussi de l'esprit médiéval qui est encore encré dans l'obscurantisme et l'ignorance (à l'exception de quelques esprits lumineux). Enfin, l'incendie, événement assez fréquent à l'époque (comme pour la cathédrale de Notre-Dame de Paris) et qui est un élément indispensable. de cette manière Eco avait réussi le côté historique de son roman.

Loin de ce choix du Moyen Age, qui était un terrain connu pour l'auteur et partant, un plaisir de reproduire ses connaissances sous forme romanesque, il faudrait signaler l'influence assumé par Umberto Eco de son auteur préféré (avec Joyce) Jorge Luis Borges. Cette influence ne se limite pas seulement à ce choix d'une bibliothèque labyrinthique (La bibliothèque de Babel), une bibliothèque qui cache les livres et d'où seuls les initiés peuvent sortir et dont le maître incontestable est Jorge de Burgos qui devient le méchant de l'histoire au fur et à mesure. Borges est là aussi dans la formation du personnage de Guillaume qui ressemble à Lönnrot (La Mort et la Boussole), version borgésienne de l'Auguste Dupin de Poe. Or, la plus grande part borgésienne dans ce roman est cette idée à la Pierre Ménard de reproduire des faits du Moyen Age comme les raconterait un moine de l'époque pour un public du XXe siècle (et la postérité) ; ce dernier qui aura tout le loisir d'interpréter comme il veut les événements et les symboles.

Par ailleurs, "Le Nom de la rose" qui se lit comme un roman policier a pu se démarquer d'entre les oeuvres de ce genre par un grand mérite littéraire et historique, par sa trame savamment mené jusqu'au point même où le lecteur se croit dupe d'un stratagème de l'auteur qui l'introduit lui aussi dans un labyrinthe de références, d'histoires véritables, de citations (surtout les fameuses citations latines auxquelles je reviendrai) vraies ou fausses, de théologie et de métaphysique, mais aussi de connaissances scientifiques d'actualité au Moyen Age. le grand mérite de ce roman est l'introduction de ces éléments dans un roman policier. le lecteur (qui ne s'intéresserai pas à tous ces éléments) sera lui aussi dédommagé par d'autres éléments qui eux satisferont un grand public amateur du roman policier classique, à savoir, l'action, le suspense, les mystères, les fausses pistes, les déductions, les crimes, le criminel supérieurement intelligent et une présence féminine. A tout cela, s'ajoute la bonne humeur, du fin Guillaume et la bouffonnerie de ce personnage unique en littérature, Salvatore qui parle une langue bizarre, mélange de toutes les langues du monde comme sorti de la tour de Babel.

Beaucoup de lecteurs se sont plaints de ces citations latines parfois trop longues restées sans traduction dans l'édition française que j'avais lue (j'ai constaté, plus tard, que la version arabe contient des traductions en bas de pages). Ces citations sont dans le roman comme le choeur dans la neuvième symphonie de Beethoven ; sans comprendre ce qui est dit au dernier mouvement, on écoutera avec plaisir cette oeuvre.

Quel titre choisir pour cette oeuvre plurielle ? L'abbaye du crime ? ou Adso de Melk tout court ? il fallait bien un titre plus ouvert, plus mystérieux comme "Le Nom de la rose" ; "ROSE of all Roses, Rose of all the World!" comme le dit le poète Yeats. Un titre pluriel et vague, aussi vague que l'érudition qu'on trouve dans le roman.

Pour écrire son roman, Eco a fait de longues recherches, même s'il pénétrait dans son propre terrain. Dans sa bibliothèque personnelle figuraient des livres comme "The Medieval Library" de J. Thomson, le catalogue de tout ce que l'on trouvait dans les bibliothèques du Moyen Age ou encore "Encyclopédie de l'architecture", sans oublier le "Manuel de l'inquisiteur", de Bernard Gui. Il a même contacté un herboriste pour l'informer sur un poison à la même faculté que celui du livre (il raconte ailleurs que cette lettre, trouvé par la police, aurait été d'un fâcheux effet). Et que dire des dialogues savants entre Guillaume et Ubertin, ceux de l'inquisiteur avec Michele et le dernier entre Guillaume et Jorge des dialogues à la Settembrini-Naphta. Ainsi ce duel de séduction entre Guillaume et le tueur mystérieux devait se reproduire entre le lecteur et le romancier, un lecteur qui doit être plus intelligent que lui et qui doit le surprendre par la force et l'ingéniosité de ses interprétations.

Et Adso dans tout cela ? le jeune homme s'éclipse volontiers derrière son maître Guillaume auquel il voue une admiration respectueuse. Il incarne la curiosité du novice assoiffé du savoir et qui combat vainement la tentation de la chair. Il suit son maître dans la bibliothèque pour chercher un livre (magiquement réaliste) mais surtout pour chercher l'aventure (d'ailleurs c'est le plaisir qu'à tout lecteur en entrant dans une bibliothèque ou librairie, c'est cette aventure qui compte, ces retrouvailles et ces découvertes qui nous surprennent). Il aide son maître, il découvre à travers les dialogues des autres et les explications de Guillaume de nouvelles notions comme la fameuse luxure du savoir.

P.S. dans ma critique sur "Mon nom est rouge", j'avais signalé une ressemblance avec "Le Nom de la rose" à plusieurs niveaux.
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En ces temps troublés de l'An de grâce 1327, hérésie, Inquisition, pauvreté, vols et pillages défigurent l'Etat chrétien.
Ex-inquisiteur, le moine franciscain Guillaume de Baskerville se rend en compagnie de son élève, le jeune bénédictin Adso de Melk, dans une abbaye du Sud du pays où doit se tenir une importante réunion entre les partisans du Christ pauvre, dont fait partie la confrérie franciscaine de Guillaume, et les fidèles zélateurs de la papauté revendiquant une église riche, représentés pour la circonstance par le Grand Inquisiteur Bernardo Gui.
A leur arrivée sur les lieux, Guillaume et Adso sont témoins d'une agitation anormale au sein de la communauté bénédictine. En effet, un drame est survenu. le corps disloqué d'un jeune moine a été retrouvé au pied d'un des bâtiments de l'abbaye.
Connaissant le caractère perspicace et fin psychologue de frère Guillaume, l'abbé supérieur Abbon, demande alors au moine franciscain de tenter de faire la lumière sur cette mort tragique. Pour les besoins de son enquête, Guillaume pourra aller et venir à sa guise au sein de l'abbaye ; seule la bibliothèque, renfermant des livres sacrés, lui sera interdite, à l'exception du scriptorium où travaillent les frères copistes et les enlumineurs.
D'emblée, Guillaume se heurte au comportement mutique de certains frères. Mais d'autres décès viennent entacher la bonne réputation de l'abbaye ; un moine est retrouvé plongé dans une barrique de sang de porc ; l'autre, le corps dévêtu, flottant dans le sanatorium ; un autre encore, la tête écrasée…
Guillaume relève de mystérieuses taches brunes au bout des doigts des victimes et ne tarde pas à se convaincre que c'est précisément au coeur de la gigantesque bibliothèque que réside la clef de l'énigme.
La présence de l'inquisiteur Bernardo Gui, un être ambitieux et cruel au caractère intransigeant et fanatique, jette encore de l'huile sur le feu. Ce dernier organise à tour de bras des procès en hérésie et tente par tous les moyens de décrédibiliser Guillaume en s'immisçant dans l'enquête.
Le moine franciscain devra user de toute sa psychologie, de son brillant esprit d'analyse et d'une grande témérité pour démêler les fils d'une enquête ténébreuse qui cristallise autour d'elle passion, folie et exaltation religieuse.

Quelle fresque moyenâgeuse grandiose qu'Umberto Eco a écrit là ! Si la lecture de ce gros pavé demande concentration et réflexion, elle est aussi captivante, troublante et productive de bout en bout !
L'auteur italien, dont c'était le premier roman en 1980, a joué sur de nombreux tableaux - historique, philosophique, policier, romanesque - pour construire cette imposante fiction, étourdissante de démesure et d'érudition.
Tout est savamment orchestré pour nous plonger dans les remous d'un Moyen-âge saisissant de réalisme. L'ambiance y est trouble à souhait. Pauvreté du peuple, richesse du clergé, meurtres mystérieux, personnages aussi terrifiants qu'énigmatiques… le lecteur est frappé d'emblée par le climat sombre baignant les lieux.
A côté d'une intrigue digne des meilleurs romans policiers, l'auteur médiéviste, latiniste, possédant une culture phénoménale, a su parfaitement intégrer à son récit les éléments historiques et religieux afin de bâtir un gigantesque monument de littérature.
L'histoire, scandée par les divers offices religieux qui régissent l'abbaye, est racontée par le jeune narrateur Adso de Melk et se déroule sous le chiffre symbolique de sept jours. Si le mystère s'intensifie au fil des lignes, on y décèle peu à peu les nombreuses influences et les clins d'oeil que l'auteur a disséminés au détour de pages fécondes en révélations et en libertés de réflexion.
L'utilisation de certains noms fait ainsi partie des petits tours malicieux du magicien Eco : le fin limier Guillaume de Baskerville rappelle bien sûr l'oeuvre de Conan Doyle « Les chiens de Baskerville », le moine franciscain endossant le rôle du génial enquêteur Sherlock Holmes, accompagné d'un Watson qui prend les traits du jeune disciple Adso de Melk.
Le farouche gardien au savoir encyclopédique de la colossale bibliothèque se nomme quant à lui Jorge de Burgos…un hommage non déguisé à Jorge Luis Borges dont la fantastique érudition et les oeuvres hallucinées ont pour beaucoup inspiré l'auteur dans la rédaction du roman.
La bibliothèque, construite en un étourdissant labyrinthe, est elle-aussi directement inspirée d'une nouvelle du grand écrivain argentin, « La bibliothèque de Babel », tout comme les multiples références sur les oeuvres sacrées (de la bible aux textes grecs ou musulmans…) et leur impact sur les consciences des individus.
Cette bibliothèque, élément central du roman d'Eco, renferme tous les savoirs de l'humanité (notamment un ouvrage d'Aristote) dont la chrétienté ne tient pas à diffuser les secrets de vie qu'ils renferment.
Entre volonté de conservation et désir de dissimulation, Umberto Eco nous offre une magistrale démonstration du pouvoir de l'écrit, menace effective pour tous les fanatismes religieux, mais néanmoins merveilleux moyen d'ouverture sur le monde et de transmission des connaissances.

Si notre seul regret est de ne pas être suffisamment à la hauteur pour appréhender toutes les subtilités de l'oeuvre protéiforme de l'italien, la fusion et la profusion des thèmes abordées dans des domaines riches et variés (spiritualité, philosophie, enquête, histoire, art, religion…) offrent une fructueuse lecture magnifiquement fertile, capable d'alimenter longtemps notre esprit de réflexion…
Sous le couvert de l'intrigue policière, Umberto Eco a peint avec « le nom de la rose » une fresque majestueuse de l'époque médiévale doublée d'un formidable plaidoyer pour la tolérance, la liberté et la culture, dressé en rempart contre l'obscurantisme et le fanatisme.

A noter, la superbe adaptation cinématographique de Jean-Jacques Annaud, César du meilleur film étranger 1987, avec Sean Connery, Christian Slater, Michaël Lonsdale et le génial Ron Perlman dans le rôle de Salvatore.
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Il était taillé dans la pierre de mes dix commandements du lecteur, «Le nom de la rose » tu liras.
Et ainsi fut fait.
Guillaume de Baskerville, moine franciscain, accompagné de son secrétaire et narrateur Adso est envoyé par Louis de Bavière dans une Abbaye afin de résoudre une énigme qui voit les morts suspectes, au sein de la communauté, se multiplier.
Eco est un enlumineur, il cisèle son récit, il le met en relief, en couleur.
Avec un souci du détail parfois déroutant, en particulier dans la description de l'Abbaye, de sa bibliothèque et du labyrinthe dans lequel on finirait par se perdre rien qu'à lire.
Un roman dans lequel se croisent des personnages réels et d'autres nés de l'imagination de l'écrivain. Il y a l'enquête, bien sûr, mais pas que… Ce livre parle de livres anciens, de religions, de guerres fratricides, de rivalités, d'inquisition, d'orgueil.
Révisez votre latin, sortez vos dictionnaires de vieux français, (arder, patarins, penduda, et autres fraticelles par exemple…sont des mots que vous croiserez fréquemment) le langage pourrais vous troubler parfois, mais quel régal.
Je dois tout de même vous confesser, amis lecteurs, que j'ai éprouvé quelques difficultés à la lecture de ce roman. Ce fut tout de même une belle expérience.
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Lorsque la bande-annonce du film a commencée d'apparaître sur les écrans de cinéma, je sus que le moment était venu de lire le nom de la rose.

Bien m'en a pris, puisque cette oeuvre foisonnante et captivante m'a passionné jusqu'à la dernière page.

Accessoirement, cela m'a permis de me rendre compte des différences entre le livre et le film (les écritures littéraires et cinématographiques imposent parfois quelques modifications...)
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Citations et extraits (501) Voir plus Ajouter une citation
Et elle me baisa des baisers de sa bouche, et ses amours furent plus délicieuses que le vin et l'arôme de ses parfums m'enivrait de délices, et son cou était beau entouré de perles et ses joues cerclées de pendentifs, que tu es belle, ma bien-aimée, que tu es belle, tes yeux sont des colombes (disais-je) et laisse-moi voir ton visage, fais-moi entendre ta voix, car ta voix est harmonieuse et ton visage enchanteur, tu m'as fait perdre le sens, ma soeur, tu m'as fait perdre le sens, d'un seul de tes regards, avec une seule gemme de ta langue, le parfum de ton souffle est comme celui des pommes, tes seins en grappes, comme des grappes de raisin, ton palais un vin exquis qui pique droit sur mon amour et coule sur les lèvres et sur les dents. Je mangeais ma gaufre et mon miel, je buvais mon vin et mon lait, qui était, qui était donc celle-ci qui surgissait comme l'aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil, redoutable comme les bataillons ?
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Car trois choses concourent à créer la beauté : d'abord l'intégrité ou perfection, et de ce fait nous estimons laides les choses incomplètes ; ensuite la proportion requise autrement dit l'harmonie ; enfin la clarté et la lumière, et nous appelons belles en effet les choses de couleur limpide.
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Prends garde, mon fils... La beauté du corps se limite à la peau.Si tous les hommes voyaient ce qui gît sous la peau,ainsi qu'il advient avec le lynx de Béotie, ils auraient un frisson d'horreur à la vision de la femme.Toute cette grâce se compose de mucosités et de sang, d'humeurs et de bile.
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Pulchra enim sunt ubera quae paululum supereminent et tument modice, nec fluitantia licenter, sed leniter restricta, repressa sed non depressa…
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Et soudain sauta au milieu d'elles un chat épouvantable à la taille d'un gros chien, avec des yeux énormes et embrasés, la langue sanguinolente qui arrivait jusqu'à son nombril, la queue courte et dressée en l'air en sorte que de chaque côté que se tournât l'animal, il montrait la turpitude de son derrière, fétide comme aucun, ainsi qu'il convient à cet anus que moult dévots de Satan, et les Templiers sont loin d'être les derniers, ont toujours eu coutume de baiser au cours de leurs réunions.
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