ÉLÉMENTAIRE MON CHER EDGAR !
De tout temps, l'être humain a voulu comprendre ce qui le dépassait, ce qui remettait en cause sa capacité de réflexion, de raisonnement, de compréhension des problèmes de tous ordres se posant à lui. Avec l'apparition des machines, de l'horlogerie, des prémices encore très modestes et balbutiants de nos actuels ordinateurs vers la fin du XVIIIème, des mécanismes de plus en plus sophistiqués, l'être humain qui est aussi un indécrottable enfant s'est servi à des fins ludiques des machineries de plus en plus complexes qu'il créait, qu'il inventait.
Nous avons tous en mémoire des carillons pourtant très anciens mais qui parviennent encore à nous émerveiller, en une époque ou de méga-computer parviennent à battre l'esprit humain jusqu'en l'un de ses derniers retranchements, celui du jeu. Ainsi avons nous vu ces "intelligences artificielles" battre tout d'abord les plus grands joueurs d'échec, puis du jeu de go aux possibilités tactiques encore plus folles et même, récemment, être meilleures tricheuses que l'homme au cours de partie de poker étranges.
Mais si nous en sommes parvenus à de tels sommets de technicité, c'est parce qu'il y eu pléthore de précurseurs. Ainsi a-t-on vu fleurir un nombre considérable d'automates, capable de singer l'homme ou l'animal, imitant des postures, capables, pour les plus évolués d'entre eux, de faire jeu égal avec l'esprit humain.
Tel était supposé être le joueur d'échec de Maezel, du nom de l'un de ses propriétaires, mais pas de son créateur, Wolfgang von Kempelen, un autrichien. L'étrange machine, un grand coffre rempli de mécanismes complexes (du moins, en apparence), était complétée d'un homme assis figurant un turc, tel qu'on se les imaginait en ce temps-là, le tout étant de métal et de bois. Tout au cours de sa longue carrière, de 1770 jusqu'à sa fin tragique dans l'incendie du Chinese Museum de Philadelphie en 1854, l'automate déchaîna les passions et les interrogations au fil des déplacements de son propriétaire, M. Maezel, dans une tournée presque ininterrompue d'exhibition, en Europe, mais surtout aux Etats-Unis d'Amérique. Entre autres parties célèbres, il battit le philosophe, inventeur et homme politique américain Benjamin Franklin ainsi que, à l'occasion d'un moment resté dans les anales, notre propre Napoléon Ier dans les moments de sa bataille de Wagram !
C'est ainsi qu'Edgar Allan Poe put à son tour admirer mais surtout examiner, sous toutes les coutures, le célèbre turc joueur d'échec. Mais, à la suite d'un certain nombre de ses prédécesseurs, il ne se laisse pas convaincre par la possibilité qu'une simple machine puisse battre, presque à tous coups, des joueurs de force variables, d'aucuns ayant été de redoutables adversaires. Dès lors, à la manière d'un Sherlock Holmes en quête de vérité, il démonte pas à pas les invraisemblances, les impossibilités, la mystification de l'objet, par son propriétaire, qu'il a sous les yeux. Car mystification il y a en effet !
Hélas, à vouloir être trop précis, à nous faire suivre le cours exact de ses pensées, de ses investigations et de ses conclusions (lesquelles, au passage, s'avéreront partiellement inexactes une fois la vérité éventée, bien des années plus tard), la traduction souvent ampoulée de Charles Baudelaire n'arrangeant sans doute rien, ce court texte se révèle être un véritable pensum, ennuyeux, laborieusement rédigé et qui ne manquera certainement pas d'occasionner maints bâillements au lecteur y compris très curieux ou admirateur éperdu de l'oeuvre de l'auteur de "Le corbeau", de "La lettre volée" ou de ses fameuses "Histoires extraordinaires" (nouvelles d'ailleurs bientôt proposées dans une traduction entièrement nouvelle et dépoussiérée de la pesanteur baudelairienne aux éditions Phébus. Pardon pour cette réclame : C'est un ami qui est à la tâche...).
Bien que dans son excellente postface Lionel Menasché explique avec brillance en quoi la démarche intellectuelle dont use Poe dans ce besogneux opuscule préfigure celle de bon nombre des textes futurs de l'auteur, rien, en dehors d'une passion effrénée ou d'un travail de spécialiste, ne sauve littérairement ce livret pourtant méconnu autant que fort agréablement présenté et ouvragé, comme il est d'usage chez les excellentes éditions Allia.
Aussi, conseillerons-nous plutôt aux curieux souhaitant en savoir plus sur cette mystérieuse machine d'un autre âge, de compulser le premier volume des Axolot de Patrick Baud, paru aux éditions Delcourt : vous y retrouverez Poe, le joueur d'échec et son attachant mystère, dans une explication sans doute moins précise ni intellectuellement aussi fine mais tellement plus agréable et compréhensible !
Commenter  J’apprécie         194
L'Automate ne gagne pas invariablement. Si la machine était une pure machine, il n'en serait pas ainsi ; elle devrait toujours gagner. Étant découvert le principe par lequel une machine peut jouer une partie d'échecs, l'extension du même principe la doit rendre capable de la gagner, et une extension plus grande, de gagner toutes les parties, c'est-à-dire de battre n'importe quel adversaire. Il suffira d'un peu de réflexion pour convaincre chacun qu'il n'est pas plus difficile, en ce qui regarde le principe des opérations nécessaires, de faire une machine gagnant toutes les parties que d'en faire une qui n'en gagne qu'une seule. Si donc nous regardons le Joueur d'échecs comme une machine, nous devons supposer (ce qui est singulièrement improbable) que l'inventeur a mieux aimé la laisser incomplète que la faire parfaite, – supposition qui apparaît encore plus absurde si nous réfléchissons qu'en la laissant incomplète, il fournissait un argument contre la possibilité supposée d'une pure machine ; – c'est justement l'argument dont nous profitons ici.
Si ces machines révélaient du génie, que devrons-nous donc penser de la machine à calculer de M. Babbage ? Que penserons-nous d’une mécanique de bois et de métal qui non-seulement peut computer les tables astronomiques et nautiques jusqu’à n’importe quel point donné, mais encore confirmer la certitude mathématique de ses opérations par la faculté de corriger les erreurs possibles ? Que penserons-nous d’une mécanique qui non-seulement peut accomplir tout cela, mais encore imprime matériellement les résultats de ses calculs compliqués, aussitôt qu’ils sont obtenus, et sans la plus légère intervention de l’intelligence humaine ? (...) Les calculs arithmétiques ou algébriques sont, par leur nature même, fixes et déterminés. Certaines données étant acceptées, certains résultats s’ensuivent nécessairement et inévitablement. Ces résultats ne dépendent de rien et ne subissent d’influence de rien que des données primitivement acceptées. (...) Mais dans le cas du Joueur d’échecs il y a une immense différence. Ici, il n’y a pas de marche déterminée. Aucun coup, dans le jeu des échecs, ne résulte nécessairement d’un autre coup quelconque. D’aucune disposition particulière des pièces, à un point quelconque de la partie, nous ne pouvons déduire leur disposition future à un autre point quelconque.
III
L'automate ne gagne pas invariablement. Si la machine était une pure machine, il n'en serait pas ainsi. Elle devrait toujours gagner.
Les coups joués par le Turc n'ont pas lieu à des intervalles de temps réguliers, mais se conforment aux intervalles des coups de l'adversaire (...). Donc, le fait de l'irrégularité, quand la régularité aurait pu être facilement obtenue, sert à prouver que la régularité n'a pas d'importance dans l'action de l'Automate, - en d'autres termes, que l'Automate n'est pas une pure machine.
p.65
Folio Classique
Ces bizarres essais d'explications furent suivis d'autres non moins bizarres. Dans ces dernières années, toutefois, un écrivain anonyme, tout en suivant une voie de raisonnement fort peu philosophique, est parvenu à tomber sur une solution plausible, - quoique nous ne puissions la considérer comme la seul absolument vraie.
Dans ce deuxième épisode enregistré juste avant le Festival d'Angoulême, Aurélien et Emile font un point sur le superbe travail de l'artiste Peach Momoko avant de vous parler de leurs nouveautés préférées du mois de février.
Titres abordés :
• Demon Days (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/demon-days-fmh23044-fr02.html) (Marvel Manga) de Peach Momoko
• Demon Wars - Edition régulière (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/demon-wars-fmh24002-fr02.html) et édition collector (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/demon-wars-fmh24002vc-fr02.html) (Marvel Hors Collection) de Peach Momoko
• (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/daredevil-echo-qu-te-de-vision-fmh23007-fr02.html) Silver Surfer : L'obscure clarté des étoiles - Edition Noir & Blanc (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/silver-surfer-edition-noir-blanc-fmh24004-fr02.html) (Marvel Prestige) de Ron Marz et Claudio Castellini
• Cyberpunk 2077 : Les rêves de Night City (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/cyberpunk-2077-les-r-ves-de-night-city-fcybe006-fr02.html) de Bartosz Sztybor, Filipe Andrade & Alessio Fioriniello
• Daredevil T01 : Connaître la peur (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/daredevil-t01-fmd24013-fr02.html) (Marvel Deluxe) de Chip Zdarsky, Marco Checchetto, collectif
Recommandations :
• Emile : Les intégrales Punisher (https://www.panini.fr/shp_fra_fr/catalogsearch/result/?q=punisher+int%C3%A9grale) en prévision d'une prochaine émission...
• Aurélien : le Clan des Poe (https://www.akata.fr/series/le-clan-des-poe) de Moto Hagio (Editions Akata)
Tous nos remerciements à Emmanuel Peudon pour le montage et à ClemB pour le générique.
Plus d'infos sur notre site internet : https://www.panini.fr/
+ Lire la suite