Rien
Te t’inquiète pas, mon enfant, il n’y a rien,
tout est comme tu vois : la forêt, la fumée, la fuite des rails.
Quelque part, là-bas, dans un pays lointain,
il y a un ciel plus bleu et un mur couronné de roses
ou un palmier et un vent plus doux –
et c’est tout.
Il n’y a rien que la neige sur la branche du sapin,
il n’y a rien à baiser de ses lèvres chaudes,
toutes les lèvres deviennent froides, avec le temps.
Mais tu dis, mon enfant, que ton cœur est fort
et que vivre pour rien, c’est pire que mourir.
Que lui voulais-tu à la mort ?
Ne sens-tu pas le dégoût que dégagent ses frusques ?
Rien n’est plus écœurant que de mourir de sa propre main.
Comme ces courts instants où fleurit le désert,
nous devons aimer les longues heures de maladie de la vie
et les années contraintes où se concentre le désir.
Les arbres de mon enfance
Les arbres de mon enfance se dressent haut dans l’herbe,
Ils hochent la tête qu’es-tu devenue ?
Leurs colonnades se dressent comme des reproches
tu n’es pas digne de passer à nos pieds
Tu es une enfant, tu dois tout pouvoir,
pourquoi laisses-tu la maladie t’enchaîner ?
Tu es devenue femme, haïssable étrangère.
Enfant, tu tenais avec nous de longues conversations,
ton regard était sage.
Nous voudrions maintenant te dire le secret de ta vie
la clef de tous les secrets se trouve
dans l’herbe de la butte sous les framboisiers.
Endormie, nous voudrions te cogner au front,
morte, nous voudrions te réveiller de ton sommeil.
(Traduction Carl Gustav Bjurström et Lucie Albertini, éditions Orphée La différence)
Quand vient la nuit
Je reste sur le perron et j’écoute
Les étoiles fourmillant dans le jardin,
Et moi, je reste dans l’obscurité.
Ecoute ! Une étoile est tombée dans un tintement !
Ne sors pas, pieds nus, dans l’herbe,
Mon jardin est plein d’éclats d’étoiles.
Le pays qui n’existe pas
Vers ce pays qui n’existe pas je me consume
car de tout ce qui existe je suis lasse
la lune m’a conté en runes argentées le pays qui n’existe pas
Pays, où tous nos souhaits
seront merveilleusement exaucés,
pays où nos chaînes tomberont
pays où nous trempons nos fronts blessés
dans la fraîche rosée de la lune.
Ma vie ne fut que brûlante illusion.
mais j’ai trouvé et vraiment il fait parti de moi
le chemin du pays qui n’existe pas
le pays qui n’existe pas
Là va celui que j’aime ceint d’une couronne étincelante.
Qui est mon amour ? La nuit est noire
et les étoiles tremblent de répondre.
Qui est mon amour? Quel est son nom ?
la voûte du ciel monte de plus en plus haut
et un enfant s’est noyé dans les brumes infinies
et il ne connaît pas la réponse.
Mais l’enfant n’est rien autre que confiance,
et il étend ses bras plus haut que tous les cieux.
Vient alors une réponse : Je suis celui
qui vous aime et sera toujours l’amour.
JOURS MALADES
Extrait 1
Mon cœur est gardé à l’étroit dans une mince crevasse,
mon cœur est au loin
dans une île perdue.
Des oiseaux blancs font la navette,
ils m’apportent le message que mon cœur est en vie.
Je sais — comme il vit
de charbon et de sable
sur des pierres tranchantes.
Je reste couchée tout le jour et j’attends la nuit,
je reste couchée toute la nuit et j’attends le jour,
je reste couchée, malade, au jardin du paradis.
Je sais que je ne guérirai pas,
désir et langueur n’en finissent jamais.
J’ai la fièvre comme une fleur des marais,
ma sueur est sucrée comme une plante poisseuse.
Par Cleo T.
Accompagnée de Donia Berriri (aka Achille), Robi, Émilie Dautricourt & Maud Lübeck
« La vie est dans l'amour. » Marceline Desbordes-Valmore
Second volet de ce parcours autour des poétesses et de la musicalité poétique, les femmes nous parleront cette fois de la beauté, du vivant, des tilleuls et des lunes qui parlent. Nous traverserons sans cadre ni chronologie les pays qui n'existent pas d'Edith Södergran, les lumières du sud d'Etel Adnan et les cantiques sumériens d'Enheduanna, princesse et première poétesse dont le monde ait conservé le nom.
Un voyage sonore porté par un dialogue à deux pianos, le mien et celui de Donia Berriri (aka Achille) ainsi que par le choeur de mes lectrices invitées.
Cleo T.
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