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EAN : 9782330002763
133 pages
Actes Sud (01/02/2012)
3.25/5   12 notes
Résumé :
4° de couverture :
(Edition source : Actes Sud, Domaine français - 02/2012)
ISBN : 9782330002763


"Aller au pays de Montaigne, de Chateaubriand et de Rimbaud m'intéressait moins que la perspective de fuir cette terre mienne, et ces liens inextricables. Ainsi, traverser les océans et, par ce geste, la mémoire honteuse de tout un continent, tout ensemble anticipait et amplifiait ma volonté de n'avoir plus jamais d'obligations vis-à-... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Obama, aigle à deux têtes chez les animistes, fait partie de la communauté des Fang. le nom de chacun est déterminé avant même la naissance et prédestine d'un avenir choisi par les anciens. L'aigle est « la mémoire des morts, car il a la faculté de voir ce que les autres ne voient pas ». Lors de sa naissance Obama n'a pas pleuré, mauvais présage qui fit intervenir un féticheur afin de faire fuir le mal et donner ses bénédictions. « le nom d'Obama devait renverser le destin ». Lorsque Obama était enfant, à la veille de la mort de son grand-père Elé, féticheur, il fut amené par celui-ci dans la nuit à travers la forêt. Elé lui transmit alors le sac totémique, sac protecteur de la tribu. C'est à ce moment-là qu'Obama sut qu'il partirait. Il eut soudain peur de cet héritage et alla enterré honteusement le sac sous un olivier, ne parlant à personne de ce qui était arrivé. Cette lourde charge qui lui incombait, celle de « veiller sur le sommeil des vivants et des morts » était trop importante pour lui. Il ne voulait pas de cette obligation.

Il alla poursuivre ses études dans un collège à Strasbourg, bien que la sorcière du village, Lala, eut essayé de l'en dissuader, ici il était quelqu'un et là-bas il ne serait rien. Après plusieurs obstacles, il arriva à Strasbourg. Là il fut choqué par le mauvais parler des Alsaciens.« Je ne doutais pas que le langage châtié que j'avais appris dans mon Afrique natale à coups de bâton était le vrai, et la certitude s'ancra en moi que le langage de mes professeurs, de mes camarades mêmes appartenait à un univers qui n'était pas le mien, dans lequel je ne me reconnaissais pas. J'en conclus très tôt que les Alsaciens ne savaient pas parler français et que la France était devenue le pays le moins francophone du monde. » Il continua à parler de la façon qu'il avait apprise, malgré les moqueries de tous. Il n'arrivait pas à être intégré et se sentait étranger. Il se prit d'affection pour un professeur qui comme lui était rejeté et solitaire, pour d'autres raisons que les siennes. Mais cet homme mourut, tout comme son grand-père mourut. Alors il se trouvait encore plus seul et abandonné.

C'est alors qu'il connut ses premiers émois amoureux et rencontra Julia, qui lui demanda de s'installer avec elle après bien des incertitudes. On lui conseillera d'écrire, ce qu'il fera. Il parviendra à sa grande surprise à se faire éditer et obtenir un à-valoir, mais qui ne serait pas suffisant pour vivre. Il se sentait pourtant enfin reconnu dans sa valeur « Je respirais la sensation d'avoir gagné quelque chose d'essentiel. (…) Il me semblait que j'avais laissé derrière moi, comme un rivage où je ne viendrais plus, cette Afrique qui me faisait honte. » Il passa alors le concours d'enseignement et devint Professeur de philosophie. Les trois premières années furent un vrai bonheur pour lui, il se sentait en parfaite osmose dans ce métier. La transmission d'un savoir, d'une passion. A cet époque tout allait bien « la vie me paraissait désormais limpide, facile, accordée. » Puis son avenir s'assombrit à cause d'un lapsus sur une copie « Une tache qui devait ternir ma carrière ». Julia le quitta, sans aucun rapport avec ce qui se passait dans sa carrière. Des cauchemars venaient perturber ses nuits où il y voyait son grand-père. Tirailler jusque dans ses rêves d'avoir quitté, abandonné sa terre, d'avoir été attiré par l'Europe. Dès lors, il comprit ce qu'il avait à faire…

Gaston-Paul Effa nous raconte ici la dure réalité de l'enracinement, de l'exil et de l'identité. Cet homme africain, cet homme noir est pris entre deux eaux, le devoir qui lui incombe de suivre la tradition, une culture, et l'envie de liberté, de découverte, le « rêve africain » qui est le rêve de l'Europe. Mais aussi une place parmi les siens où il est quelqu'un d'important mais qu'il veut fuir et une place dans un monde qui est difficile à se faire mais qu'il désire par dessus tout. On ne peut pas fuir ses racines, sa terre, elle nous rattrape forcément un jour. Il ne s'est jamais senti totalement heureux à cause de ce lourd poids de l'héritage, il le poursuivait. Il était sans cesse accompagné par son double, celui acquis avec la transmission du sac qui l'empêchait d'être « libre et insouciant » : « Toujours que je sois éveillé ou endormi, il y avait désormais dans le monde un être qui vivait avec moi, pour moi, qui devenait mon double. Oui, chez nous c'était ainsi : le féticheur qui meurt après avoir donné son savoir est le double de celui qui accepte son héritage » En acceptant de prendre le sac, il avait accepté l'héritage. Une recherche d'identité. Une acceptation. Une quête finalement.

Dans son écriture littéraire et poétique, Gaston-Paul Effa nous expose ici avec pudeur toute une palette de vie, les sentiments profonds d'un homme en devenir, des émotions. J'ai vraiment aimé ce roman (autobiographique ? surement une part importante je pense) qui nous parle des tourments de cet enfant apeuré par quelque chose qui le dépasse, cet enfant honteux de fuir son devoir, cet homme qui tente d'inscrire sa vie loin de ses racines, cet homme qui plonge dans son passé et sa mémoire, cet homme qui affronte, cet homme courageux, cet homme qui puise au fond de lui toute l'essence de sa vie. Cet homme qui trouve des réponses. Et ce que j'ai le plus aimé dans ce roman c'est toutes les immersions dans son pays, je sentais les odeurs, je voyais ces paysages, je ressentais la chaleur de ses souvenirs, l'attachement profond à cette terre. Une grande poésie dans les descriptions enrobe avec beauté cet ensemble.

Je vous le recommande chaudement !
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Roman pudique d'un Français d'origine camerounaise cherchant la voie de l'assimilation en évitant le reniement.

Quatorzième oeuvre du Français d'origine camerounaise Gaston-Paul Effa, publiée début 2012 chez Actes Sud, ce "roman" est sans doute celui qui joue le plus ouvertement avec l'autobiographie.

Racontant essentiellement l'arrivée en France, à Strasbourg, d'un adolescent camerounais dans les années 80, et son "acclimatation" jusqu'à devenir professeur de philosophie, le récit oscille entre deux pôles opposés, dont la conjonction semble bien être l'objectif du narrateur : le rejet de l'origine africaine d'une part, lucide et calme, dans l'assimilation totale, au risque d'une cible impossible (et on pense ici nécessairement au Gaston Kelman de "Je suis noir et je n'aime pas le manioc"), et la nécessité absolue de repuiser à cette source trop tôt écartée, d'autre part, en remontant aux circonstances du départ, et au drame ayant entouré la mort du grand-père féticheur, au village.

"L'Afrique était derrière moi, je la voulais lointaine ; j'aimais l'Alsace, ses rêves, ses fantômes ; j'en étais un moi-même ; jusqu'à mon dernier jour, je resterais cet adolescent de dix-huit ans qui refuse de grandir. J'ignorais que vivre à Strasbourg c'était susciter des revenants avec lesquels toute transaction serait toujours ajournée."

Roman poignant, dont l'impact est pour moi quelque peu amoindri tant l'auteur se contraint peut-être à un style tout en pudeur, en réserve et en distance...
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Comment vivre serein lorsque l'on a une double appartenance ?
Quitter l'Afrique, ses racines et y laisser l'héritage d'un grand père féticheur...
L'Afrique, Obama la tient à distance, repousse cette ébullition qu'il sent pourtant monter en lui, tente de vivre une nouvelle existence dans une ville étrangère et un climat froid... plonge dans les études puis dans l'écriture pour se libérer de l'angoisse... ainsi il arrive fort bien à survivre et à capter notre attention...
Un livre court à l'écriture simple qui emmène pourtant le lecteur très loin dans ses réflexions...
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D'un village de la brousse africaine à Strasbourg, ce récit décrit le voyage tant rêvé d'africains vers l'Eldorado français et occidental... Etudes, amour, vie de couple, réussite à un c oncours et poste d'enseignant tout semble sourire au jeune africai.. qui s'est éloigné de son pays natal.. La richesse de ce livre est d'emmener par reprises poétiques succcessives le lecteur vers cette lointaine. Ce cheminement retour vers le lieu de l'enfance, le lieu de départ, plonge le narrateur dans une nouvelle complexité de la vie, trop tôt oubliée et volontairement mise à distance."comme un rivage où je ne viendrais plus, cette Afrique qui me faisait honte". La densité de la vie, les rapports secrets ténus, profonds entre les êtres vivants et les ancêtres, se dévoilent peu à peu laissant appararaître l'écheveau des fils de la toile de la vie, des racines de l'être et qui lui sont essentiels..."Etre tout simplement"

Lien : http://www.passion-bouquins...
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Ce roman initiatique, aux allures de conte philosophique, regorge d'une force d'écriture poétique et à fleur de peau! le narrateur, Obama, tisse des ponts entre l'Afrique et l'Occident, entre l'appel de l'ailleurs et le retour aux origines, , entre l'enfance et la vie adulte.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
D’un seul coup les parfums du tronc, du terreau, de l’humidité s’effacèrent. Des effluves d’oranger s’amplifièrent. L’oiseau s’était immobilisé. La lumière s’épanouissait, patine d’or clair, ultime générosité d’un soleil renaissant, tout à la fois allègre et cependant mal assuré de soutenir le défi des nuages qui, toute la matinée, s’efforçaient d’éteindre le ciel
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Quelle mortification, le livre! Comme une entrée dans les ordres. Le regard que l’on avait jusqu’alors porté sur soi-même et sur sa vie ne sera jamais le même. Lorsque je décrivais mon angoisse, ma solitude, je les décrivais dans l’exaltation. L’angoisse, ce n’était pas quand j’écrivais qu’elle me dévorait, mais quand je n’écrivais plus.
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D’un seul coup les parfums du tronc, du terreau, de l’humidité s’effacèrent. Des effluves d’oranger s’amplifièrent. L’oiseau s’était immobilisé. La lumière s’épanouissait, patine d’or clair, ultime générosité d’un soleil renaissant, tout à la fois allègre et cependant mal assuré de soutenir le défi des nuages qui, toute la matinée, s’efforçaient d’éteindre le ciel
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Le plaisir d'enseigner, le bonheur d'être écouté, la musique des mots, la joie des corps ou leur désarroi. Je découvrais tout. Parce que ce sont nos premières émotions qui sont sans doute les plus vives, qu'ensuite nous ne faisons que confronter à leur souvenir les émotions nouvelles.
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Fouiller dans ma mémoire, sarcler la terre des ancêtres, traquer le moindre indice qui pouvait à l'origine de ma déréliction. [...]
Fouiller dans ma mémoire, écrire, me tourner, vers mon passé. Si là étaient bien la source et le lit, il fallait remonter plus haut encore. Resongeant à ces mille souvenirs qui m'assaillent, je me dis que leur insignifiance même vaut d'être sauvée, puisque ces fugitives broutilles me procurent le même ravissement que lorsque j'embrasse le monde.
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Vidéo de Gaston-Paul Effa
Gaston Paul Effa - Rendez-vous avec l?heure qui blesse .A l?occasion du congrès 2015 de l?Association des Bibliothécaires de France à Strasbourg, rencontre avec Gaston-Paul Effa, auteur de "Rendez-vous avec l?heure qui blesse"aux éditions Gallimard. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/effa-gaston-paul-rendez-vous-avec-heure-qui-blesse-9782070147557.html Notes de Musique : "WORDS" par Jason Shaw (http://www.audionautix.com). Retrouvez la librairie Mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat You Tube : https://www.youtube.com/user/LibrairieMollat Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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