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Frédéric Kneip (Autre) SonoBook (Autre)
EAN : 978B08BJ7VKV9
Sonobook (06/07/2020)
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4.23/5   331 notes
Résumé :
Des drogues qui brouillent la réalité et provoquent la conjonction des possibles. Des perroquets génétiquement améliorés qui jouent En attendant Godot. Des milliardaires élaborant des chimères, mi-hommes mi-animaux, pour assouvir leurs passions esthétiques. Des femmes qui accueillent dans leur ventre le cerveau de leur mari le temps de reconstruire son corps. Des enlèvements pratiqués sur des répliques mémorielles de personnalités humaines. Des fous de Dieu inventan... >Voir plus
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Greg Egan, auteur australien né en 1961, est aujourd'hui considéré comme le « pape de la hard-SF ». Et s'il est vrai que ses romans et nouvelles ont un soubassement mathématique et scientifique solide, nul besoin d'être titulaire d'un master en physique quantique pour les apprécier pleinement. Car ce qui intéresse Greg Egan, ce ne sont pas les toutes dernières avancées théoriques et techniques en elles-mêmes, ce sont leurs implications vertigineuses pour l'individu en termes d'identité, de déterminisme et de libre-arbitre.

Je dirais que plus que de « hard-SF », il s'agit, du moins dans son recueil de nouvelles le plus emblématique, Axiomatique, d'une science-fiction intériorisée : l'essentiel ne réside ni dans l'action, ni dans d'hypothétiques voyages dans le temps ou de lointaines guerres des étoiles, mais dans les interrogations de personnages plongés dans des situations inextricables, placés face à des dilemmes cornéliens. Chaque nouvelle peut être perçue comme une expérience de pensée comme on en rencontre en philosophie morale. Or, les expériences de pensée ont ceci de très efficace qu'elles nous associent, non plus seulement en théorie, mais en pratique, à des situations dans lesquelles entrent en conflit deux systèmes de valeur équivalents et antagonistes. Greg Egan va plus loin. Non seulement il nous place à chaque nouvelle histoire dans un contexte inédit et déstabilisant créant une situation à la fois excitante et inconfortable, mais en plus il s'arrange pour que ses personnages n'y répondent jamais de la façon attendue, c'est-à-dire selon les règles habituelles de la morale ou de la psychologie, créant ainsi vertige et malaise chez son lecteur.

Sur les dix-huit nouvelles que comporte ce recueil, à l'exception peut-être d'une ou deux histoires que j'ai trouvées moins vertigineuses, j'ai eu à chaque fois le sentiment de frôler l'abîme. du reste, je n'ai jamais pu lire plus de deux nouvelles chaque soir, car j'avais besoin du reste de la soirée et de toute la journée du lendemain pour digérer ce que j'avais lu. J'ai eu également le sentiment que l'auteur s'était systématiquement emparé des questions qui me taraudent le plus au monde, questionnements existentiels qu'il s'est amusé à mettre en situation avec une rigueur implacable, me menant par le bout du nez sur des chemins tortueux aboutissant à de nouveaux questionnements encore plus vertigineux (si c'était possible) que ceux du départ.

Qui suis-je et dans quelle mesure suis-je libre?, se demande inlassablement Greg Egan. Autrement dit, quelle part de moi-même résulte de ce que l'on appelle une conscience libre? Cette part de moi-même existe-t-elle seulement?
Dans l'Assassin infini, la nouvelle qui ouvre le recueil, le narrateur, confronté à une infinité de versions de lui-même dans une infinité d'espace-temps, se rassure comme il peut :

« Et pour ce qui est de m'inquiéter de mes alter ego qui désertent, qui échouent ou qui meurent, il existe une solution simple : je les renie. C'est moi qui définis mon identité comme je le désire. Je suis peut-être forcé d'accepter ma multiplicité mais c'est moi qui en trace les limites. « Je » suis ceux qui survivent et réussissent. Les autres sont quelqu'un d'autre. »

Dans la nouvelle suivante, Lumière des événements, le futur est déjà connu, grossièrement résumé en une centaine de mots par jour pour chacun d'entre nous. Vous connaissez dans ses grandes lignes la vie que vous allez vivre, vous connaissez avant de l'avoir rencontrée la femme avec laquelle vous allez passer le restant de vos jours, vous savez dans quel restaurant vous allez l'inviter, vous savez où et quand vous allez faire l'amour pour la première fois, etc…
Tout cela semble sonner le glas du libre-arbitre, pensez-vous. Ce à quoi Greg Egan répond : qu'entend-on au juste par libre-arbitre, cette chose magique que l'on nomme libre-arbitre a-t-elle jamais existé ?

« Le futur a toujours été déterminé. Qu'est-ce qui pouvait avoir une influence sur les actions humaines, si ce n'était l'héritage et l'expérience passée – unique et complexe – de chacun ? Qui nous sommes décide de ce que nous faisons. »

Que ce « qui nous sommes » soit autant déterminé par le futur que par le passé ne change rien à l'affaire. Fondamentalement rien.
Du reste, qui sommes-nous? Qu'un super-ordinateur ayant appris à imiter notre cerveau remplace celui-ci afin de nous rendre immortels (L'Enlèvement, En apprenant à être moi), cela change-t-il irrémédiablement notre identité? Sachant que la vie n'est qu'imitation, que notre corps ne contient plus un seul des atomes avec lesquels nous sommes nés?
« Comparée à tous les changements par lesquels j'étais passé jusque-là, la destruction de mon cerveau organique ne serait peut-être qu'un minuscule accident de parcours.
Ou peut-être pas. Peut-être serait-ce la même chose que de mourir. »

Finalement, que nous reste-t-il quand l'existence même du libre-arbitre est sujette à caution ? À quoi se raccrocher quand tout se dérobe ? Au mensonge et à l'illusion, répond Greg Egan, pathétique planche de salut pour les êtres humains désorientés que nous sommes.
Ainsi dans la nouvelle Eugène, alors qu'un couple ne pouvant pas avoir d'enfant par les voies naturelles se voit offrir la possibilité de se faire fabriquer un « génie », le futur père s'interroge :

« Comment pouvait-il avouer que, personnellement, il ne voulait pas connaître l'ampleur exacte du déterminisme génétique dans le destin d'un individu ? Comment pouvait-il déclarer qu'il préférait s'en tenir à des mythes confortables – au diable les euphémismes, qu'il préférait croire à des mensonges éhontés – plutôt que de devoir admettre cette morne vérité qui faisait qu'un être humain pouvait être fabriqué sur commande, comme un hamburger ? »

Que le libre-arbitre soit une vaste fumisterie et que nous soyons entièrement déterminés n'implique pas, c'est là tout le paradoxe, que nos actes soient hautement prévisibles, loin s'en faut. L'être humain n'est pas (encore) une machine, ou un automate. Pour le meilleur et pour le pire. Dans la nouvelle « Axiomatique », un homme, obsédé par le meutre de sa femme lors d'un braquage, retrouve l'assassin et le questionne sans relâche : « Dis-moi pourquoi tu as tué ma femme. »
Mais le meurtrier n'a aucune raison valable à lui donner. Comme l'homme insiste, s'accrochant désespérément à l'idée que sa femme n'a pas été tuée sans raison, le meurtrier s'énerve :
« Qu'est-ce que tu veux que je dise ? Je me suis énervé, OK ? Ça tournait au vinaigre, j'ai disjoncté et elle était là, OK ? »
Et l'homme enfin comprend, ses yeux se dessillent dans un éclair de lucidité :
« Il m'était déjà arrivé, dans le cadre de mon travail, de briser une tasse de café ou deux parce que la situation était tendue. Une fois, à ma grande honte, j'avais même donné un coup de pied à notre chienne après m'être disputé avec Amy. Pourquoi ? J'ai disjoncté et elle était là. »

Je remercie vivement les Editions le Bélial' grâce auxquelles l'oeuvre de Greg Egan est aujourd'hui accessible au lecteur français dans sa quasi totalité. Je remercie amoureusement Laurent pour m'avoir incitée à lire ce livre. Je remercie affectueusement Paul (@El_Camaleon_Barbudo) pour m'avoir accompagnée dans cette lecture passionnante.

« J'avais maintenant compris que personne ne possédait les réponses que je désespérais d'obtenir. Et il était très peu probable que j'arrive un jour à les trouver par moi-même. le choix était très simple : soit je perdais mon temps à m'interroger sur les mystères de la conscience, soit, comme tout le monde, je cessais de m'en inquiéter et je m'occupais de ma vie, tout simplement. »

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Un axiome est tenu pour évident et repose sur une vérité manifeste…

Après avoir lu Océanique, je me devais de lire un deuxième recueil de nouvelles de Greg Egan. Contrairement à l'idée reçue, il n'est pas nécessaire d'avoir une agrégation de mathématiques ou de sciences physiques pour appréhender et apprécier cet écrivain d'Hard-SF australien.

Les dix-huit nouvelles qui composent le recueil Axiomatique de l'auteur, sortent des sentiers battus par leur originalité dans les thèmes abordés comme par leur conclusion déroutante voire franchement déboussolante. de l'apparition fréquente de trou de ver sur Terre à la découverte d'une chimère à faire pâlir le Dr Moreau, de la réincarnation à répétition façon jour de la marmotte à la possibilité d'acheter un kit sur internet pour un homme qui voudrait porter son propre enfant ( il a fait son bébé tout seul ) , Greg Egan nous entraîne loin, très loin dans son univers qui laisse libre court à l'imagination avec un grand « i ». Comme dans la série TV the Twilight Zone où les histoires, comme le disait son créateur Rod Serling, avaient pour but de frapper le téléspectateur, de le choquer par la chute toujours inattendue, surprenante et singulière ; Axiomatique nous secoue et nous renvoie sans ménagement dans nos dix-huit mètres cartésiens.

Mais la prose de Greg Egan peut paraître ardue au commun des lecteurs que vous êtes. C'est le deuxième obstacle qu'il vous faudra absolument surmonter pour aborder un auteur qui se veut exigeant. Deux traducteurs plus un superviseur ont été nécessaire pour venir à bout de l'australien et le résultat n'est pas toujours au rendez-vous. Son style reste fortement aseptisé et ses personnages manquent un peu de vie pour qu'on puisse réellement s'y attacher. Ils ne sont là que pour être les faire valoir des idées et des réflexions de l'écrivain. Bref vous l'avez compris sa lecture n'est pas facile mais avec de la persévérance et de la patience, son langage finit par couler de source et à partir de la cinquième nouvelle vous devriez retrouver votre rythme de croisière habituel.

Pour Albert Einstein, la distinction entre passé, présent et futur ne garde que la valeur d'une illusion, si tenace soit-elle. En effet pour lui, passé et futur coexistent sans s'écouler et le libre-arbitre n'existe pas dans un futur déjà écrit. Comme Proust à la recherche de son temps perdu, ou comme Kurt Vonnegut et son héros Billy Pilgrim à sa temporalité déréglée, Greg Egan cherche à échapper au sentiment de fatalité qui nous pousserait à refuser de monter dans un avion toujours susceptible de s'écraser une fois en l'air. Quand le futur est déjà connu que reste-il de notre libre-arbitre ? le déterminisme est-il ce fou dangereux dans un bunker imprenable ? Et comme l'affirme Kant : « Plus nous connaissons, moins nous sommes libres. »

On peut reprocher à Greg Egan d'être froid et distant, d'être plus proche de la réflexion mathémato- philosophique que de la douce chaleur humaine qu'il devrait inculquer à ses personnages. Et pourtant au détour d'une nouvelle, on prend plaisir à découvrir un grand auteur exigeant mais tellement envoutant. Et si L'exigence était nécessaire pour découvrir de beaux textes ? Avec cet auteur, il y a ceux qui l'adorent et les autres…

« Je regarde vers le haut, une seule fois, vers le ciel vide et stupide, et je refuse de réceptionner le flot de souvenirs liés dans ma mémoire à ce même bleu incroyable. Tout cela est fini, envolé. Pas de réminiscences proustiennes pour moi, ni de va-et-vient temporels à la Billy Pilgrim. Je n'ai pas besoin de chercher refuge dans le passé : je vais vivre dans le futur, je vais survivre. »
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C'est un recueil de nouvelles remarquables ; c'est aussi un recueil de textes de science-fiction de qualités et c'est aussi , de la SF au sens strict du terme.
Car voilà un recueil basé sur les sciences dures et les sciences sociales misent en fiction. Chaque texte expose des projections futuristes crédibles et chargées de sens en se situant sur différents paliers de champs de réflexion , tel que l'éthique , la gestion du risque , la guerre , la criminalité , les sentiments, l'espèce humaine et le caractère potentiellement largement virtuel de la réalité et du cadre de vie de chacun.
Le style affiche un coté économe et clinique alors que les personnages sont fonctionnels, minimaux et éloquents . Je trouve que ces personnages dans leur construction ont un rien de ceux de Françoise Sagan qui construisait aussi des personnages minimalistes avec une présence forte et remarquable.
L'auteur déroule à chaque nouvelle une extrapolation d'évolutions scientifiques selon une approche variée et scénarisées sur un mode littéraire dans ces nouvelles solides qui ne sont pas des cadres narratifs prétextes. Ce qui rend ces textes attractifs à mon humble avis ,c'est la globalité très élaborée de la démarche de mise en fiction de ces projections scientifiques . Il y a pour chaque projection futuriste des réflexions par exemple : psychologiques , économiques et sociales et donc pas seulement le déploiement une base scientifique hors sciences humaines.
Je dirais que le style de l'auteur est ici encore vert. je veux dire vigoureux et élancé. Il est alimenté par une démarche qui s'appuie sur de la conviction, sur une compétence scientifique indéniable ,sur une réflexion profonde et réfléchie.
J'ai trouvé à la lecture de ces textes que l'auteur y avais le souci de communiquer ses réflexions personnelles sur des problématiques choisies avec un élan d'éloquence didactique qui ne s'assoie pas néanmoins sur la complexité structurelle de ces thématiques. La réflexion et son déploiement narratif ne sont pas édulcorés. Ces caractéristiques rendent ce recueil un peu difficile.
Les amateurs de hard science risquent d'apprécier fortement ces pages complexes alors que les autres non .Alors je leur conseil de butiner ce recueil avec Radieux du même auteur ( qui est plus facile d'accès je trouve). L'auteur fait partie du gratin de la hard science en science-fiction.
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Si je n'avais pas lu avec attention la critique de Tatooa, je pense que avant la fin de la première nouvelle de ce recueil j'aurais abandonné ce livre. (Je ne comprends même pas comment la maison d'édition l'a laissée mettre en pole position d'ailleurs).

Bon vous l'aurez compris , cette première lecture ne m'a pas plu...parce contre la suite a vraiment été un moment de plaisir et de véritable science fiction.. Aussi bien dans le développement scientifique de l'auteur (qui est pointu et très intéressant) que dans celui de son imagination (très fertile).

Je me suis juste donné du temps entre chaque histoire afin des les savourer à leur juste valeur... La lecture de Greg Egan était une première pour moi, mais ne sera très certainement pas la dernière.
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Puissant.

Un avis sur Greg Egan, ça ne peut pas s'improviser. D'où le fait que je l'ai d'abord travaillé sous word, ce que je ne fais que très rarement, car j'adore improviser mes avis, d'habitude. Mais là, je ne peux pas.

D'abord parce que Greg Egan, c'est de la science-fiction de haute volée. Voire de la haute voltige. Si certaines de ses nouvelles sont très accessibles au commun des mortels dont je me considère comme partie intégrante, il y en a quelques-unes qui sont vraiment pas piquées des hannetons, niveau « sciences ».
Par ailleurs, il y en a également qui sont pas piquées des hannetons niveau imagination, la mienne a été tordue dans tous les sens dans cette lecture, jusqu'à la limite « bah non, là, je ne comprends absolument pas le fond de cette histoire ». Je parle de la nouvelle « l'enlèvement », qui m'a laissée totalement, absolument et désespérément sur le carreau. Je n'y ai rien compris. Il faudra que je la relise. La toute première, déjà, donne le ton. "L'assassin infini". Ne vous laissez surtout pas dégoûter du recueil par cette nouvelle très difficile d'accès. Ce serait dommage, il y en a après qui sont bien plus "simples", quoi que toujours argumentées avec justesse.

Il se trouve, je dois avouer, que je suis malade avec des hauts et des bas depuis vendredi, il semblerait que je cumule en quelques jours les moult maladies que j'ai « évitées » de septembre à maintenant. Finalement je préfère comme ça, un gros tas de maladies d'un coup, sauf que ça use quand même pas mal... Et la grosse fatigue qui va avec, n'aide pas la compréhension de certaines des nouvelles d'Egan.
Un auteur qu'il faut lire quand on est en possession de toutes (et plus si possible) ses capacités intellectuelles et imaginatives…

Parce qu'en plus d'être une boule niveau sciences, monsieur Egan peut se targuer de soulever et de pointer et de triturer les problèmes de société actuels que nous connaissons bien pour en faire des avenirs supra-glauques, des nouvelles qui décoiffent sa race tant ça nous en met plein la gueule (tiens, bim! voilà dans ta face de lecteur insouciant les conséquences du réchauffement climatique, des manipulations génétiques, sbam! de l'intelligence artificielle et de la thérapie génique, crac! des nano-technologies et de ton obsession d'éternité, prends-toi ça dans les gencives, paf !).

Je ne vais pas revenir sur chaque nouvelle, maintenant, c'est à vous de découvrir tout ça. Autant vous dire que ça remue pas mal les tripes, que ça fait fumer la cervelle, que ça pose des tas de questions intelligentes, et que ça vient, pour finir, vous mettre KO par crochet du futur et direct de l'avenir pas si lointains vus par Egan.

Une très belle découverte que je dois à Mladoria (et sa destination « phare » du mois pour le challenge « autour du monde » sur Babelio), d'un auteur que je ne connaissais pas du tout, que j'ai déniché sur Wiki, évalué sur Babelio par ses notes comme « à lire » et décidé de découvrir pour ce challenge. J'en lirai d'autres, c'est sûr !
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Quand le rayon est tombé sur les boucles emmêlées d'une chevelure auburn, j'ai pensé : il ronge une tête humaine. J'ai continué d'avancer. J'attendais une réaction en espérant que le déranger pendant qu'il était en train de se nourrir serait une provocation suffisante pour qu'il m'attaque. Je portais une arme qui aurait pu le vaporiser en un fin brouillard de chair et de sang, une issue qui m'aurait apporté bien moins d'ennuis et de paperasse que la capture de l'animal vivant. J'ai à nouveau dirigé la lumière vers le haut de la bête et j'ai réalisé que je m'étais trompé. Il ne rongeait rien. Le crâne de l'animal était caché, et la tête humaine était tout simplement... Non, ce n'était toujours pas ça. La tête humaine était tout simplement unie au corps de l'animal. De la fourrure et des taches apparaissaient sur le cou humain, qui se fondait dans les épaules du léopard. Je me suis accroupi à ses côtés en songeant - avant toute chose - à ce que ses griffes pourraient me faire si j'avais ne serait-ce qu'un moment d'inattention.
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"Tu sais ce que c'est, les jeux d'argent ? Une sorte de taxe: une taxe sur la stupidité. Une taxe sur la cupidité. Une certaine quantité d'argent change de mains de façon aléatoire, mais le flux va toujours dans le même sens: vers le gouvernement, les opérateurs de casinos, les bookmakers, le crime organisé. Si jamais tu gagnes, ça ne sera pas contre eux. Ils prendront toujours leur part. Tu auras gagné, oui, mais contre tous les perdants, contre tous les fauchés, et c'est tout."
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Mais la vie n'est qu'imitation; il ne faut pas cracher dessus. Les organes de notre corps se reconstruisent constamment à leur image. Une cellule qui se divise meurt, et celles qui prennent sa place ne sont que des imposteurs. Ton corps ne contient plus un seul des atomes avec lesquels tu es née... alors qu'est-ce qui te donne ton identité ? C'est un schéma informationnel, pas quelque chose de physique. Et si un ordinateur se mettait à imiter ton corps - au lieu que ce soit lui qui s'imite lui-même -, la seule vraie différence serait que la machine ferait moins d'erreurs.
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Je me suis enrôlé dans la police à l’âge de douze ans. J’ai poursuivi mes études normalement mais c’est à ce moment qu’il faut entreprendre la série d’injections d’hormones de croissance ainsi que l’entraînement spécial pendant les vacances et les week-ends si l’on veut être déclaré bon pour le service actif. (Ce n’était pas un engagement irréversible. J’aurais pu changer d’orientation plus tard et rembourser ce qu’on avait investi sur moi, en versements d’une centaine de dollars par semaine pendant les trente années suivantes. Ou j’aurais pu échouer aux tests psychologiques – auquel cas on m’aurait exclu sans que je doive un centime. Mais les tests que l’on passe avant même de commencer ont tendance à éliminer quiconque est susceptible de faire l’un ou l’autre.) C’est logique. Plutôt que de limiter le recrutement à des hommes et à des femmes qui remplissent un certain nombre de critères physiques, on choisit les candidats en fonction de leur intelligence et de leurs aptitudes psychologiques – et ensuite, on ajoute, de manière artificielle, les caractéristiques physiques secondaires mais utiles, telles que la taille, la force et l’agilité.
Nous sommes donc des monstres, fabriqués et conditionnés pour remplir les exigences de notre travail. Mais moins que les soldats et les athlètes professionnels. Et bien moins encore que les membres des gangs de rues – qui n’hésitent pas un instant à utiliser des facteurs de croissance illégaux qui abaissent leur espérance de vie à environ trente ans. Sans armes, mais bourrés d’un mélange de Berserker et de Timewarp – qui les rend insensibles à la douleur ainsi qu’à la plupart des traumatismes physiques, et qui divise leur temps de réaction par vingt – ils peuvent liquider en cinq minutes une centaine de personnes dans une foule avant de se mettre à l’abri pour redescendre et affronter les deux semaines d’effets secondaires qui les attendent. [...]
Oui, nous sommes des monstres. Mais si nous avons des problèmes, cela vient du fait que nous sommes restés encore bien trop humains.
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En réalité, les êtres humains sont capables de tout : torture, génocide, cannibalisme, viol. Après quoi - du moins, c'est ce que j'ai entendu dire -, la plupart d'entre eux sont encore capables d'être gentils avec les enfants ou avec les animaux, d'être émus aux larmes, par une musique, et de se comporter, en général, comme si toutes leurs facultés émotionnelles étaient intactes.
(Dans "Un amour approprié")
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