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Critique de okka


Edward S. Curtis est l'Attrapeur d'Ombres, comme le surnommaient les Amérindiens. L'homme qui par son objectif photographique peut figer ce qui est vivant et le garder en images.
L'attrapeur d'ombre, c'est aussi celui qui est allé dans les zones d'ombre, qu'est le passé, là où se trouvent les cadavres cachés sous le tapis de la bannière étoilée américaine.

C'est une noble quête que de vouloir exprimer la vérité : la conséquence d'une colonisation, d'une privation, de trahison par les non-respects des traités, du spoil total de la culture de plusieurs micros nations qu'a subis tout un continent, par son peuple. Mais pour le montrer à qui ? Puisque les gagnants sont les assassins. Oui il veut leur montrer à l'Amérique dans tout son être : l'État, les militaires, les civils, qu'ils reconnaissent leurs mensonges sur lesquels ils sont assis : celui du génocide Amérindien et pour les survivants d'une assimilation imposée pour rentrer dans un moule. Mais un jour cela servira aussi aux Indiens, pour les aider à réapprendre leurs cultures : leurs langues, leurs chants, leurs rites, leurs danses, leurs arts...

Hélas son travail qui sera de réaliser 20 livres sur « L'Indien d'Amérique du Nord »  va être d'une difficulté titanesque par : le coût financier, la durée du travail, le peu de gens intéressés par sa quête, et sa vie de famille qu'il va négliger... mais si lui ne le fait pas qui le fera ? Qui s'intéresse au sort des perdants ? Quand presque tout le monde est endoctriné dans un racisme contre tous ceux qui ne sont ni blancs et ni chrétiens ? Hélas même pour écrire ses livres retraçant toutes ces petites nations d'Indiens d'Amérique du Nord, il ne peut pas écrire en critiquant ouvertement les actions des colonisateurs, car ça reviendrait à se mettre à dos ceux qui le payent. La tentation de critiquer l'emporte parfois surtout quand il s'agit de montrer à quel point le général Custer a sciemment agi en assassin, en lâche à la bataille de Little Big Horn.

C'est un voyage vers le passé qui prendra 30 ans pour que Curtis en compagnie de sa troupe (Muhr, son technicien ; Morgan, son mécène ; Upshaw son interprète ; Phillips son sténographe ; Schwinke son cameraman ; Myers son ethnologue, sa plume, son journaliste, son rédacteur...) vont mener pour retracer la vie de toutes ces tribus par l'écriture, l'enregistrement audio et photographique avant qu'ils ne disparaissent de la carte par : les meurtres, les violes, les vols qui sont faits par les « Américains » et restent impunis par la « loi ». Sans oublier les maladies, la famine, l'alcoolisme que l'État Américain leur a fait en refusant de leur envoyer de l'aide par des rations et des soins ainsi qu'en obligeant ou en enlevant ces jeunes Indiens à leurs familles pour les mettre dans des internats pour y être maltraité, violenté et y ressortir avec le cerveau lavé.

Curtis est l'homme qui nous prouve que ce n'est pas le ou les diplômes qui font l'intelligence, qui font être l'homme de « bien ». À l'inverse de tous ceux qui l'ont eu dans de grandes écoles et qui à son époque, sans les connaître, ont écrit sur eux : " les Indiens d'Amérique ". Un tissu de mensonges que Curtis va avoir du mal à défaire de leurs têtes quand même les preuves les plus évidentes n'ont aucun effet sur eux. Que ça soit par les témoignages d'Indiens, leurs photos de leurs conditions dans les réserves, les noms que les militaires leur ont donnés à leurs éclaireurs Indiens comme "White Man Runs Him ": L'Homme-Blanc-Le-Dirige, " Goes Ahead " : Va-Devant. Où pire les agissements violents qu'ils subissent par les " agents " du gouvernement.


C'est une très belle histoire sur Edward S. Curtis qui pour celles et ceux partageant son point de vue, nous remplis de larmes d'indignation.
Merci à Timothy Egan, de nous faire (re)découvrir à quel point l'Amérique blanche a été et l'est toujours : cruelle, autoritaire, raciste, esclavagiste, manipulatrice et hypocrite de la soit-disant bonne image qu'elle veut donner au monde entier alors qu'elle s'est construite sur des tissus de mensonges.
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