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Critique de Shaynning


Faire une critique sur une biographie n'est pas chose simple, car ce n'est pas de la fiction et surtout dans un cas où il s'agit d'une femme qui brise le silence, le simple fait d'avoir eu le courage d'écrire son histoire et dénoncer des abus est digne d'éloges. Comment alors poser une critique sur l'histoire, qui n'a pas été le fruit d'un processus créatif, mais biographique? C'est pourquoi je fragmente le tout en trois.

Primo, l'histoire. Il y a beaucoup dire, je tâcherai d'être concise. C'est une histoire en 50 nuances, certaines lumineuses par la bonté des uns, d'autres ténébreuses par la cruauté des autres. Choga a vécu au gré de ses nuances. Sa famille est composé d'un père et de plusieurs mères, sans parler d'innombrables demi-frères et demi-soeurs. Au Nigeria, la polygamie existe et semble être associée grandement au pouvoir et à l'argent. Comme "papa David" est influent et riche, il a plusieurs dizaine d'épouses, dont la 33e est la mère de Choga. Lisa est allemande, entrepreneuse et consacre sa vie à aider les autres, entre autres qualités. Choga nait dans le harem, un espace de vie en quatre murs et sécurisé, supposée protection contre le monde extérieur. Choga nourrissait déjà une maturité et une intelligence peu commune pour une adolescente et cela lui servira une fois adulte. Elle a, en outre, un handicap à la hanche qui la fait boiter. Elle passera un temps hors du harem avec quelque unes de ses mères dans une exploitation financé par l'héritage de sa mère biologique, jusqu'à ce qu'une passation de pouvoir remette cette ferme prolifique entre les mains d''un homme paresseux, égoïste et dont la cruauté n'a d'égal que son éternel besoin de baiser. Choga, de petite fille heureuse, devient la monnaie d'échange dans un jeu de pouvoir entres familles, en devenant l'épouse de cet homme. Maltraitée et fréquemment violée, elle se fait rescapée par ses femmes soudées qui ont constitué sa famille. Mais le mal est fait, elle est enceinte et séropositive. Ce mal qui la ronge est d'ailleurs rendu partout. On y trouvera plusieurs personnages, certains motivés par le désir d'aider la famille et d'autres davantage motivés par leurs besoins personnels.

Deuxio, les thèmes et la culture. Entre les lignes, Choga nous fait le récit de la culture de son pays. certains éléments sont très intéressants et nous dépaysage le temps d'une lecture. Elle nous parle des hommes , dont le père, certes bon, est aussi partisan de la culture de domination masculine et homme de foi à la limite sectaire. C'est là toute l'ambiguïté: entre la religion et la condition de la femme, les liens sont étroits. Choga nous amène beaucoup d'éléments, qu'ils soient sociaux, comportementaux, religieux, historiques ou même géo-sociaux, susceptible de nourrir la réflexion à y faire. Une chose est sure: la femme n'est pas grand chose dans ce pays, sinon la propriété des hommes et des machines à bébés. Elle nous parle aussi des femmes, fortes et unies, malgré certains conflits, solidaires souvent dans la dictature mâle ou au contraire investies dans une guerre de jalousies. Ces groupes de femmes isolées ensemble constituent des micro-systèmes sociaux régis selon certaines règles et respectant certains préceptes qui leur sont parfois propres. de ce point de vue, c'est fascinant. À l'opposé, c,est également malheureux de constater leur manque d'éducation, le manque de considération de la part des hommes à leur égards et le manque de perceptives d'avenir des filles, d'emblée destinées au mariage arrangé. Oui, ce roman est à la fois beau et laid, partagé entre de belles valeurs qui ne vont pas de pair avec de belles libertés. du moins pour les femmes.

Tertio: le roman en lui-même. Un roman bien écrit, qui passe du quotidien tranquille aux conflits ouverts, couvrant une bonne part de la vie de Choga. Donc, ce n'est pas qu'une suite d'horreurs, c'est bel et bien un récit de vie, une biographie. L'écriture est efficace, bien tournée et on est bien partagée entre l'action et la pensée de l'autrice. Choga porte un regard tantôt émotif tantôt objectif et même parfois philosophique sur le monde qui l'entoure. je pense que c'est là une grande richesse dans son récit. Ce n'est pas un récit enlevant, mais il est riche, poignant et intéressant. J'en sors grandis, instruite et bien sur, indignée.

*Je prends le temps de souligner dans ce livre, il est aussi question du sida (VIH) qui, bien que connu des occidentaux, reste un problème en Afrique. Inconnu comme maladie, il est également difficile de le prévenir, car la contraception et la sexualité en général sont des sujets tabous.

Un bon roman, donc, mais surtout une grande histoire.
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