«
La Parade » est un court roman de
Dave Eggers, traduit par
Juliette Bourdin (2021, Gallimard, 192 p).
Un pays, que l'on peut croire africain ou sud-américain, tout juste sorti d'une guerre entre le Nord et le Sud. Un président, dont une des concubines, la préférée, a été tuée lors d'un attentat, désire marquer la paix revenue par la construction d'une route asphaltée de 230 km de long, qui unirait le nord et le sud. La route, toute noire, possède aussi ses maques de peinture, ce qui fait plus gai. Elle sera, une fois achevée, l'endroit d'une grande parade, d'où le titre, qui devrait réunir, en une grande fête les peuples du nord et du sud. « le cortège quitterait la capitale et se dirigerait vers le sud, symbolisant la fin de décennies de guerre et le début de la paix et de la prospérité désormais possibles grâce à cette route ». Pour cela, on a embauché une société spécialisée qui a acheminée une gigantesque machine, la RS-80, qui remplace la RS-50, devenue quasi obsolète. « Tout lui semblait-il, avait été simplifié et renforcé ». La machine est quasi automatisée, se nourrissant de capsules d'asphalte, des cubes de 2 m de côté, déjà prédisposés le long de la route. Tout y est automatisé et piloté par un seul homme, Quatre, dit également La Montre. Un autre aide, Deux, lui est adjoint, qui est chargé d'ouvrir la voie à l'aide d'un quad, et de contrôler et sécuriser le trajet avant le passage de l'engin. « Si vous trouvez une variation de surface significative, vous êtes chargé de la remplir avant l'arrivée du RS-80, et si la variation est trop importante pour être corrigée, vous devrez m'appeler par radio ou revenir me voir en personne. Ensuite, nous pouvons évaluer si nous mettons hors tension pour corriger l'anomalie ou si nous la réparons ».
Les deux personnages sont ainsi appelés, ce qui évite d'avoir des problèmes d'identification, lors de prise éventuelle d'otage. Tous contacts avec les populations locales sont également fortement déconseillés, toujours pour des problèmes de sécurité. Sur ce point Quatre est très strict, fort de ses 63 missions précédentes dans de pareilles conditions. Neuf, plus jeune, est beaucoup plus permissif, échangeant et partageant la vie des populations locales, ce qui lui vaut des prises de bec avec Quatre, son supérieur, sans en avoir le titre. « C'était la première fois que Quatre rencontrait cet homme et il ne s'estimait pas capable de prédiction, mais il comprit sur-le-champ que Neuf était un agent du chaos et compliquerait encore plus la tâche ardue qui les attendait ».
Les habitants que les deux hommes rencontrent ne sont ni des saints ni des ravisseurs avides d'argent. En témoignent les personnages de Médaillon et Cousin, deux pseudonymes. le premier fait référence au fait qu'un « grand médaillon en argent dansait autour de son sternum, suspendu à une cordelette en cuir noir ». le second est présenté comme étant simplement son cousin. Tous deux voyagent sur un « tuk-tuk jaune », tricycle motorisé indien, rencontré un peu partout dans le monde.
Quatre est d'abord suspicieux envers leur « aide », mais une fois qu'ils ont récupéré des médicaments, l'ont aidé à éviter de tomber sous la coupe des troupes locales et ont considérablement repris le travail de défrichement de Neuf, il est obligé de changer d'avis. Il admet que Médallion, malgré le fait qu'il s'attend à être payé, est « un leader, un amuseur, un homme avec beaucoup de charme ». En général, la population veut aider et ils demandent être indemnisés pour cette aide. de fait, ils veulent vraiment sortir le pays de la guerre. En effet, le pays est jonché de mines dans les forêts et des montagnes sacs en plastique noirs contiennent les résidus de la longue guerre civile. La population, en général, souhaite la prospérité et de meilleurs soins de santé pour leurs proches. En cela, la route leur apparait comme un chemin vers la paix retrouvée.
Le roman fait aussi allusion à l'aide étrangère, aux erreurs de l'Occident, mais aussi le prix qu'en paye ceux qui arrivent avec les meilleures intentions et se retrouvent face à une réalité de violence et de corruption si écrasante qu'ils se sentent impuissants et perdent toute envie de bien faire. Ainsi, dans un dispensaire d'une ONG rencontré en cours de route, les soignants sont plus absorbés par un match de football tandis que les gens attendent patiemment à la porte de l'enceinte pour des médicament qui pourraient les sauver. Une autre attend la fin du stage pour être rapatriée. Par contre ils ont tous des voitures blanches neuves.
Dave Eggers est un auteur relativement connu. Il est également le fondateur du magazine « The Believer » qui a eu provisoirement une version traduite en français. On lui doit aussi une librairie indépendante à San Francisco, « The McSweeney's Store » un peu à l'écart dans Valencia Street, avec sa devanture un peu terne et grise. Avant sa restauration, j'y avais été faire un tour et j'avais été impressionné par les empilements de feuillets de livres à venir. Cette image m'est restée, comparable au fouillis organisé qui régnait dans l'ancienne libraire de
José Corti, à côté du Luxembourg, où le vieil homme, toujours tout en noir, officiait. Il faut dire que la maison d'édition, qui est une organisation à but non lucratif, ne fait que très peu d'épreuves, qui coutent cher. Leur politique est d'imprimer presque à la demande, après la sortie d'imprimerie des couvertures. D'où l'abondance des épreuves non encore reliées.
Dave Eggers a aussi développé le « 826 Valencia », au nom pris de son adresse. C'est une organisation à but non-lucratif qui se consacre à aider les enfants et les jeunes adultes à développer leurs compétences en écriture. Une aide aux enseignant pour leur fournir des supports servant à inspirer leurs élèves à écrire. On y trouve aussi un des rares « Pirate Supply Store », où on peut trouver des vêtements, des cache-oeil, des drapeaux et des crânes, ainsi que cartes de trésors caché.
Il convient de noter que le caractère non-lucratif de ces associations, implique que les droits d'auteur des publications sont entièrement reversés à l'aide aux plus démunis, pour l'éducation et le développement des adolescents.