Ce titre énigmatique fait référence en définitive au sens de la vie, que nous sommes tous condamnés à bricoler tout au long de notre existence. le sous-titre, « Autobiographie de Valentino Achak Deng » est beaucoup plus explicite. C'est lui qui va entièrement prendre la parole dans ce récit romancé par
Dave Eggers.
Né dans l'ethnie dinka dans le sud du soudan au début des années 1980 Achak assiste tout jeune au massacre de son village par des cavaliers, commandités par Khartoum. Ils prendront possession des terres de leurs victimes et réduiront en esclavage les femmes et les enfants qui n'auront pas été tués. Il en réchappe de peu, contraint de fuir à travers les déserts avec des dizaines d'autres garçons de son âge.
Ils cherchent refuge en Ethiopie où un camp de réfugiés s'est installé à Pinyudo, près de la frontière. Mais quatre ans plus tard ils doivent à nouveau fuir les forces éthiopiennes qui se sont retournées contre eux. Leur nouvel eldorado sera situé au Kenya. Un gigantesque camp de réfugiés naît à Kakuma. Achak (appelé aussi du prénom Valentino ou Dominic) y passera dix ans avant d'obtenir un ticket d'émigration vers les Etats-Unis, juste avant le 11 septembre 2001…
Nous savons dès le début du roman que les difficultés ne manquent pas dans ce nouveau pays. Achak a eu du mal à s'adapter à la mentalité et au mode de vie américain, même s'il est chrétien.
Ce gros roman généreux, prix Fémina étranger 2008, se lit avec avidité. Achak survit à toutes ces épreuves, grâce à une grande part de chance et à une grande volonté de vivre. Il mesurera très tôt à quel point la vie est fragile. Beaucoup de ses compagnons d'infortune mourront de faim et de soif, de maladies ou bien tués par leurs nombreux ennemis. Pourtant, sans l'exagérer, le ton un peu rigolard d'Achak enrichit le roman qui aurait pu se contenter d'enchaîner les scènes de bravoure macabres.
Je ne savais rien de cette guerre civile du Soudan dans ces années-là. La création d'un état indépendant du Soudan du Sud en 2011 n'a apparemment pas suffi à régler tous les problèmes. La région est à ce jour encore la proie de troubles fréquents. La malnutrition y fait de nombreuses victimes malgré les revenus liés au pétrole.