Mokhtar est un garçon intelligent mais à vingt-quatre ans, après l'abandon de ses études de droit, il traîne dans San Francisco insouciant de son avenir, habitant encore l'appartement familial exigu. C'est un travail de portier dans un immeuble prestigieux qui paradoxalement va lui ouvrir des perspectives d'avenir. En effet, Mokhtar par le biais d'une statue d'un immeuble voisin entrevoit l'histoire étonnante du café yéménite. Dès lors il n'aura de cesse de faire revivre la fève délaissée dans le pays de ses ancêtres. Un projet ambitieux, incluant l'amélioration des conditions des travailleurs yéménites, remis en cause en 2015 par la guerre civile.
Avec l'histoire vraie et singulière de l'attachant Mokhtar Alkhanshali, Dave Eggers nous fait découvrir l'épopée mondiale du café — de ses origines à aujourd'hui — la difficulté de sa culture, les perfidies de sa commercialisation, la complexité de sa récolte et de son élaboration, ses multiples provenances, qualités et variétés, mais aussi le Yémen, un pays en proie à toutes sortes de conflits et rivalités, et c'est passionnant.
Challenge MULTI-DÉFIS 2020
Un grand coup de coeur pour ce récit-documentaire, mettant en avant
le parcours époustouflant de ce jeune Americano- Yéménite, Mokhtar,
qui aurait aimé aller à l'université, mais de fâcheuses circonstances l'obligent à travailler comme "portier" dans un immeuble de haut standing, de San Francisco, lorsqu'il découvre, par un heureux hasard et l'impulsion
de son amie, Miriam...l'histoire incroyable de la fabrication du café,(au travers la vision d'une monumentale sculpture, sur le trottoir d'en face )...et la place prépondérante de son pays d'origine, le Yémen, dans cette épopée et l'évolution du commerce du café !
Il se lancera dans des recherches, des formations auprès d'experts,
voyagera, au Yémen, retrouvera des membres de sa famille, ira en
Ethiopie...fera des emprunts, expérimentera...au péril de sa vie...car
il retourne au Yémen...alors que la guerre civile éclate dans le pays !
Un vrai parcours des plus surréalistes : un mélange d'un Indiana Jones et d' un ingénieur agronome...
Un récit qui aura causé un immense travail à son auteur: une centaine d'heures d'entretiens avec Mokhtar Alkhanshali, sur trois années, sans omettre ses propres vérifications, des interviews, des recherches dans les
Archives historiques....Les lignes suivantes de l'auteur nous expliquent
la genèse de ce récit- documentaire "Le jour où je l'ai entendu dire cette blague, Mokhtar portait un tee-shirt sur lequel on pouvait lire :FAITES DU CAFE, PAS LA GUERRE.
Ses actes et ses propos sont toujours imprégnés d'un sens de l'humour que j'espère avoir su retranscrire et qui nous renseigne sur sa vision du monde, même face aux pires périls. (...)
Mokhtar se montre à la fois humble devant la grande histoire dont il a intégré les annales, et irrévérent envers le rôle qu'il y a joué. Mais son itinéraire n'est pas nouveau. Il s'agit essentiellement du rêve américain, qui demeure très vivant mais aussi très menacé. Son histoire parle aussi du café et des tentatives de Mokhtar d'en améliorer la production au Yémen, où cette culture est née il y a cinq siècles. "(p. 17)
Une histoire incroyable.... que celle de ce fruit, le Café... mais pas seulement... C'est surtout le vrai parcours, époustouflant d'un homme autodidacte, un franco-yéménite...
une sorte de Candide , quelque peu "baratineur", qui nous entraîne dans ses aventures aux quatre coins du monde, d'un homme aussi modeste qu'entreprenant et engagé, même si il a perdu des années d'indécision
et d'inaction , en cherchant un véritable objectif...à concrétiser, dans ce monde...!
Un documentaire qui mélange l'économie, la terre des ancêtres, l'épopée
du Café, et l'histoire des hommes...un large panorama géopolitique et
économique du monde, l'interaction entre les pays, par ce fruit du"Café" devenu essentiel, "carburant économique" et "carburant des hommes"...
"Toute tasse de café requiert donc une vingtaine de mains, du producteur au consommateur. Et pourtant, elle ne coûte que deux ou trois dollars. Même une tasse à quatre dollars relève du miracle, compte tenu du nombre de personnes impliquées, compte tenu de l'attention et de l'expertise prodiguées aux grains dissous dans cette tasse à quatre dollars. Une attention et une expertise telles que en fait, même à quatre dollars, on peut soupçonner que, au cours du processus, des gens – peut-être même des centaines de gens – ont été escroqués, sous-payés, exploités."
Cet ouvrage dynamique me fait songer aux excellents textes d'Eric
Orsenna sur le papier, le coton, etc. Une histoire planétaire des hommes à travers la production de telle ou telle culture, faisant partie intégrante du quotidien des individus, de leurs échanges, de leur transmission ou non de leurs savoirs-faire...
Parallèlement, nous apprenons beaucoup de l'histoire du Yémen,
territoire aux multiples tragédies, conflits...guerres tribales. Ce Yemen,
pays d'origine de notre jeune entrepreneur, qu'il va mettre à l'honneur,
faire redécouvrir au monde, sous des images plus positives, comme
celle de la terre initiale du café, même si le Yémen et l'Ethiopie s'en
disputent depuis toujours la primeur !!
Un documentaire qui offre une mélange très réussi d'un destin
individuel et de l'histoire d'un pays méconnu, le Yémen...Bravo et
Merci à l'auteur...sans omettre"notre admiration" face au parcours
extraordinaire de son "Héros", Moktar...
Une lecture qui sort quelque peu de mes lectures habituelles...je suis
très enthousiaste de ce premier contact avec cet écrivain-journaliste, dont j'ai réservé à la médiathèque un texte antérieur, "Les Héros de la
frontière", afin de poursuivre ma connaissance de cet auteur, dont je viens d'apprécier amplement le style plein de vitalité ,de dialogues et le choix des thèmes !
Je ne peux m'empêcher d'achever ce "billet" par une "anecdote" de
l'histoire littéraire:
"Harar était aussi la ville d'adoption d'Arthur Rimbaud. le jeune poète français, qui devint une source d'inspiration majeure pour les surréalistes, s'exila dans une maison délabrée des hauteurs de la ville. Toxicomane et parfois trafiquant d'armes, il fut également, pendant une courte période, marchand de café. (p. 225)
Mokhtar vit a San Francisco , dans le quartier de Tenderloin qui est au tourisme ce que cette critique est à la littérature. D'origine Yémenite, après quelques errements , il se tourne vers la café dont son pays d'origine fut le précurseur il y a quelques siècles.
C'est mon deuxième roman de Dave Eggers, et il n'y a pas de doute , il sait bien raconter les histoires. Celle de Mokhtar , en cristallisant les problèmes d'intégration mais aussi celle du Yémen ou du café.
Un roman où chaque phrase apporte sa pierre à l'intrigue, un roman dense , rythmé , très instructif.
A travers l'histoire de Mokhtar , on plonge dans le rêve américain mais aussi dans tous ses travers. Les doutes , les obstacles ,la volonté de réussir , la chance ou la malchance qui font basculer un destin.
La saga du café est bien intégrée, sans que l'on tombe sur la lecture d'une page wikipédia , très instructive et révélatrice de l'évolution de la société de consommation.
Quand au Yémen, il me semblait que c'était bien le bordel là bas , j'étais loin du compte.
Un beau roman d'aventures humaines , plein d'érudition et d'exotisme . Foncez.
PS : Voici l'origine du café . Un berger éthiopien a un jour trouvé ses chèvres très énervées à l'heure du coucher. Elles avaient bouloté des petits fruits sur un arbre aux vertus inconnues. le fruit du caféier venait de faire ses premières insomniaques !
Fils de yéménites émigrés aux USA, à San Francisco, Mokhtar végète entre petits boulots et études. Un jour, il découvre le café, l'histoire fascinante du café, et ses origines au Yémen. Il quitte alors les Etats-Unis et sa famille pour aller à la rencontre des cultivateurs et ouvriers du café dans le pays natal de ses parents. Son objectif : redonner ses lettres de noblesse au café yéménite ! Mais la guerre civile, et l'intervention de l'Arabie Saoudite, viennent contrecarrer ses projets. Qu'importe, porté par une optimisme et une tchatche sans limites, Mokhtar fait face aux événements.
Il paraît que c'est le récit, vrai de vrai, de la vie de Mokhtar... En lisant ce livre, il m'est souvent arrivé de me poser cette question : un récit, un récit romancé ou un roman ? Faisons confiance à l'auteur : il s'agit bien d'un récit, celui d'une dizaine d'année de la vie de Mokhtar... Une vie des plus ordinaires au début, entre études et petits jobs ; puis une vie qui trouve son sens, ou plutôt ses racines, avec le café, et plus particulièrement les origines yéménites du café ; une vie qui rencontre enfin l'aventure avec la guerre civile au Yémen. La fin m'a rappelé Comme un vol d'aigles de Ken Folett, quand le milliardaire américain Ross Perrot organise l'exfiltration de ses salariés d'un Iran en pleine révolution islamiste.
Un récit très bien écrit, et traduit, qui se lit comme un roman d'aventure, mais qui éclaire sur l'histoire du café, et celle, plus sombre, du Yémen.
Digne d'un roman !
Voici pour changer un peu de registre, non un roman, mais une biographie écrite par Dave Eggers, auteur qui excelle dans l'écriture de récits bien documentés et surtout nantis d'une forte dose d'attachement pour les personnages dont il raconte la vie, comme dans Zeitoun que j'avais précédemment lu et adoré.
Il s'agit ici de café, au travers de la vie d'un jeune homme d'origine yéménite vivant à San Francisco. Après une jeunesse un peu agitée, il découvre que le grain de café torréfié trouve son point de départ au Yémen, accompagné par une très jolie légende, d'ailleurs. Il s'intéresse de plus en plus à cette boisson et projette de remettre en route la culture du café au Yémen, où elle a été supplantée par celle du qat, pour vendre ses grains aux États-Unis, dans des filières d'exception. Mais la guerre civile éclate alors qu'il commence à peine son négoce, et cela va le mener à prendre bien plus de risques que prévu.
La vie de Mokhtar Alkhansali, de sa jeunesse tumultueuse, surveillé de près toutefois par son père chauffeur de bus, à son job de portier dans un grand immeuble de San Francisco, puis à sa recherche de partenaires pour son projet de café yéménite, est parfois tellement incroyable qu'on se dit que la réalité est largement plus imaginative que la fiction. L'écriture de Dave Eggers, avec son sens de la formule et son humour, rend particulièrement bien compte des capacités hors du commun qu'il faut à Mokhtar pour mettre en route et tenir le cap du projet qu'il s'est fixé. Il rentre dans les détails du processus long et coûteux pour obtenir une délicieuse tasse de moka (l'origine de ce mot yéménite est bien sûr expliquée dans le livre) mais ces détails n'alourdissent jamais le propos qui demeure passionnant d'un bout à l'autre. Il parvient également à faire poindre l'émotion, sans trop en faire, et en gardant un récit bien équilibré, entre documentation et sentiments.
Tout au plus peut-on se demander si Mokhtar n'idéalise pas un peu ses souvenirs racontés à l'auteur, à moins que ce ne soit Dave Eggers lui-même qui n'enjolive légèrement. En tout cas, un petit tour sur le site de The Mokha Foundation permet de confirmer la réalité et de voir comment se porte le commerce de Mokhtar. Après ce livre, vous ne dégusterez plus votre expresso de la même manière !
J'ai autant aimé ce récit que celui sur Zeitoun et l'ouragan Katrina, et je conseillerais, s'il me lisait, à l'auteur de s'en tenir à cette veine, car, si j'ai aimé le cercle, dystopie numérique, je n'ai pas du tout accroché au roman Les héros de la frontière, malgré l'envie que j'en avais !
Une onde de légère euphorie se répandit dans la pièce, et Mokhtar choisit ce moment pour leur parler du passé et de l’avenir.
Il évoqua la naissance du café, raconta qu’il avait été cultivé pour la première fois ici, au Yémen, qu’il s’agissait d’un élément central de l’histoire du pays : le café était leur héritage imprescriptible. La plupart des hommes semblaient surpris. Le savaient-ils déjà ? Mokhtar n’en était pas sûr. Il poursuivit en expliquant que les Néerlandais avaient dérobé des semis, les avaient plantés à Java et en avaient donné aux Français, qui à leur tour les avaient plantés en Martinique, puis les Portugais en avaient volé aux Français pour les planter au Brésil. Le café représentait désormais un marché de soixante-dix milliards de dollars, et tout le monde semblait gagner de l’argent grâce à cette fève – tout le monde sauf les Yéménites, qui avaient été à l’origine de ce commerce.
Historiquement, lorsqu’ils n’étaient pas envahis ou colonisés par des puissances extérieures, depuis les Ottomans jusqu’aux Britanniques, les Yéménites s’entre-déchiraient. Ce n’est qu’en 1990 que le pays devint la première démocratie parlementaire multipartite de la péninsule arabique. Des élections eurent lieu en 1993, puis, en 1999, le maréchal Ali Abdallah Saleh fut élu président du pays nouvellement unifié. Sa popularité fut de courte durée et le Printemps arabe emporta le Yémen dans ses rêves d’un Moyen-Orient plus démocratique et plus équitable. Face aux pressions internes et internationales, Saleh finit par démissionner et fut remplacé par Abd Rabbo Mansour Hadi. Toutefois, une année durant, le vide politique engendré par le Printemps arabe avait enhardi les mouvements insurgés.
Il resta trois mois au Yémen et fut malade tous les quatre ou cinq jours. On lui avait dit de faire attention à l’eau prétendument potable, aux fruits, à tous les produits potentiellement risqués car, étant américain, il n’était pas habitué aux bactéries tolérées par les autochtones. Mais il avait beau savoir qu’il devait éviter certains aliments dans certains villages (ou, plus précisément, la plupart des aliments, tous les produits crus, toute l’eau, tous les jus, tous les fruits, dans tous les villages), il ne pouvait pas refuser. Il était un invité – un invité qui devait se montrer respectueux, mettre en valeur son propre héritage yéménite et ne pas souligner son caractère étranger ou précieux. Alors il mangeait tout ce qu’on disposait devant lui et croisait les doigts. Il eut la diarrhée à de trop nombreuses reprises pour en faire le compte ou s’en soucier. C’était, tout bien considéré, un petit prix à payer pour jouir de la générosité légendaire des Yéménites.
Toute tasse de café requiert donc une vingtaine de mains, du producteur au consommateur. Et pourtant, elle ne coûte que deux ou trois dollars. Même une tasse à quatre dollars relève du miracle, compte tenu du nombre de personnes impliquées, compte tenu de l’attention et de l’expertise prodiguées aux grains dissous dans cette tasse à quatre dollars. Une attention et une expertise telles que, en fait, même à quatre dollars, on peut soupçonner que, au cours du processus, des gens – peut-être même des centaines de gens – ont été escroqués, sous-payés, exploités.
Mokhtar continua à se rendre dans les zones tribales, à des heures ou à des jours de Sana’a, et emportait toujours sa dague, ainsi qu’un pistolet SIG Sauer. Son chauffeur avait un fusil semi-automatique. Quand il était dans des régions plus troublées ou inconnues, il se faisait accompagner par un homme supplémentaire, muni d’un AK-47 et d’une grenade. Il n’y avait rien d’inhabituel dans tout cela. Le Yémen comptait au moins treize millions d’armes à feu pour vingt-cinq millions d’habitants, ce qui en faisait, après les États-Unis, le pays le plus armé au monde. Les hommes déambulaient dans les rues avec des kalachnikovs. Ils les apportaient même aux mariages.
Harlan Coben