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Critique de Isidoreinthedark


Auteur du « Cercle », une dystopie dénonçant les dérives liberticides de l'emprise des GAFAM sur notre société, Dave Eggers nous propose dans son nouveau roman « Les héros de la Frontière » un road trip un peu déjanté d'une quarantenaire et de ses deux enfants en Alaska. Dans un cadre romanesque plus classique, le livre approfondit la question de notre rapport au monde qu'il soit urbain et moderne ou sauvage et intemporel. L'intrigue frôle par moments une certaine trivialité proche du burlesque tout en abordant des questions quasi-métaphysiques sur l'enfance, le sens d'une vie, la beauté du monde.

Josie a pris la tangente et emmené avec elle ses deux enfants, direction l'Alaska où elle est censée retrouver sa « demi-soeur ». Ne supportant plus un mari oisif et velléitaire, rongée par le remord d'avoir encouragé un des patients de son cabinet dentaire à s'engager en Afghanistan et poursuivie en justice par une autre patiente fumeuse atteinte d'un cancer qu'elle n'a pas détecté à temps, elle plaque tout, son travail et l'Ohio pour rejoindre les étendues encore vierges et sauvages du grand Nord en proie à de terribles incendies à bord d'un camping-car en piteux état loué à la va-vite.

Le roman oscille entre le temps présent qui voit s'accumuler les embûches, souvent drôles, parfois désespérantes, sur la route de Josie, et différentes étapes de son passé qui permettent au lecteur de comprendre comment elle en est venue à se lancer dans une fuite en avant aussi improbable, tout en ayant la charge de Paul, déjà très responsable malgré ses dix ans et d'Ana, petite boule d'énergie incontrôlable de quatre ans.

Les mésaventures de l'héroïne et de sa petite famille dessinent un voyage désordonné, où rien ne se passe comme prévu, notamment les retrouvailles tant attendues avec sa « demi-soeur » qui tournent court. Josie tient bon et poursuit sa route tant bien que vaille, au gré de rencontres de plus en plus improbables, elle s'éloigne inéluctablement de la civilisation, se laissant guider par le hasard des événements et par sa peur d'être retrouvée par un mari pourtant inoffensif. Son cheminement semble de prime abord n'obéir à aucune logique apparente sinon celle de la fuite, notamment celle des immenses incendies qui dévorent les paysages environnants. On pressent confusément qu'un étau se resserre au point de menacer l'intégrité physique de Josie et des ses enfants, l'héroïne semble à la fois de plus en plus perdue et paradoxalement libérée du carcan de la modernité, purifiée. Cet éloignement progressif des contingences finit par esquisser le sens profond et la beauté du roman, qui décrit une quête de pureté, un retour à l'innocence, une mise en danger qui permettra peut être à Josie, Paul et Anna de d'effleurer enfin la beauté du monde et d'appréhender pour un instant le sens de leurs vies.
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