A lire, même si l'on n'est pas confronté à la situation
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Alberto Eiguer analyse le caractère dominateur d’une psycho-pathologie courante, notamment dans le monde du travail et de l’éducation.
Lire la critique sur le site : Liberation
Racamier insiste sur la perversion de la pensée dans les familles des schizophrènes, consistant dans une ambiguïté insoutenable, une logique « élastique » qui se plie et se déplie aux contingences externes comme le reflet de ces mêmes inter-relations (pseudo-mutuelles et superficielles), dont les membres de la famille ont une perception contradictoire ou paradoxale. Ils se disent solidaires et unis, alors qu'ils ne le sont pas. La logique paradoxale offre un camouflage parfait à la perversion narcissique. Les membres de la famille peuvent vivre avec des points de vue totalement inconciliables, en les pensant conciliables et en le faisant croire aux autres. Si par hasard leur véracité est mise en doute par quelqu'un, celui-ci pourrait se voir désigné comme fou.
[K. Abraham] confirme une espèce de double fatalité à toute thérapie de la psychose maniaco-dépressive, à la fois l'inévitable progression du patient, et la consternation de celui-ci devant le fait de ne plus pouvoir régresser : il ne peut plus « produire une dépression authentique » ou une vraie manie. Les progrès, loin de satisfaire le patient, l'empêchent d'utiliser une voie de sortie connue, un refuge familier comme celui de la rechute symptomatique qui lui servirait, par exemple, à prendre de la distance par rapport au thérapeute, proximité vécue parfois comme très excitante. Toute aggravation chez un patient au cours d'une psychothérapie peut être comprise alors comme un phénomène nécessaire à son économie.
La fragilité narcissique et le masochisme moral sont si fréquents parmi les névrosés qu'il ne doit pas nous étonner que les pathologies du narcissisme et celle du masochisme expliquent l'allongement des analyses (O. Kernberg, 1976 ; B. Grunberger, 1954). S. Freud en parle à plusieurs reprises pour signaler les difficultés à traiter ces noyaux pathogènes, bien que l'impression générale laisse pressentir qu'ils sont pour nombre de névrosés un aménagement de leurs conflits plus qu'une cause. La plainte permanente, le sentiment d'échec ou d'inutilité, la complaisance dans leur propre malheur, les revendications quérulentes cherchant l'éveil du rejet de l'environnement, sont souvent l'expression névrotique du fonctionnement psychique handicapant. Le gain de bonheur ou de santé qu'implique une analyse réussie est aussi difficile à supporter.
La perversion narcissique dépasse largement le champ de la clinique du caractère. P.-C. Racamier (1978) l'avait déjà précisé lorsqu'il avançait qu'en dehors des tableaux organisés, deux autres figures étaient à retenir :
— la perversion narcissique se manifeste par des traits isolés, même chez les personnes les plus normales ;
— elle apparaît aussi de façon plus nette dans des moments charnières de l'existence : intervalles entre deux âges, lorsque l'activité pulsionnelle déborde la topique stabilisée du moi [...].
Nous avons également trouvé que les deuils, la régression due à la cure, potentialisent l'émergence de ces mouvements pervers narcissiques que nous situons tantôt comme des mécanismes de défense contre la détresse, tantôt comme des résidus pervers enkystés dans le moi, jadis très actifs et qui reviennent en force.
Les progrès médicamenteux récents dans la thérapeutique des états maniaco-dépressifs (sels de lithium, neuroleptiques, anti-dépresseurs) sont loin de réduire l'intérêt et le champ des indications de la thérapie : ils donnent à cette dernière une place encore plus importante que dans le passé.
Libérés des rechutes, bien des patients — surtout ceux qui glissent vers le versant maniaque — peuvent maintenant envisager leur exigence d'une façon plus harmonieuse, en se sentant à l'abri d'une aggravation symptomatique, et faire des projets cohérents. Mais devant ces perspectives prometteuses, ils se trouvent souvent limités par les effets secondaires des médicaments (inhibitions pragmatique, intellectuelle et sexuelle), et encore plus rare le fait que toute leur organisation existentielle a été envisagée sur un fond d'activisme et sur les fruits éphémères de l'omnipotence.
(Au sujet de la thérapie de la psychose maniaco-dépressive.)
Une maison natale - Psychanalyse de l?intimité par Alberto Eiguer
http://www.dunod.com/sciences-sociales-humaines/autres-ouvrages-de-psychologie-et-societe/une-maison-natale
Cette maison je l?ai parcourue des centaines de fois ; j?ai visité tous ses recoins, touché ses murs, meubles, objets, humé ses odeurs et ses parfums. Elle a été témoin de mes joies et de mes souffrances. J?y ai appris à jouer, à marcher, à parler, à lire et à écrire. J?y ai connu les gens de ma famille, appris à identifier leur place dans la parenté. Ils m?ont transmis beaucoup de choses au point de devenir une partie de moi. J?y ai développé un certain goût de la réciprocité et le sentiment d?appartenance à un groupe.
Cette maison a été le témoin des faits marquants de mon existence d?alors. J?y ai appris à cohabiter avec moimême. C?est ma découverte première : la maison sert à développer notre intimité avec nous-même et avec les autres. On devient alors quelqu?un.
Alberto Eiguer est psychiatre, psychanalyste, ancien président de l?Association internationale de psychanalyse de couple et de famille. Il a notamment publié chez le même éditeur "Le pervers narcissique et son complice" et "L?inconscient de la maison".
ISBN 978-2-10-074731-3
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