CNRS Éditions a eu l'excellente idée de publier en 2003
Einstein et la relativité générale : Les chemins de l'espace-temps, qui constitue pour moi le meilleur ouvrage de référence sur la théorie de
la relativité générale expliquée aux amateurs éclairés que nous sommes (ou que nous tentons parfois d'être, foi d'honnête homme), en tout cas, c'est mon avis après l'avoir relu. de nombreux autres ouvrages existent bien, mais nous dirons qu'il s'agit là d'ouvrages techniques d'initiation qui s'adressent à des universitaires et à des spécialistes, on quitte alors le domaine de la vulgarisation.
Jean Eisenstaedt retrace dans les grandes largeurs la genèse et l'histoire de la théorie de
la relativité générale, car il évoque les interrogations des savants (on ne disait pas encore les scientifiques) concernant la lumière, la gravitation, la structure de l'espace et du temps, en commençant par expliquer comment un dénommé Römer effectua une première mesure de la vitesse de la lumière en… 1676 ! Il montre comment la compréhension des phénomènes gravitationnels et électromagnétiques avance doucement au cours des siècles passés, avec les apports décisifs de Newton, Bradley, Arago, Fresnel, Maxwell, Lorentz…
Lorsqu'arrive la fameuse expérience de Michelson et son résultat imprévu (mais où est donc passé l'éther ? Sur quel support se propage la lumière dans le vide ? Celle-ci est-elle de nature ondulatoire ou corpusculaire ?), les certitudes bien ancrées des savants en cette fin du XIXème siècle commencent à se fissurer, et cette fissure en s'élargissant va provoquer l'effondrement de tout l'édifice conceptuel sur lequel reposait la physique de l'époque.
Un inconnu, on le sait, va sauver la mise en imaginant une théorie extrêmement loufoque à laquelle personne ne peut vraiment croire, remettant en cause la loi d'addition des vitesses de
Galilée, la notion de simultanéité, la géométrie euclidienne, l'espace et le temps absolus de Newton, et j'en passe.
Jean Eisenstaedt nous expose avec brio les concepts fondamentaux et révolutionnaires apportés par la théorie encore balbutiante du jeune
Albert Einstein. Il explique comment et pourquoi celui-ci est passé de
la relativité restreinte à
la relativité générale, en s'interrogeant par exemple sur un principe d'équivalence entre la masse « grave » et la masse « inerte ».
Pour décrire les avancées de la théorie (qui n'a pas été créée en un jour)
Jean Eisenstaedt alterne avec bonheur le débroussaillage scientifique (citons pour mémoire le principe de Mach, le principe de covariance, le calcul tensoriel…) et le contexte historique (par exemple le récit des expéditions organisées pour vérifier la déviation des rayons lumineux). Puis il évoque la « traversée du désert » de la théorie entre 1920 et 1960, résultant de l'absence de retombées concrètes, d'enjeux autres qu'intellectuels, qui fit retomber l'engouement initial, et même douter de sa validité (des alternatives seront même proposées). Mais en 1960, tout change avec la découverte des… trous noirs.
La dernière partie de l'ouvrage s'intéresse au retour en force de la théorie, qui triomphe désormais dans le domaine de la cosmologie et parvient à expliquer les objets exotiques que l'on découvre au fin fond de l'univers : quasars, trous noirs, mirages gravitationnels…
Pour les amateurs du genre, je ne peux que recommander la lecture de cet ouvrage (340 pages, nombreux schémas, illustrations, encadrés techniques, préface de
Thibault Damour), qui s'est avéré passionnante d'un bout à l'autre.