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EAN : 9782756016832
102 pages
Delcourt (04/03/2009)
3.58/5   19 notes
Résumé :
Le Rêveur est un récit semi-autobiographique de Will Eisner, dans lequel il dépeint l'industrie du comics de la fin des années 30. Tout au long de son parcours, il fait la rencontre de personnages qui partagent sa passion. Ce récit est également une réflexion on ne peut plus pertinente - car vécue de l'intérieur - sur les premiers pas de la bande dessinée américaine. On reconnaît parmi les (futurs) auteurs croisés par Eisner quelques "monstres sacrés" comme Bob Kane... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Cette histoire est parue pour la première fois en 1985, après L'appel de l'espace (1983) et avant Will Eisner Integrale volume I : New York Trilogie (1986). Il s'agit d'une bande dessinée noir & blanc, de 46 pages, écrite et dessinée par Will Eisner (1917-2005). Ce tome comprend également une introduction d'une page et demie rédigée en 1986 par Will Eisner, expliquant comment il a été amené à inclure des éléments autobiographiques tels que d'autres artistes. Il se termine avec 6 pages d'annotations rédigées par Denis Kitchen, indiquant quel artiste ou éditeur réel a été intégré sous un nom d'emprunt par Will Eisner dans son récit.

Le 21 janvier 1937, le journal annonce que le président Roosevelt a déclaré la guerre contre la pauvreté, avec des aides plus importantes pour ceux qui ont trop peu. Dans la rue, Billy Eyron, dessinateur, regarde les 2 pièces qu'il lui reste dans sa main gauche, et tient son carton à dessin sous son bras droit. Il décide d'entrer dans un café et de s'y assoir. Une dame lui demande si elle peut s'assoir à la même table, et elle porte un carton indiquant sa profession : diseuse de bonne aventure. Elle est agréable, et Billy accepte de lui payer un thé, en échange de quoi elle lui dit son avenir : il deviendra un artiste célèbre, ayant du succès avec tout ce dont ça s'accompagne. Eyron sourit et sort pour aller à son rendez-vous. Il passe devant une balance publique qui donne le poids et une sentence. Cette dernière indique qu'il connaîtra le succès dans la carrière de son choix. Il prend le métro, et va embaucher chez l'imprimeur où il est employé en tant qu'homme de ménage. Dans la journée, son patron lui présente un monsieur bien sapé qui lui indique qu'il a besoin d'un artiste pour produire des bandes dessinées, de type pornographique mettant en scène des personnages célèbres. Billy Eyron indique qu'il va réfléchir.

En rentrant chez ses parents le soir, Billy Eyron passe devant un kiosque à journaux et il constate le nombre croissant de comics en vente. Il explique à ses parents la proposition qu'il lui a été faite et qu'il n'est pas à l'aise avec. Son père lui dit qu'un homme doit savoir refuser. Il répond à une question de son fils en indiquant que le courage des hommes leur vient de leurs rêves. le lendemain, il est en train de balayer l'atelier d'imprimerie quand le patron arrive et lui demande ce qu'il a répondu. Billy lui indique qu'il a refusé. le patron le prend très mal car il était prévu que ces comics soient imprimés chez lui. Il congédie Billy Eyron séance tenante. Il va se reposer sur un banc dans un jardin public où il voit passer la diseuse de bonne aventure. Dans la journée il va présenter son portfolio à un magazine de mode qui le refuse. Dans la rue, il croise Ken Corn, un autre artiste, qui lui indique qu'il se rend à une réunion d'artistes pour examiner un projet de syndicat pour défendre leurs droits. Billy l'accompagne. La réunion est animée et de nombreuses promesses sont faites, et oubliées dès que les artistes se remettent à chercher du travail. Sur les conseils de Corn, il se présente chez un éditeur de comics le lendemain.

Dans l'introduction, Will Eisner indique qu'il s'est servi de sa propre histoire personnelle pour évoquer cette période, celle de l'essor naissant des comics. de fait, Denis Kitchen indique dans la postface que Billy Eyron est bien l'avatar de Will Eisner et que plusieurs scènes peuvent être rattachées à des faits avérés. le lecteur voit donc Will Eisner monter un studio (de 2 personnes, lui et Jimmy Samson) pour réaliser des pages de comics tout prêtes à être publier par un éditeur de magazine. Kitchen indique que Eyron & Samson est le nom fictif pour désigner l'entreprise Eisner & Iger qui a bel et bien existé. Il est difficile pour un lecteur contemporain de replacer tout seul l'identité réelle des autres artistes que croise Billy Eyron. Il peut donc lire ce court récit d'une traite sans se préoccuper de savoir à quels individus réels Eisner fait référence, et enchaîner avec les pages d'annotations. Il découvre alors à quels périodiques il est fait référence. Il découvre que Ken Corn n'est autre que Bob Kane (1915-1998), le futur créateur de Bamtan, que Gar Tooth est George Tuska (1916-2009) et qu'il aurait pu trouver tout seul que Jack King est Jack Kirby (1917-1994). Par contre, il aurait dû mal à trouver tout seul que le nom Eyron est un hommage à Cat Yronwod (née en 1947), éditrice ayant aidé Will Eisner à organiser ses archives, et ayant été la fondatrice et la directrice d'Eclipse Comics.

Outre ces références pas immédiatement parlantes, le lecteur suit donc le parcours professionnel de Billy Eyron : création d'une association avec Jimmy Samson qui s'occupe de la partie administrative et du lettrage, puis création d'un véritable studio : c'est-à-dire plusieurs dessinateurs dans une grande pièce, chacun avec sa table à dessin, un superviseur, un scénariste et une secrétaire. le lecteur familier des méthodes de fabrication d'un comics (travail à la chaîne : scénariste - dessinateur - encreur - lettreur - coloriste) en voit la naissance. Il observe la concurrence sauvage où un éditeur copie sans vergogne le personnage d'un autre qui a du succès. Il voit ce qui fait rêver encore plus le rêveur qu'est Billy Eyron : créer son propre personnage et avoir sa série dans les journaux sous forme de comic-strip. Là c'est facile : Will Eisner évoque The Spirit, sa propre création et le succès qu'il remportera par la suite.

Bien sûr, le plaisir de lecture ne se limite pas à découvrir une tranche de la vie de Will Eisner sous une forme romancée. Il y a également la souplesse et l'intelligence de sa narration graphique. Les personnages sont toujours autant uniques et animés d'un souffle de vie, par leurs postures chacune différenciée, par les expressions de leur visage, par leur tenue vestimentaire. le lecteur novice admire la souplesse des traits de contour, précis et d'une rare justesse. le lecteur familier d'Eisner constate qu'il n'a pas encore atteint sa pleine élégance, ou qu'il s'est senti tenu de moins légèreté pour se montrer plus précis dans sa reconstitution historique. Il est impossible de résister au sourire de Billy Eyron, au regard noir d'Andrea Budd, ou à la séduction détendue (et pour cause) de Laverne. Eisner a l'art et la manière d'insuffler une sensation de vie, avec des individus à l'apparence sympathique, ce qui ne les empêche pas d'avoir des comportements d'adulte (il y a même une scène de lit).

Will Eisner n'a pas son pareil pour doser ce qu'il représente sur la page. Il peut passer d'un mode théâtre (des personnages gesticulant sur un fond vide) à une description très précise d'une portion de trottoir d'une rue newyorkaise. Au côté des personnages, le lecteur s'assoit à une table de café, prend son repas à la table familiale des Eyron, arpente les rues de New York, circule entre les tables du studio Eyron & Samson, savoure un verre dans une soirée huppée. Comme à son habitude, l'artiste compose ses pages en fonction des scènes, privilégiant les cases sans bordure pour laisser le regard du lecteur plus facilement circuler. S'il y est sensible, le lecteur décèle quelques perles visuelles comme cette bande horizontale de petite taille comprenant 5 cases dans lesquelles la pluie tombe de plus en plus fort sur le pauvre Billy qui vient de décevoir une jeune femme. Effectivement, il ne s'agit pas d'une reconstitution froide de l'industrie naissante des comics, mais avant tout de l'histoire d'un jeune homme, d'un jeune rêveur. le jeune Billy Eyron est animé par l'amour de l'art, l'amour de raconter des histoires en images. le travail est dur, les horaires sont longs, mais le plaisir l'anime du soir au matin. Ses rêves se heurtent à la réalité : devoir dessiner des histoires pornographiques pour être vendues sous le manteau (enfin sous le comptoir), passer devant le juge pour effectuer un faux témoignage s'il veut conserver son emploi, choisir entre construire une carrière ou bâtir un foyer… Non seulement chaque personnage apparaît comme unique du fait de son apparence et de son langage corporel, mais en plus chacun a une histoire unique (c'est vrai pour tous les artistes du studio), des objectifs qui lui sont propres. le lecteur observe ce rêveur avec un regard attendri mais aussi une admiration pour sa conviction inébranlable.

Le fond de l'affaire est qu'une fois qu'il a gouté à l'humanisme de Will Eisner, le lecteur a besoin de sa dose suivante. Il passe alors en revue chacun des ouvrages (disponibles) de l'auteur sans savoir a priori quel genre d'histoire il va découvrir, mais certain d'y côtoyer des individus attachants. C'est également le cas pour cette histoire. Billy Eyron est un rêveur dans le sens où il a la conviction chevillée au corps de réussir dans le métier qu'il s'est choisi, pour lequel il a une vocation. le récit n'est en aucun cas un copier-coller d'un autre : une évocation des jeunes années professionnelles de Will Eisner, une reconstitution historique servie par des dessins un peu moins déliés qu'à l'habitude, mais dégageant une chaleur humaine toujours aussi réconfortante.
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Bill Eyron est un rêveur.
C'est à la Horn's Cafeteria que, pour dix cents, il a fait l'acquisition de son rêve à une vieille dame souriante qui prétendait connaître l'avenir.
Bill Eyron, c'est Will Eisner.
Et son rêve était de se faire un nom dans la bande-dessinée ...
Cet album, paru aux éditions "Delcourt" en 2009, est un petit roman graphique.
Will Eisner s'y souvient de ses débuts, dans les années 30.
Et il semble y avoir mis tout son coeur et son talent.
La lecture est agréable, et fluide.
Le récit est clair, le graphisme, comme toujours chez Eisner, est superbe.
Le dessin semble y prendre vie dans un découpage et un coloriage qui sont la marque de fabrique de l'immense Will.
De plus, quelques notes, en fin d'ouvrage, éclaire le lecteur d'aujourd'hui sur les nombreux clins-d'oeil qui y sont adressés à quelques autres grands noms du genre.
Mais, parfois il y a loin du rêve de l'auteur à celui du lecteur.
Et, la légende a, de temps à autre, besoin de mystère.
Si le style est toujours impeccable, le grain de folie, lui, a disparu.
Où donc sont ces nuits d'ombre et de silence sur Central-City avec parfois un cri qui transperce la brume ... dont le Spirit semblait connaître tous les secrets ?
Je me souviens avoir, sans aucun regret, dilapidé une de mes premières maigres soldes de jeune marin au milieu des années 80.
Pour l'achat d'une pile d'albums du Spirit !
"Nuit d'encre", "Spirit", "L'esprit", "Le parfum de la dame en rouge", "Les femmes fatales", "Les 13 travaux", "Les dossiers secrets" et "Le Spirit s'en bat l'oeil"...
Pour "L'appel de l'espace" ...
Pour "Un bail avec Dieu" ...
Pour "La bande dessinée selon Will Eisner" de Catherine Yronwode ...
Là est niché le rêve, dans ces récits un peu fous et échevelés, dans ces dessins splendides aux cadres incertains, et ces peintures de personnages débordantes d'humanité.
Là est le talent de Will Eisner ... Là est le rêve de Bill Eyron ...




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C'est toujours un plaisir pour moi de poster une série émanant du célèbre Will Eisner, l'un de mes auteurs préférés. Ici, il est question d'évoquer sa vie lorsqu'il a débuté dans le monde de l'industrie du comics des années 30. Il va faire de nombreuses rencontres tout au long de son parcours et pas des moindres comme Bob Kane, le créateur de Batman. Il le connaissait déjà car ils étaient au lycée ensemble. Il y aura également Jack Kirby (X-men, les 4 Fantastiques) et bien d'autres...

C'est intéressant également de voir comment évoluait la bande dessinée américaine avec un rapport évident à l'argent et quelques fois à la facilité. J'ai bien aimé le passage où Will (qui se fait appeler Billy dans ce récit) refuse de dessiner des versions pornographiques des comics strip connus (du genre Popeye au lit !) qui étaient vendus clandestinement par la Mafia durant l'époque de la prohibition. En effet, ce type d'oeuvre violaient les lois du copyright et de la marque déposée. Résultat des courses: il se fait virer. Bref, il n'a jamais renoncé en vendant son âme de rêveur. On apprend qu'il a dû se battre durement avant de réaliser son rêve.

Cet ouvrage, c'est l'âme même du comics par l'un des plus grands créateurs de la bande dessinée moderne. Inloupable pour les amateurs et les amoureux du genre.
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Le Rêveur est un récit semi-autobiographique de Will Eisner, dans lequel il dépeint l'industrie du comics de la fin des années 30. Tout au long de son parcours, il fait la rencontre de personnages qui partagent sa passion. Ce récit est également une réflexion on ne peut plus pertinente - car vécue de l'intérieur - sur les premiers pas de la bande dessinée américaine. (...)

Rêveur professionnel, Will Eisner a employé tout son talent, au cours de sa longue carrière, à transmettre son amour du comics. Retrouvez dans ces récits semi-fictionnels le parcours en filigrane de l'un des plus grands créateurs de la bande dessinée moderne.
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A conseiller aux débuttants dans le monde de la BD...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
- Ce système de salaires m'inquiète beaucoup, Billy ! Qu'est-ce qui nous dit qu'il s vont produire ?
- Oh, ils vont produire parce que la bande dessinée est faite de fantasmes... de rêves et de rêveurs... pour eux, ce n'est pas du travail... c'est ce qu'ils aiment faire par dessus tout.
- Ah ! Une boutique de rêves ! Facile pour toi de faire de la poésie ! Mais n'oublie pas qu'on est gère une usine ! Qu'on livre des pages pour gagner de l'argent !
- Il y a des studios comme le nôtre plein la ville, maintenant... tout le monde se fiche de savoir d'où sortent ces types et pourquoi ils sont là !... pour les éditeurs propriétaires des BD qu'ils créent... ce ne sons que des fabricants de pages qualifiés ! Mais chacun a sa propre histoire !...
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Au mieux, la société tolère les rêveurs ...
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- Regarde moi cette queue !... Wow !! Une simple petite annonce dans le Times et on a 50 candidats... Il ne nous en faut que que 15 !
- Comment on s'organise Billy ?
- Voilà ce qu'on va faire... Je m'installe au milieu pour faire les crayonnés. Je passe les planches lettrées aux dessinateurs et aux encreurs assis à gauche... et eux passent les pages de l'autre côté de l'atelier pour les décors et le nettoyage !
- Hmmmm.... ça ressemble à une galère d'esclaves égyptienne... qu'à un studio de bande dessinée...
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- Bonne nouvelle Billy... On vient de décrocher Doggy, l'hebdo de bande dessinée anglais... On va devoir augmenter la production.
- Le seul raccourci qui me vient en tête, c'est de pré-imprimer des pages avec des cases vierges, à remplir ensuite par l'illustrateur... ça réduit la durée de production !! Mais je déteste faire ça. La qualité des maquettes va en prendre un coup !
- Bah, sois réaliste Billy... Arrête de rêver ! On est un studio de production, pas un musée ! imprime les pages !
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On débite de la bande-dessinée sous des faux noms, en rêvant dans notre coin ! ...
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