Sous occupation britannique, l'Égypte de 1948 vit les contradictions d'une cohabitation des moeurs occidentales avec la tradition égyptienne. D'un côté, les Anglais, leur morgue, leur sens du pillage économique orchestré mais aussi leur respect des droits de l'homme et une haute conception de la dignité du citoyen. de l'autre, les potentats locaux, le roi Farouk en tête, obèse et libidineux, son chambellan cupide et cruel El-Kwo, ses affidés intéressés et ambitieux. Coincés entre tout cela, des hommes pauvres, soucieux de nourrir leur famille, étudiants en difficulté financière, serviteurs onctueux ou prêts à se rebiffer, jeunes filles prêtes à être livrées en pâture au jeune roi affamé de sexe.
Nous sommes à l'
Automobile Club du Caire, encore existant aujourd'hui, où se côtoient clients affamés de jeu et petit personnel. le directeur, l'Anglais James Wright, doit sans cesse composer entre la tradition locale et ses valeurs britanniques. Dur métier...D'autant que sa fille Mitsy rêve, elle, d'une autre forme de cohabitation anglo-égyptienne, sous le charme du jeune Kamel.
Le rom an fait vivre pour nous une famille de notables déclassée, venue de Haute-Egypte, réduite à un train de vie modeste mais digne. La mère, Oum Saïd, est une noble figure de femme, épouse et mère jusqu'au bout des ongles. Ses fils : Mahmoud, légèrement simple, se fourvoie dans un emploi de gigolo au petit pied, Saïd, l'aîné égoïste et cupide, et Kamel, étudiant, révolutionnaire engagé dans la lutte secrète contre l'occupation anglaise mais aussi contre l'inégalité des droits. Sa fille, Saliha, mariée puis divorcée d'un homme brutal, drogué et impuissant. de belles figures, des portraits nourris et attachants.
La vie du Club est le prétexte pour aborder les relations ancestrales de pouvoir entre notables et exploités, entre femmes et hommes, entre aînés et cadets. Il est tout de même ahurissant que l'humiliation suprême pour punir des rebelles au pouvoir royal soit de les affubler de voiles noirs comme des femmes.. ! Ce serait risible si ce n'était si scandaleux ! Là où la torture a tué, là où l'humiliation sous forme de gifle a fait mourir le mari de Oum Saïd, c'est le travestissement en femme qui semble affecter le plus !
Un livre intéressant comme un document historique, vivant et riche d'une histoire familiale attachante, qui soulève de multiples aspects de l'Égypte du roi Farouk au temps de sa jeunesse. En revanche, le début qui joue sur une apparition quasi fantastique de deux des personnages face à leur auteur, puis la remontée au temps de l'invention du moteur par Benz en Allemagne, viennent là un peu bizarrement, sans suite à la fin du roman, ce qui fait poser la question : pourquoi, exactement, cette entrée en matière ?
Mais dans l'ensemble, un bon roman, agréable à lire et très intéressant pour son approche de l'époque concernée.