Depuis l'hiver dernier, je suis à son chevet. Alors, je lui raconte des histoires. Elle n'a jamais su lire, elle récitait simplement çà et là quelques versets du Coran appris par coeur lors de brefs passages à l'école coranique de Zaouia. Elle n'a donc lu qu'un seul livre, le Livre, son Livre. Je lui fais la lecture en français, certains passages en arabe et les silences, en silence, jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Parfois, même endormie, je poursuis la lecture à cette mère somnolente qui ne comprend ni les passages de Proust, ni les aventures du sultan Mourad de "La légende des siècles". L'intensité est ailleurs, plus que les textes, c'est notre relation qui est en tension. Chaque livre lu est du temps de vie sur le temps de mort, chaque parole, chaque reprise de souffle est un instant de paix.
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"Faire le deuil" : expression stupide qui laisse entendre que celui-ci est un travail dont nous viendrions à bout comme de tout labeur avec un peu de bonne volonté et d'application.
De toute façon la mort des mères ça n'existe pas, une mère c'est indestructible, une mère c'est de l'acier trempé [...]. Le corps s'en va quelque part dans la terre, mais l'esprit est toujours vivant, dans un mouvement, un souvenir, une odeur.
J'espère [...que...] tu prends un peu de distance et que ça t'aide à ne pas être / avoir trop mal et à considérer que les restes morts qu'on honore socialement n'ont finalement pas grand chose à voir avec la personne vivante.
Elle a les traits tirés, le visage marqué par les années du souffrance et de bonheur, le corps usé par tant d'hospitalité, de devoir d'hospitalité.
Avec "Gardien Party", les dramaturges Mohamed El Khatib et Valérie Mréjen signent à quatre mains un spectacle sur le quotidien des gardiens de musée, ces invisibles qui voient tout. Rapport à l'art, mépris de classe, amour des musées : une pièce drôle et profonde à découvrir au Centre Pompidou.