AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782841162123
123 pages
Cheyne (13/03/2015)
4.17/5   9 notes
Résumé :
Quand j'ai quitté la Grèce, je n'étais qu'une jeune adolescente. C'était l'époque de la dictature des colonels ; le temps «de la tristesse et de l'exil». Privé de mon pays, j'ai compris tôt que ma vraie patrie, la seule qu'on ne pouvait me prendre, c'était ma langue. Alors, je me suis mise à composer de la musique sur les textes des poètes que j'aimais. Il y en avait un parmi eux dont l'éblouissante lumière éclairait particulièrement ma route : Odysseas Elytis.
>Voir plus
Que lire après Le soleil saitVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est sous le titre « le soleil sait - une anthologie vagabonde », que les éditions Cheyne ont font paraître ce recueil de poèmes du grand poète grec Odysseas Elytis. Cet ouvrage est rendu plus remarquable encore par la traduction de la très regrettée chanteuse et musicienne Angélique Ionatos.

En 1969, jeune adolescente, l'artiste avait dû quitter son pays alors aux mains de la dictature militaire. Ce douloureux exil ne fit que nourrir le dernier lien qui lui restait de sa terre, celui de la langue. Plusieurs années plus tard, elle trouva dans l'écriture d'Odysseas Elytis (Prix Nobel de littérature en 1979) une profonde source d'inspiration pour vivre du chant et de la musique. Les nombreux poèmes d'Elytis qu'elle mit en chanson lui valurent une reconnaissance qui ne se démentira jamais.

Les textes qui composent cette anthologie sont le choix personnel d'Angélique Ionatos, extraits de recueils plus ou moins anciens - Orientations (1940), Soleil premier (1943), Axion Esti (1959), Maria Néféli(1978) Le Petit Navigateur (1985) jusqu'à Les élégies de la pierre tout au bout (1991) - .
On retrouve dans sa traduction, au travers de sa voix, une sensibilité toute en réserve et en générosité, un bel hommage à une écriture née d'une perception toute personnelle mais qui se révèle aussi être l'expression de références communes, universelles, une pensée intime d'où naît le souffle, le chant.
Tout au long de l'ouvrage, on retrouve une nostalgie, un parfum de regret que même le mouvement du monde ne semble pouvoir atténuer. La célébration des éléments naturels (le soleil, le vent, la mer, la montagne, la pierre blanche,...) contient en elle toute une spiritualité profane, une affiliation au temps de l'innocence, à la liberté. L'écriture d'Elytis est aussi une poésie engagée où se révèlent les blessures, la douleur, entre colère et résignation.  

J'ai été très sensible à la relecture de nombreux poèmes d'Elytis, à la nouvelle traduction qu'en a proposée Angélique Ionatos. Entre les lignes, il me semble entendre sa voix me confier les poèmes de ce poète qu'elle vénérait tant, me parler de ce pays qu'elle n'avait jamais quitté, de cette mer ouverte aux vents, de cette langue natale née d'un murmure et devenue le plus beau des chants.

" Suspendu aux franges d'une aube qui a rendu son innocence
au passé nocturne
Je savoure les sons nouveaux, exploits de la rosée qui ont cru
aux arbres
Une présence fraîche avance vers ses racines et gagne le jour
Comme un coeur qui trouve enfin sa place
Comme une femme qui ressent enfin sa jeunesse
Et offre en ouvrant les mondes de ses yeux une volupté
intarissable
Jour blond, récompense du soleil et de l'Amour ".

(extrait de "Les Clepsydres de l'inconnu", 1940).
Commenter  J’apprécie          210

Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
PETITE MER VERTE

Petite mer verte qui vas sur tes treize ans
Je voudrais t'adopter
T'envoyer à l'école en Ionie
Pour que tu apprennes la mandarine et l'absinthe Petite mer verte qui vas sur tes treize ans
Sur le petite tour du phare en plein midi
Reverse le soleil et écoute
Comment le destin se défait et comment
De colline en colline se parlent
Toujours nos lointains parents
Ceux qui gardent le vent comme des statues
Petite mer verte qui vas sur tes treize ans
Avec ton col blanc et ton ruban
Entre à Smyrne par la fenêtre
Et recopie pour moi les reflets que font sur la voûte
Les Kyrie Eleison et les Gloria
Puis avec un peu de vent du nord un peu de vent d'est
Reviens, vague après vague
Petite mer verte qui vas sur tes treize ans
Pour que je dorme avec toi clandestinement
Et que je trouve ainsi au plus profond de ton étreinte
En éclats de pierre les paroles des dieux
En éclats de pierre les fragments d'Héraclite.


(extrait de "L'Arbre de lumière et la Quatorzième Beauté", 1971) - p.33
Commenter  J’apprécie          140
Vendredi1er mai
Je prends le printemps avec précaution et je l'ouvre :

Me frappe une chaleur arachnéenne
un bleu qui embaume l'haleine du papillon
toutes les constellations de la marguerite mais aussi
beaucoup de reptiles ou volatiles
petites bêtes, serpents, lézards, chenilles et autres
monstres bigarrés aux antennes en fil de fer
écailles lamées or aux rouges paillettes

On dirait que tout ce monde est prêt à se rendre
au bal masqué d'Hadès.

Journal d'un avril invisible, 1984 p 99
Commenter  J’apprécie          170
ILS SONT VENUS
déguisés en "amis"
d'innombrables fois mes ennemis
foulant la terre séculaire.
Et jamais la terre n'a adhéré à leur talon.
Ils ont amené
le Savant, le Colon et le Géomètre
Des Bibles de lettres et de chiffres
tout de Force et de Soumission
dominant la lumière séculaire.
Et jamais la lumière n'a épousé leur toit.
Pas une abeille n'a été dupée pour amorcer son jeu doré ;
pas une brise pour gonfler les tabliers blancs.
Ils ont dressé et construit
sur les sommets, dans les vallées et dans les ports
des tours imposantes et des pavillons
des voiliers et autres vaisseaux
décrétant les Lois pour les biens et profits
et les ajustant sur la mesure séculaire.
Et la Mesure ne s'est jamais accordée à leur pensée.
Pas la moindre trace divine n'a laissé son empreinte à leur âme ;
pas un esprit follet n'a tenté de dérober leur parole.
Ils son arrivés
déguisés en "amis"
d'innombrables fois mes ennemis
en offrant leurs sempiternels cadeaux.
Et leurs cadeaux n'étaient autres
que le fer et le feu.
A ces mains tendues qui espéraient
rien que des armes du fer et du feu.
Rien que des armes du fer et du feu.
Commenter  J’apprécie          20
(...)
Loués soit la larme sans raison
montant avec lenteur dans la beauté des yeux des enfants
des enfants qui se tiennent par la main
des enfants qui se regardent sans se parler

Le balbutiement des amours sur les rochers
un phare qui se défoule du chagrin des siècles
une laine délaissée dans la bise

Axion Esti, 1959 (extraits)
Commenter  J’apprécie          80
Le voici gisant



Extrait 3

Sous les cinq cèdres
Sans autres cierges
Il gît sur sa vareuse cramée ;
Le casque vide, le sang boueux
Près de lui le bras à moitié coupé
Et entre les sourcils
Un petit puits amer, empreinte du destin
Un petit puits amer rouge et noir
Un puits où la mémoire frissonne !

Oh ne regardez pas, ne regardez pas
D'où sa vie s'e est allée. Ne dites pas comment
Comment s'est échappée la noire fumée du rêve.
Ainsi donc en un instant Ainsi donc
Une minute lâche la suivante
Et le soleil sempiternel lâche aussitôt le monde !

/traduit du grec par Angélique Ionatos
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Odyssèas Elỳtis (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Odyssèas Elỳtis
Avec Katerina Fotinaki (arrangements et guitares), Henri Agnel (percussions, cistre et cordes) et l'aimable collaboration de Ninon Valder (flûte, bandonéon) Soirée proposée par Martina A. Catella & les Glotte-Trotters
« Privée de mon pays, j'ai compris tôt que ma vraie patrie, la seule qu'on ne pouvait me prendre, c'était ma langue. »
Par ces mots, et à travers ses chants, Angélique Ionatos nous a offert le plus précieux d'elle-même : sa langue grecque. Guidés par l'oreille implacable de Katerina Fotinaki qui est aussi philologue, nous avons abordé les rivages de la poésie, passant de Sapho de Mytilène (VIIe siècle avant J.C.) aux auteurs contemporains comme Lina Nikolakopoulou ou Odysséas Elýtis, une poésie portée par la tradition populaire dans ses somptueuses polyphonies (encore un mot grec) et par des compositeurs tels que Manos Hadjidakis, Mikis Théodorakis, Nikos Kypourgos, Lena Platonos et bien sûr Angélique Ionatos à qui nous rendons un hommage plein de tendresse et de gratitude en ce 22 juin, jour de sa naissance.
Avec les voix de : Agathe Warlouze, Christine Thiollet, Fiona Sanjabi, Isabelle Favier, Jehanne Pollosson, Julie Lenormand et Amalia, Laura Clauzel, Léa Pointelin, Lena Petrossian, Lila Tamazit, Marylin Guerreiro, Mia Livolsi, Michèle Franza, Ninon Valder, Noé Forissier, Roxane Terramorsi, Yacine Fall Solbes.
À lire – Odysséas Elýtis, le soleil sait, trad. du grec par Angélique Ionatos, coll. « D'une voix l'autre », Cheyne Éditeur, 2015.
+ Lire la suite
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (22) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1220 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}