AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Pierre Pratt (Autre)
EAN : 9782924645956
106 pages
D Eux (09/06/2023)
4/5   4 notes
Résumé :
Un petit canidé abandonné sous un banc est recueilli par Marthe, une vieille femme qui n'a pas froid aux yeux. Prénommé Bernard par sa protégée, le chien apprivoise sa nouvelle vie douillette jusqu'à ce qu'il tombe sur une meute libre et errante. Et c'est là, dans cette rencontre inopinée, entre le confort et la vie dans la rue, que le passé de chacun - y compris celui de Marthe éprouvée par le nazisme - remonte à la surface. Forte de cette union, la petite bande pa... >Voir plus
Que lire après Le presque chienVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Incontournable Août 2023




Je remercie la maison D'Eux pour l'envoi de ce service de presse.




Je place d'ores et déjà ce roman dans nos incontournables pour le mois d'Août, puisque c'est durant ce mois qu'il sortira en librairie.




Bernard était un jeune chien brun sous un banc de parc quand Marthe , vieille dame de son état, le découvre. C'est à elle que le chien doit son prénom et c'est avec elle qu'il va vivre dorénavant. Ils cultivent ensemble une routine douillette et une égalité attendrissante. Avec son regard canin et son côté hautain, Bernard observe le monde, mais il ne doute pas de ne plus jouir de sa vie confortable et remplie d'amour un jour. Cela est appelé à changer quand il fait la connaissance d'un groupe hétéroclite de chiens sauvages - ou à tout le moins redevenus sauvages - les "Sans Dieu, ni laisse" . Chiens ayant un jour connu la douceur d'un foyer pour la plupart, ils sont tous en commun d'avoir subit l'indifférence ou la maltraitance des Hommes. Certains en nourrissent même un véritable ressentiment, alors que d'autres sont amers. C'est auprès d'eux que Bernard entame une double vie. le jour, il mène sa vie avec Marthe et la nuit, il retourne auprès du groupe où il devient peu à peu membre, malgré son statut de privilégier. Avec eux, Bernard philosophe et apprend. Ça tombe bien d'ailleurs, car du côté de son amie humaine, Bernard se pose des questions. Marthe parle parfois dans une langue inconnue, désigne un certain groupe comme étant "Les miens" ( que Bernard entend "Lémiens") et chaque vendredi, des assiettes aux curieuses inscriptions sont sorties, avec un certain livre rouge. Que cache ce rituel? Qui sont les Lémiens? Pourquoi Marthe traite avec autant de gravité le fait de parler cette langue qu'elle seule parle, en plus de plaider pour la survie des mots dont l'usage se perd?




Il y a deux axes importants dans cette histoire, selon moi. L'identité et le Vivre-Ensemble.




Le premier concerne autant Bernard dans son essence que Marthe dans son Histoire. Bernard est déstabilisé de sa rencontre avec les chiens de rue car à travers leur regard désabusé, c'est sa nature de chien qui est questionnée. À la manière de Scamp, dans la Belle et le Clochard 2, Bernard est perçu comme un être docile, domestiqué et donc prisonnier des humains. Pour eux, c'est un "presque chien" qui dépend des humains, ce qui n'est pas pour lui plaire - Ouais, parce que notre Bernard fait un peu de narcissisme sur les bords. S'il montre parfois son fond en se demandant pourquoi il a été abandonné sous ce banc de parc, le reste du temps, il aime rappeler qu'il est beau, bon et intelligent. Il me donne l'impression de se valorise un peu exagérément pour occulter son inquiétude. Bref. Bernard est interpellé par le sobriquet dont l'ont affublé les chiens et ce qu'il sous-tend, ce "presque" qui sonne comme un vide, un handicap, une tare. Est-il trop "humain" ou pas assez "chien"?




Bernard se cherche dans son identité, certes, mais en parallèle, c'est aussi, largement, celle du "Chien". Décrit comme "le meilleur ami de l'homme", peut-on dire de l'humain qu'il est "le meilleur ami du chien"? La réalité qui fait mal à Bernard est que sa condition n'est pas celle de la majorité. Des chiens souffrent de l'inconstance, de l'indifférence, voir de la violence des humains. En revanche, tous les humains ne sont pas des insensibles et des égocentriques. Bernard est donc quelque part dans la zone grise, entre sa vie favorisée à lui et celle beaucoup moins de ses compatriotes canins. Et dans cette quête d'identité, celle de Marthe lui importe. Cette "presque humaine" qui s'avéra déracinée, privée des siens et endeuillée d'une culture discriminée se trouve dans les préoccupations de son chien. J'ai trouvé cette empathie merveilleuse, car Marthe et Bernard sont de réels complices, des compagnons de vie, et non un maître avec son chien. C'est en voyant ce personnage aussi soucieux du bien être de cette vielle femme qu'on comprend la profondeur de leur relation. Aimer quelqu'un sincèrement, ce n'est pas seulement être tendre et prévenant, c'est être empathique et d'oeuvrer à son bien être autant que le sien. En outre, Marthe perpétue le souvenir de ses proches grâce à sa culture et sa langue. Ça dénote à quel point culture, cercle social et langue sont interconnectés quand à notre identité.




À partir d'ici, il y aura des divulgâches.




Le Vivre-ensemble est un autre enjeu important. On apprendra vers la fin, mais on peut le deviner quand on connait son Histoire, que Marthe est juive et a survécu aux horreurs de la seconde guerre, mais au prix de son pays, de sa famille et sa langue. Elle ne se plaint jamais, mais le souvenir des siens demeure, ainsi que sa culture. le conflit de la seconde guerre, qui est bien des choses, est surtout un formidable échec de Vivre-Ensemble. En outre, les diverses situations des chiens tels que Ché, Nirvana ou Einstein sont d'autres exemples de Vivre-Ensemble déficitaire. Certains humains ont de piètres habiletés à coexister avec les autres, animaux inclus, les traitant même comme des êtres vivants de seconde importance. J'ai tendance à penser que la manière de traiter un animal est très révélateur de la façon des gens de considérer autrui. Il est intéressant, enfin, de voir comme les solitudes des chiens tout comme celle de Marthe se font écho.




À travers cette histoire, on voit également une forme de guérison et de résilience. Les chiens de "Ni Dieu Ni laisse" vont apprendre à surmonter leur abandon grâce à leur réunion et leur solidarité. Avec Bernard, ils auront l'occasion de faire un coup d'éclat en libérant des chiens de refuge, ce qui met en évidence leur pouvoir d'agir. En se faisant adopter par Marthe, ils redeviennent les chiens de foyer qu'ils ont été et renoue avec le quotidien douillet, où ils et elles peuvent donner libre cours à leurs passions. À bien des égards, ces chiens là sont très humanisés. Ils passent donc de cyniques et désoeuvrés à actifs et à l'opinion davantage nuancé. On gagne à s'intéresser aux autres, la preuve!




Toute cette histoire met en relief notre rapport aux animaux, surtout nos animaux domestiques. Nous sommes dans leur perspective, ce qui donne lieu à des expressions "canisées" et des besoins légèrement différents des humains. Surtout, on remarque assez bien qu'il leur en faut beaucoup moins que les humains pour être heureux. Un Chez soi, de quoi se nourrir et une famille aimante, c'est généralement ce à quoi ils et elles aspirent. Il y a donc un peu d'humilité à tirer de cette histoire. Bien sur, on retrouve l'abandon comme enjeu, qui n'est pas anodin quand on sait que les chiens sont tout-à-fait sujets à vivre le deuil lié à l'abandon. Également, il convient de regarder plus largement la manière des humains d'habiter le monde, avec les autres vivants. Pas facile de vivre avec les humains et leurs nombreuses contraintes. Il n'y pas beaucoup d'alternatives: Ou on est animal domestique et propriété de X humain, ou on est vagabond et indésirable. Bref, il y a de quoi cogiter sur les interactions entre humains et animaux, qui sont nuancés, bien entendue.




Enfin, côté texte, ça se lit vraiment bien. Il y a pleins de traits d'humour, un français élégant et même des illustrations. Elles ne sont pas dans ma palette de gout - je n'aime pas les couleurs qui bavent par dessus les traits, je trouve ça très brouillon - mais la couverture me revient plus que les illustrations en noir et blanc de l'intérieur du livre. Ça regorge aussi de mots sophistiqués et/ou vieillis, car Marthe aime employer des mots dont l'usage se perd. La narration est à la première personne, tenue par Bernard.




Il y a définitivement de la pertinence dans cette histoire. Elle finit d'ailleurs vraiment très bien, en ce sens où tout le monde y gagne, mais avec quand même quelques petits irritants de la part de chiens, qui n'ont plus une totale liberté ( dont la laisse) . Une fin que j'aime bien, vu son côté réaliste. Les situations parfaites n'existent pas. Comme le tout est accessible autant sur le texte que les enjeux, je le place en littérature intermédiaire, pour le 3e cycle, les 10-12 ans, mais les 8-9 ans habitués de la lecture et qui ont une âme sensible devraient apprécier aussi, je pense. C'est une histoire où les chiens et les humains ont des choses en commun et des choses à s'apprendre, où on gagne à s'ouvrir aux autres et s'y intéresser de plus près.




Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans+.




Catégorisation: Roman Fiction française, littérature jeunesse intermédiaire, 3e cycle primaire, 10-12 ans
Note: 7/10
Commenter  J’apprécie          20
Voici un court roman jeunesse dans la droite ligne des mémoires de chiens initiés par Virginia Woolf... Avec ce titre révolutionnaire qui n'est pas sans rappeler l'excellent "Ni dieu, ni maitre ni croquettes" de Larcenet, Frédérique Elbaz offre un roman de formation étonnant. Tout commence lorsque ce canidé, oublié à côté d'un banc par des "étourdis" est recueilli par Marthe, 93 ans. Sous son air jovial se cache une tristesse qu'elle peine parfois à dissimuler, et qui intrigue son nouveau colocataire. Celui qu'on appelle désormais Bernard est heureux d'avoir trouvé un foyer aimant, mais l'appel du large se fait parfois sentir. Au point qu'il commence à fuguer tous les soirs pour rejoindre une bande de chiens errants, véritable communauté de clochards célestes. Ceux qui se retrouvent sous la bannière "Ni dieu ni laisse" n'ont plus aucune illusion sur la nature humaine et se moquent du toutou à sa mémère. Comment vivre avec le sentiment d'abandon et renouer avec "lémiens", c'est ce que vous découvrirez en lisant cette excellente histoire.
Commenter  J’apprécie          10
Gros coup de coeur pour ce roman jeunesse !
Je l'ai trouvé original et bourré d'humour, avec juste ce qu'il faut de sérieux pour aborder les sujets difficiles.
Ce dosage permet à l'autrice de parler de liberté et de domination grâce à de bonnes idées, un regard juste et un texte parfait. Il raconte le lien entre une femme seule et un chien qui tient à sa liberté et parle de rapport aux autres, à la famille, aux souvenirs et à ce que la vie peut nous apporte de mauvais ou de bon...
C'est bien trouvé et joliment raconté.
Je le relirai un jour.
Commenter  J’apprécie          20


critiques presse (1)
Liberation
26 octobre 2023
Bernard rencontre Marthe qui le met en laisse, puis une bande de chiens abandonnés qui le traitent de bourgeois et le baptisent «Presque». Une histoire cruelle et touchante d’amitié, par Frédérique Elbaz et Pierre Pratt.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
- Bon, arrêtons de tergiverser, il te faut un nom maintenant : Médor, Piou-Piou, Pataplouf, Plume, Pirouette, Pimprenelle, Cléo, Rex ?
Elle en énumère une sacrée liste, je trouve qu'ils me vont tous bien. Elle va dans la bibliothèque et revient avec une pile de bouquins qu'elle étale sur la table du salon.
- Les réponses, m'explique-t-elle, on les trouve dans les livres, en tout cas, c'est là qu'il faut chercher. (p. 11)
Commenter  J’apprécie          00
Au bout de quelques minutes d'une course folle, je fais demi-tour et tombe sur des promeneurs avec des képis bleus marine et une matraque à la ceinture. Ca ressemble à un engin pour assommer les chiens qui manifestent dans les rues quand ils ne sont pas contents, qu'ils exigent une vie meilleure, des niches plus grandes et la baisse du prix des croquettes. (p. 20)
Commenter  J’apprécie          00
Pour certains, j'ai l'air abrupt et péremptoire mais, en réalité, le doute m'assaille. Le cours de ma vie a basculé quand ce qui me semblait être une évidence a volé en éclats et s'est transformé en une interrogation : Suis-je un chien ? (p. 5)
Commenter  J’apprécie          00
- Hé, le canidé d'appartement, lève la patte droite et jure que, même sous la torture, tu diras rien, à personne, ni même à la vieille.
- Arrête de l'appeler la vieille.
- Ok, ok mais t'en parles pas à la jeunette un peu rabougrie. (p. 43)
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : routineVoir plus
Les plus populaires : Jeunesse Voir plus


Lecteurs (8) Voir plus



Quiz Voir plus

Littérature jeunesse

Comment s'appelle le héros créé par Neil Gailman ?

Somebody Owens
Dead Owens
Nobody Owens
Baby Owens

10 questions
1514 lecteurs ont répondu
Thèmes : jeunesse , littérature jeunesse , enfantsCréer un quiz sur ce livre

{* *}