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EAN : 9782924898734
168 pages
La Peuplade (10/09/2020)
4.11/5   61 notes
Résumé :
Quelque part en Islande, au bord de la mer, un village de maisons noires fait face à l’infini de l’eau. Dans son repaire, un romancier peine, sur sa vieille Olivetti, à écrire la vérité d’un couple parti en vacances pour se retrouver. Qui s’amuse ? se demande-t-il, déposant les feuilles dactylographiées sous la fenêtre sud claire. La radio, pendant ce temps-là, donne des nouvelles d’un autre monde : le séisme de Fukushima, l’assassinat de Ben Laden, la guerre en Syr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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« T'es écrivain? »
« Faut croire. »
« Les écrivains sont des bons à rien. »
« Tout à fait », dis-je. »
« Absolument nuls. »
« Je ne saurais mieux dire », fais-je.
En faites il ne plaisante pas, en panne d'inspiration il s'est terré dans un village de pêcheurs au bord de l'océan. Une panne qui va lui donner matière à un autre livre.
Isolé du monde mais pas tant que ça, entre des beaux paysages de mer et de pluie, et un quotidien peuplé de gestes et d'actions simples pour vivre ou survivre, il suit l'actualité mondiale qui lui donne le pouls d'un monde à la dérive.
Ni histoire ni action à proprement parler ici, pourtant, en brèves notations donnant souvent matière à méditer, un texte bouillonnant de réflexions et de références littéraires et musicales, chargé d'un regard humble et ironique à la vie, avec l'arrière goût d'un amour terminé. le temps d'une lecture et de quatre saisons, une rencontre interessante avec un écrivain qui ne prend ni la vie ni lui-même au sérieux, une lecture extrêmement plaisante où il m'a très souvent fait sourire avec son humour subtil. Deuxième rencontre avec Gyrdir Eliasson après son magnifique « Au bord de la Sanda » un poète, un grand écrivain.

« Si c'était la radio qui faisait la loi, l'univers ne serait qu'un brasier de conflits. C'est peut être le cas en réalité. C'est malgré tout difficile à croire, quand on contemple par la fenêtre la mer tranquille et les boutons d'or du jardin qui inclinent leur corolle dans l'ombre. »



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Au bord de la mer.
Le vent, des larmes tombent du ciel, une pluie glaciale.
Des maisons noires, des flocons blancs.
Un soleil, éphémère.
Quatre saisons qui s'enchaînent, et un homme qui écoute Vivaldi, qui écoute le vent et la mer, qui écoute le silence de sa vie.
 
Il est assis, face à une table en bois rustique, une machine à écrire Olivetti posée dessus. Face à la mer et au vent, il laisse court à son imagination. Ses pensées aussi fugaces que l'espace dans sa maison dépouillée. Une maison au toit noir, aussi noire que le goudron une nuit sans lune. Une feuille blanche sur la machine, aussi blanche que la neige qui tombe en flocons d'hiver. Un hiver qui commence tôt, aussi tôt que la nuit dans la journée. Il cherche l'inspiration, le coup de la panne on dirait. Qu'est-ce qu'un écrivain a à raconter ? Ses nuits... Ses jours... Ses pensées.
 
Il allume la radio : On y parle de Ben Laden, de Fukushima, de Syrie. Encore un massacre au Texas. Dehors le blizzard, il ferme les volets, et écoute les quatre saisons de Vivaldi. Printemps, été, automne, hiver. Autant de feuilles qui s'ouvrent, s'envolent, tombent, se fanent et se meurent. Sur sa table, quelques feuilles aussi s'envolent et s'entassent. Est-ce le début d'un roman. Il ne sait pas encore. Il repense à ce concerto n°1 de Chostakovitch qu'écoutait son père jusqu'à ce que sa bouteille soit vide. Il ouvre la fenêtre, laisse pénétrer la fraîcheur comme on laisse entrer l'inspiration. Il plonge son regard dans l'infini de la mer, bleue foncée presque noire. Pas un bruit, pas un son, juste la musique de la pluie, des notes qui tapissent ce champ visuel vert d'une fin d'automne. Avant d'entendre le feutre de la neige, les sons oppressants du vide et de la solitude. Un autre concerto.

L'encre du ruban de l'Olivetti manque de force. Bientôt les lettres ne seront que taches blanches sur feuille blanche. C'est peut-être ça, l'inspiration. Un courant d'air enveloppé de neige qui se couche sur sa feuille posée sur sa table pendant que lui se couche sur son lit à la lueur d'une bougie dont la flamme ressemble à l'âme d'une étoile. Il aurait dû être marin plutôt qu'écrivain. Se dit-il. Sombres pensées, s'imagine-t-il, sombrant dans le tréfonds de l'océan.  

Il retourne au café du village, avant qu'il ferme pour les six prochains mois, pendant le plus dur de la saison. Dans ce village loin de Reykjavík, les gens ne restent pas toute l'année. Seuls les écrivains en mal d'inspiration restent péniblement - ou tristement. La serveuse lui sert une bière. Elle est froide, la bière, la serveuse. Elle n'a pas aimé son premier livre. L'a-t-elle seulement fini. Pourtant, il doit être le seul auteur qui est entré ici. Il boit sa bière en silence, avant de remonter sur les hauteurs, en même temps que les brebis. 
 
Reste au café un pauvre type assis à la table du fond, il boit sa bière, lui aussi seul. Il n'est pas écrivain, il est juste lecteur d'auteurs islandais qui sonnent comme Eliasson ou Vivaldisson. Aujourd'hui et pour deux nuits, il lit un grand roman, une poésie nordique, il est accaparé par la beauté de la mer, par la magie du blizzard, par les maux de ce nouvel écrivain. Ces mots venus du froid, qu'il en oublie la tempête dehors, les marins qui ne reviendront plus, la lune bleue qui a disparu même lorsqu'il pose son regard sans âme à travers la fenêtre au sud.  

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[Ne cherchez plus, le plus beau roman lu en 2022 est celui-là.
Bon réveillon à tous.
Bonnes lectures]
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Il y a les « page-turner » et il y a des livres comme celui-là, du « slow reading » (comme le slow food s'oppose au fast-food).

Un écrivain dans la solitude d'une maison en bord de mer en Islande. Il ne se passe pas grand-chose, parfois un b qui se coince dans sa vieille machine à écrire Olivetti au ruban trop usé.

Il ne se passe pas grand-chose, seules les saisons passent. Des jours tranquilles et parfois des rêves dans la nuit.

La paix? Oui, mais pas tout à fait. Jonas est aussi rongé par une peine d'amour. Il écrit des lettres qu'il n'enverra jamais et brûle celles qu'il reçoit.

Et son roman qui n'avance pas, ses personnages qui n'arrivent pas à comprendre…

Un livre lent, mais la magie de l'écriture fonctionne. Si on prend le temps, on devient, pour un moment, un auteur islandais, seul sur son rivage.
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Merci Bookycooky pour ce bonheur de découvrir un auteur qui correspond à ce que j'aime ! Ce qui m'arrive en moyenne tous les 5 ans. J'ai fait une superbe pioche chez mon mentor, une fois de plus...
Un écrivain, pas vraiment à succès, s'isole en Islande entre mer et montagne. Des réflexions sur l'actualité, la nature, la vie, l'art, la musique, la solitude, l'écriture. Un texte assez court et qui fourmille de mille choses intelligentes et poétiques. de la première à la dernière page, c'est comme si j'avais passé séjour chez un ami, restant à l'écouter, béate. Gros coup de coeur ❣
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Ravie de découvrir ce nouvel auteur islandais.
Un voyage en Islande et un voyage intérieur, dans lequel le narrateur n'est pas nommé - non plus que les autres personnages, ce qui renforce le côté universel...
En toile de fond, l'immensité de la mer, infinie, promesse d'inspiration pour un narrateur auteur, qui vit seul dans la maison noire d'un ami, afin d'écrire son roman. Un roman qui, étrangement, rappelle quelque peu sa propre histoire d'amour, puisque son couple et celui de ses personnages semblent désunis et surtout désenchantés.
Solitude amoureuse et aussi solitude de l'écrivain en panne d'inspiration, face à la mer avec vue sur le phare, sur les vagues toujours semblables et toujours différentes, aux couleurs changeantes selon ses humeurs, au gré des saisons.
Le roman est envoûtant. Entre autres parce que la typographie, les découpages, les thématiques fonctionnent en miroir des états d'âme du protagoniste et des couleurs omniprésentes.
En fin d'ouvrage, nous découvrons le prénom du protagoniste, Jonas qui, tel un prophète, nous met en garde contre les dangers et méfaits de nos sociétés : crises environnementales, politiques, sociétales, perte du "savoir-vivre ensemble" et des valeurs communes, dans des paragraphes qui semblent s'opposer en tout. Se confrontent ainsi le monde extérieur et le havre de paix islandais du protagoniste. Deux visions, deux univers aux antipodes, et pourtant deux mondes très sombres : l'un à cause des exactions dont les nouvelles à la radio s'abreuvent, l'autre, moins métaphoriquement, par ses couleurs parmi lesquelles le noir prédomine.
Deux opposés qui se rejoignent dans la solitude, la recherche de sens, les efforts pour se réaliser.
La Fenêtre au sud interroge sur le sens de l'art, sur le sens de la vie. C'est aussi pour moi la chronique d'un romancier en train de disparaître, comme les lettres de son roman inachevé.
Avant de conclure j'aimerais revenir sur la célèbre figure de Jonas, qui apporte, à mon avis, une lueur d'espoir à ces pages tourmentées.
Jonas, le cinquième prophète, est colérique, bouillonnant et surtout désobéissant ! Même pétri de bonnes intentions, il fait tout de travers, regimbe et proteste...
Certes, il sera puni mais ressortira non seulement indemne mais transformé du ventre de la baleine, libéré de ses oeillères. Dans la matrice, il fait noir, comme pour notre héros dans son havre obscur, mais on a des chances de ressurgir de ces endroits avec une vision nouvelle...
Jonas ne comprend rien à la miséricorde (divine, en l'occurrence) mais apprend à découvrir que repentir et prise de conscience peuvent apporter pardon et justice. Il est celui qui annonce une catastrophe qui, finalement, n'a pas lieu, et qui parvient à accoucher d'un autre lui-même, meilleur.
Métaphore de l'écrivain qui arrache son oeuvre du fond de ses entrailles dans le "travail" (de la naissance, ou renaissance), dans la douleur, leçons à entendre pour l'être humain face à la destruction de sa planète.
Beaucoup de grands messages dans ce très beau livre, à découvrir absolument.
Je conclurai avec la citation qui ouvre ce roman : "L'écrivain est celui qui a plus de mal à écrire que les autres."
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Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Il pleut et je lis, allongé sous la couverture à carreaux de la banquette du salon. Je donne momentanément congé à Thomas Mann pour parcourir un roman de Yukio Mishima que j'ai lu il y a longtemps et que je relis pour la simple raison que le livre était là, dans une armoire. Il s'agit du Marin rejeté par la mer. Je l'ai lu pour la première fois quand j'étais adolescent, puis j'ai vu le film avec Kris Kristofferson. Le film et le livre se sont emparés de moi pour ne plus me lâcher. Je relis le texte maintenant avec de tout autres yeux. C'est comme si j'avais subi un changement de globes oculaires, mais l'histoire me saisit pourtant à nouveau. La pluie qui ruisselle le long de la vitre est presque la reproduction de celle qui inonde les carreaux japonais du roman. Ma pensée va vers le matelot à la salopette bleue maculée de cambouis qui m'a emmené faire un tour en mer. Si mon soupçon se confirme, la mer ne l'aura pas rejeté.
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Papa passait parfois des soirées entières dans le salon avec sa bouteille, à écouter en boucle le Concerto pour violoncelle n°1 de Chostakovitch, jusqu'à ce que la bouteille fût vide et lui-même, endormi. L'aiguille tressautait à la fin du morceau et le bras de l’électrophone n'arrivait pas à la soulever. Le bras de papa, couché au pied de sa chaise, était également sans force. Après avoir arrêté l'aiguille dans son périple sans fin, maman fermait la porte du salon, et nous allions tous deux nous coucher tandis que papa peinait à respirer dans la pièce obscure et sans air. Les notes du concerto s'étaient toutes déposées sur le tapis du salon et scintillaient faiblement à la pâle lueur du réverbère devant la fenêtre. J'entendais maman fulminer en entrant dans la chambre conjugale : "Concerto pour violoncelle... mon cul !"
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Je vais voir si la porte du phare est ouverte. Elle ne l’est pas bien entendu. Je m’assieds alors au bord de l’à-pic et j'éprouve à nouveau cette sensation qui est un mélange de vertige et d’envie de me jeter dans le vide pour mettre fin à cette prise de vue archilongue qu’est la vie d’un homme. Ce film non monté dont le fil conducteur paraît souvent bien confus.
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Mon éditeur téléphone pour me demander si je suis vraiment décidé à ne pas faire paraître de livre. Je ne sais pas comment il peut lui venir à l'idée de poser une question pareille, en plein milieu de l'automne. Je lui dis être absolument décidé. Il me demande alors si je ne vais pas me procurer un ordinateur, ce qui me permettrait de terminer mes livres bien plus rapidement. Je dis non. Il m'a souvent posé la question auparavant. Je suis assis devant mon Olivetti tandis que je lui parle. « Ecoutez, dis-je, vous pourriez dénicher pour moi un nouveau ruban pour la machine à écrire. »
Il soupire à l'appareil. Les éditeurs sont experts en ce genre de soupirs et certains les produisent avec art. Celui-ci en est un. Mon éditeur précédent était, lui aussi, un maître incontesté du soupir. Il a quand même fait faillite. Ça a été son dernier soupir.
J'entends au bout du fil : « Vous et vos rubans. »
« Paul Auster a une machine à écrire, lui aussi », fais-je.
« Oui, mais vous n'êtes pas Paul Auster. »
« Ça, c'est vrai », dis-je avant de raccrocher.
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J'aime bien m'allonger sur la banquette, dans le coin du salon, quand la pluie tambourine sur le toit et que j'étale sur moi la couverture en laine à carreaux. Parfois je contemple les ruisselets de pluie sur les vitres avant de fermer les yeux pour écouter. La pluie résonne différemment selon les régions. Celle d'ici est bien différente des trombes d'eau de l'est du pays. C'est comme le même air dans une tout autre orchestration.
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Vidéo de Gyrdir Eliasson
Julien Delorme présente la Rentrée de La Peuplade.
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