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EAN : 9782925141112
216 pages
La Peuplade (10/02/2022)
3.66/5   58 notes
Résumé :
Jónas entend de la musique en toute chose. Le sifflement de la bouilloire devient pour lui une sérénade, le ronronnement du congélateur une symphonie. Il note tout au fur et à mesure dans son fidèle carnet moleskine. Fuyant sa vie de publicitaire et l’impasse de son couple, il quitte Reykjavík pour un village de l’est de l’Islande afin d’y composer une œuvre décisive, une Marche funèbre (pour débutants) dictée par le crépitement d’un feu, ou peut-être une Étude pour... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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« Mon coeur est en repos, mon âme est en silence;
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu'affaiblit la distance,
À l'oreille incertaine apporté par le vent ».

J'ai l'âme artine, je la sens excellente, empreinte de sérénité.
Ce requiem va me permettre de trouver le repos, quiétude mélodieuse aux notes hypnotiques. Trouver de la chaleur au pays de la glace, transposer les sons du quotidien en phrases musicales, voici un écrivain on ne peut plus original. Son personnage de roman désire créer une oeuvre singulière à partir de la pluralité de tout ce qu'il entend dans son environnement, tache exaltante, faite de tous petits riens. Un requiem qui ne serait presque que rien. Oui, c'est ça, requiem et que rien, c'est presque les mêmes lettres. le requiem célèbre la mort, celle qui n'exprime plus rien.
N'y aurait-il donc rien à en dire ? Voici l'incipit.

« Je suis venu dans la maison pour composer de la musique. Pourtant, entendons-nous bien, je ne suis pas compositeur, mais j'aime mettre de la musique sur papier. (…) Il me semble le plus souvent que ces petits airs que je « compose » proviennent de l'extérieur. Stricto sensu je ne serais donc même pas leur auteur, mais ça m'est bien égal ».

Tout ce qu'il entend, il le consigne sur un carnet. L'assemblage des sons mémorisés devient un griffonnage de notes. Des bribes de vie, des instants fugaces, ce besoin de noter pour se souvenir, oui, mais pas des mots, des sons, qui font parfois un drôle d'air, histoire de s'arranger avec le réel, de se donner le droit d'embellir sa vie, qui part en sucette, acidulée mais fondante, et qui ne correspond plus avec ce qu'il est, un être en retrait du monde, qui fuit la société car il ne la comprend pas, passif plus qu'actif, qui observe et écoute mais ne communique pas ce qu'il ressent.

« Je n'arrive pas à entretenir d'échange avec personne, pas même avec les oiseaux. Tous me fuient à tire-d'aile. Ou serait-ce le contraire, est-ce moi qui me défile toujours » ?

Il ne participe qu'en écrivant des slogans publicitaires, phrases qu'il doit trouver pour gagner sa vie, un taf alimentaire qui ne remplit pas son existence. Il est contraint par une obligation de mots alors qu'il n'a juste qu'un désir de sons.
La musique adoucit les moeurs, et tout ce qu'il entend de l'extérieur, parfois loin d'être mélodieux, comme tous ces objets du quotidien qui nous abreuvent les oreilles, il souhaite les transformer en notes de musique, pour que la trépidation du monde devienne harmonie.

« 𝑱𝒆 𝒑𝒓𝒆́𝒇𝒆̀𝒓𝒆𝒓𝒂𝒊 𝒔𝒂𝒏𝒔 𝒅𝒐𝒖𝒕𝒆 𝒕𝒐𝒖𝒋𝒐𝒖𝒓𝒔 𝒍𝒆𝒔 𝒔𝒐𝒏𝒔 𝒂𝒖𝒙 𝒎𝒐𝒕𝒔, 𝒔𝒊 𝒍'𝒂𝒍𝒕𝒆𝒓𝒏𝒂𝒕𝒊𝒗𝒆 𝒔𝒆 𝒑𝒓𝒆́𝒔𝒆𝒏𝒕𝒆. »

Le problème, c'est qu'il oublie. Pas vraiment connecté le gars, tête en l'air, à côté de la plaque (tectonique), la lave coule et il a la fièvre.
Il égare et perd son carnet en moleskine, celui où il consigne.

« Or, ce qui rend la vie supportable, c'est de pouvoir oublier ».


Terrible dilemme, noter pour transformer, mais oublier pour supporter.
Il écrit des mots pour subsister, il essaie de composer de la musique pour divaguer. Mais le monde est triste, de quoi se retrouver en plein désarroi, et il se trouve incapable de transcrire sur une portée tous les sentiments qui l'assaillent. Comme l'allegro du même nom, assai, ça se bouscule dans sa tête, à toute vitesse, alors qu'il aurait espéré un mouvement lent, mais il n'a d'agios que les frais qu'il s'octroie, sans intérêt pour ce marginal qu'il est devenu.

« Je suis adepte du petit format en musique, bien que j'aie essayé l'autre. Satie est mon phare. Quand je pense à lui, c'est comme si une ampoule s'allumait - et en un tournemain s'éveille l'idée d'un petit air pour violon et boîte de café. La boîte devra être vide, je le préciserai dans la description, et la cuillère qui frappera en mesure son couvercle sera en argent ». 

Et sa fuite à l'Est du pays, dans ce petit village où il espère composer l'oeuvre ultime, loin de sa femme envers qui il a lui-même créé la distance irrémédiable qui les sépare désormais, ce repli devient sa décrépitude, sa chute, le requiem est bien trop imposant pour lui, inaccessible, il ne ressortira de ses notes qu'une marche funèbre.

« Je ferme donc le carnet, acceptant de terminer la création musicale du jour sur des notes sombres, dans l'attente que le soleil resurgisse de ces nuages musiciens. »

Quand j'écris ces mots, dehors j'entends la ritournelle lancinante du serin cini, arrivé déjà depuis deux semaines. le temps change, la sève monte dans mes veines, je me laisse happer par les sons, la SOLitude iSOLe, comme à l'écoute du concerto en SOL, majeur, de Ravel, adagio assai, la paix retrouvée.
Lamartine, Ravel, Eliasson, un trio qui détonne, la sérénité intégrale.
Je n'irai sans doute pas « Au bord de la Sanda », mais j'ouvrirai « La fenêtre au Sud » pour apprécier « Les excursions de l'écureuil », « Entre les arbres ».

Terre de feu et de glace, l'Islande aime les contrastes.
Gyrdir Eliasson est à l'image de son pays, esprit torturé qui exprime son désarroi par des petits riens.

Gainsbourg l'avait compris.

« Mieux vaut ne penser à rien que ne pas penser du tout, rien c'est déjà, rien c'est déjà beaucoup.
On se souvient de rien et puisqu'on oublie tout, rien c'est bien mieux, rien c'est bien mieux que tout.
Ce sont ces petits riens que j'ai mis bout à bout ».
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Jonas quitte Reykjavík  et se réfugie dans un village des fjords de l'Est de l'Islande. Là, il note dans un carnet de moleskine toutes les musiques qu'il entend dans les bruits du quotidien : ronronnement du réfrigérateur, bruits de moteurs etc.  Mais il ne cesse de minorer cette création et ne se revendique jamais comme compositeur.
On comprend petit à petit que sa vie de rédacteur publicitaire lui pèse , que son couple se délite et qu'un drame les a frappés : "Pourquoi nul ne s'enquiert de Joakim ? ". Comme autant de petit cailloux semés au fil du texte, les indices de cette souffrance jamais clairement énoncée apparaissent. Car c'est bien là le problème: Jonas ne peut parler à parler de choses importantes.
Il s'enfonce de plus en plus dans la solitude et les pertes successives jalonnent son parcours. Son identité elle-même peu à peu s'efface et cet itinéraire,tout en retenue, n'en devient que plus poignant. Un roman où quelques pointes d'humour (souvent noir) émergent d'une tonalité mélancolique et prenante. Un grand coup de coeur qui file sur l'étagère des indispensables.








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Jónas griffonne des notes de musique.
Il est plutôt triste, sa symphonie est inachevée, limite Marche funèbre.
Jónas est publicitaire, il loge quelques temps dans l'est, dans un petit village de pêcheurs au bord de la mer, dans une maison appartenant à son beau-père.
Jónas préfère les sons aux mots, si l'alternative se présente. Il entend des bruits que la majorité des gens n'entendent plus. Et chacun de ces sons, il les transforme en note dans son précieux carnet, espérant, ou n'espérant pas, en faire une symphonie.
Jónas s'éloigne lentement de son travail, de sa femme, de sa vie sans trop savoir pourquoi. Il semble être exacerbé par les bruits et se déconnecte tranquillement de la civilisation, sauf pour quelques rencontres peu intéressantes.
Ce troisième roman poésie que je lis de Gyrðir Elíasson est le plus étrange et aussi celui qui apporte une plus grande réflexion sur le calme et la solitude. S'entremêlent le chant des oiseaux, Bach et Dvorák ainsi que Brahms alors que la vie sentimentale de Jónas est en déclin et qu'il égare son premier carnet en moleskine.
Je demeure une fervente lectrice malgré un moindre emballement sur ce requiem. Roman très introspectif, qui mérite une relecture lorsque l'étrangeté gagne du terrain et que l'insaisissable ne semble pas inatteignable!

« Le matin, j'essaie encore de rester assis dans la cuisine pour noter dans mon carnet les sons qui flottent dans l'air dans l'attente que je les saisisse. Ils ont tendance à suspendre leur vol un instant, comme les colibris, ainsi on peut les attraper. »
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Jonas, commercial contrarié, est un " assembleur de sons " qui cherche dans le chant des oiseaux et les bruits du quotidien une échappatoire à sa vie modeste. Il quitte Reykjavik pour se poser dans la campagne islandaise, laissant derrière lui son couple qui bat de l'aile. Ses recherches créatives et les rencontres avec ses voisins rythment son quotidien banal, embelli par sa passion pour la musique. On lui offre une biographie de Franz Liszt qui remet en question sa quête de la composition idéale.
Seul, dans une bulle sonore, Jonas est un visiteur de sa propre vie. Mais le reste du monde n'attend pas, et les problèmes autrefois négligés doivent être abordés. Nul doute que l'art sera un moyen de trouver quelques réponses.
Requiem est le troisième roman de Gyrdir Eliasson, toujours centré sur la création artistique. Une oeuvre mélancolique et profonde qui est un parfait miroir de l'âme. Une très belle plume, une découverte fort intéressante.

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« Requiem » de Gyrdir Eliasson est une noria d'oiseaux en plein vol. Un lâcher de crayons de couleur. Requiem, l'olympien musical.
« Je suis venu dans la maison pour composer de la musique ».
Jònas quitte Reykjavík, la distance insistante, prévisible, l'est de l'Islande, soupape de sécurité. Un village berceau, musical, l'antre de l'oncle de sa femme d'Anna. Matrice, repli, approuver la sérénité d'un lieu offrande, le calme d'une solitude cruciale. Fuir le monde d'avant, la finitude relationnelle avec Anna, chute libre, le silence n'est pas la panacée. Jònas est son, collecteur des syllabes musicales. Publicitaire côté ville, il nomme les paraboles, cherche l'image qui fusionnera, loin du bureau où ses sens s'égarent dans les méandres et les angoisses intestines. Maintenant, il est ici. En assise dans son initiation, les épreuves telles des vents contraires, cueillir les sons de la vie.
« Je ferme donc le carnet, acceptant de terminer la création musicale du jour sur des notes sombres, dans l'attente que le soleil resurgisse de ces nuages musiciens. »
Jònas déambule dans le village, apprivoise les hôtes, regards et petites attentions, repeindre la barrière de sa maison-grotte, chef-d'orchestre , ses pensées alignées, dignes, dans l'orée du temps présent. Les petits gestes du quotidien, pain pour la faim, l'eau pour la soif, poésies subliminales. D'un bruit surgit l'onde de choc, l'ode des souvenirs, les échappées d'un existentialisme aux abois.
« Chaque fois que je le joue sur le web, ce qui arrive rarement en fait, je vois la vieille femme tourbillonner dans sa robe fleurie sur le plancher de la cuisine, tel un papillon amiral aux ailes brisées. »
L'ère des petits riens à l'instar d'Amélie Poulain , de Philippe Delerm, le microcosme qui pourvoit au moindre bruissement. Des musiques qui encensent l'exaltation avec soi-même. Jònas est dans cette croisée des chemins, sensible à autrui. Lui, celui qui n'est pas du village mais va à l'enterrement du Moustachu, un devoir de respect, la gamme fédératrice et fraternelle.
« C'est drôle que la mort de quelqu'un puisse faire en sorte que l'on se se sente pas bien, alors que de son vivant on ne lui avait guère prêté attention. »
Jònas aime les carnets moleskine, doués à l'annonce de la parole de la nature, des objets, et des rappels pavloviens. Ils sont l'orchestre de son émancipation. Jònas au beau prénom qu'on aime de toutes nos forces. Ses fragilités, ses errances et les mélodies altières qui ne sont que son propre coeur qui bat et « s'éveille à l'idée d'un petit air pour violon et boîte de café. »
Ce livre bleu nuit requiem et chapelle est un parchemin salvateur.
Après Au bord de la Sandá (2018) et La fenêtre au sud (2020) Requiem complète sa trilogie sur la solitude et la création artistique. »
Ce livre qui peut se lire indépendamment est une merveille d'apaisement et de complétude. La solitude, un feu de cheminée dont chaque crépitement est requiem. Traduit à la perfection de l'islandais par Catherine Eyjólfsson. Publié par les majeures éditions La Peuplade qui prouvent une nouvelle fois une haute qualité éditoriale.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Pendant que la musique résonne dans le salon, Anna m’appelle au téléphone. debout devant la fenêtre, je réponds en regardant le jardin de derrière et le rocher qui le domine. tout en parlant, je baisse le volume du lecteur de disques. Elle dit que tout va bien. Je l’informe qu’il y a ici une grande demande de nouvelles d’Andrès, ce qui la fait rire, et elle m’assure qu’elle lui transmettra. Elle dit avoir beaucoup à faire à son travail. Elle va se détendre un peu le lendemain soir en sortant avec ses amies. Je l’y encourage, elle a bien mérité de se défouler. « C’est bien mon avis », dit-elle en s’excusant à moitié, comme si elle éprouvait un besoin de confirmation.
Apres la fin de notre entretien, j’augmente le volume de Scarlatti que j’e oute en continuant de regarder au dehors. c’est comme si le rocher refroidissait peu à peu après la chaleur du jour. Il noircit à la nuit tombante, pourtant relativement claire. C’est comme si quelque chose ramollissait en moi, quelque chose qui avait durci, du magma qui se remet à couler.
« Anna », dis-je tout bas, les lèvres contre la vitre, comme si je chuchotais au rocher.
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C’est drôle que la mort de quelqu’un puisse faire en sorte que l’on ne se sente pas bien, alors que de son vivant on ne lui avait guère prêté attention. Sans doute ceci n’est pas du vrai chagrin entraîné par la mort, mais rien que la peur du soldat de plomb d’être au front le prochain qui sera abattu par la boule de marbre roulant sur le plancher du salon.
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Une fois rentré dans la maison, j'appelle Anna au téléphone avant de ranger les provisions dans le frigo. Elle dormait et elle est peu loquace tandis que j'essaie de lui faire part de ce qui m'est venu à l'esprit auparavant, et je lui demande à nouveau si elle aurait éventuellement l'intention de venir. Elle dit qu'elle va y réfléchir, mais qu'il y a plus de travail à faire que jamais. Je sais que son patron s'intéresse beaucoup à elle, et sans doute pas seulement sur le plan professionnel - mais je ne dis rien.
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Et si j'écrivais une cantate du café, comme Bach ?" me dis-je un instant, avant de repousser l'idée. Je suis adepte du petit format en musique, bien que j'aie essayé l'autre. Satie est mon phare. Quand je pense à lui, c'est comme si une ampoule s'allumait - et en un tournemain s'éveille l'idée d'un petit air pour violon et boîte de café. La boîte devra être vide, je le préciserai dans la description, et la cuillère qui frappera en mesure son couvercle sera en argent. J'écris sur la feuille au-dessus des notes : le café sera de préférence du Maxwell House.
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Je n'arrive pas à entretenir d'échange avec personne, pas même avec les oiseaux. Tous me fuient à tire-d'aile. Ou serait-ce le contraire, est-ce moi qui me défile toujours?
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