Quel magnifique roman ! J'ai été totalement conquise de la première page aux dernières qui sont si bouleversantes !
Le roman débute par l'enfance de Maggie et Tom Tulliver, 9 et 13 ans, qui vivent heureux au moulin de leur père, au bord de cette belle rivière qui prend tant d'importance dans les derniers chapitres.
Maggie, assoiffée d'amour et de reconnaissance, aime sans conditions son frère aîné, dont la nature égoïste la blesse souvent. le coeur à vif, saignant sous les piques fréquentes ou l'indifférence de son frère, toujours compatissante envers les âmes en peine, Maggie grandit sans véritable éducation digne de son nom, comme c'était le cas pour les filles à l'époque. Mais le jour où sa famille est ruinée par l'inconséquence de son père, elle va progressivement s'opposer au froid pragmatisme de son frère qui lutte âprement pour rétablir l'honneur de la famille en remboursant les dettes de son père. Blâmée puis ostracisée par sa famille pour ses choix amoureux, Maggie devient une héroïne tragique dont la vie oscille en permanence entre ombre et lumière, souffrances et renoncement de soi, aspiration d'un idéal.
J'ai particulièrement adoré les pages dédiées à l'enfance de Maggie et Tom. D'une grande puissance évocatrice, elles ont fait résonner en moi le souvenir des disputes enfantines, des punitions et du terrible sentiment d'injustice qui s'ensuivaient, des petits drames entre frère et soeur, qui occultaient l'amour fraternel que l'on se portait enfants mais dont la force et la constance ne se révélèrent qu'une fois adultes. Je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà lu des pages aussi réussies sur l'amour fraternel !
Tout le talent de
George Eliot éclate brillamment dans la profondeur de ses analyses psychologiques, dans sa façon de décortiquer les raisons cachées des attitudes de ses personnages en explorant leurs pensées, leurs contradictions, les entraves qui les contraignent à agir en fonction des attentes de leur milieu familial, du poids de leur éducation et peut-être plus lourd encore en fonction du joug de la société bien pensante mais si peu compatissante.
Je ne m'attendais pas à trouver autant d'humour dans la description des personnages ou de certains tableaux. Ainsi, le conseil de famille, réuni pour décider du sort des Tulliver et de leurs biens, est un morceau d'anthologie qui serait comique si le moment n'était pas si dramatique : mais le partage des nappes damassées et du service à thé par les soeurs de Mme Tulliver est décrit de manière extrêmement humoristique, amenant un peu de légèreté dans cet instant tragique.
Enfin, sa plume est magnifique, et la superbe et fluide traduction d'Alain Jumeau de ce roman réédité par Folio Classiques nous livre des pages toutes plus belles les unes que les autres, qu'il s'agisse des descriptions des paysages qui entourent les rivières de la Floss et de la Ripple, des analyses psychologiques, ou des critiques de la société victorienne mise à mal par la langue acérée et la fine ironie de
George Eliot.
Un livre sublime et profondément marquant !
Challenge plumes féminines 2021
Challenge solidaire 2021
Challenge XIXème siècle 2021
Challenge multi-défis 2021