Les « livres dont vous êtes le héros » ont peuplé mon enfance comme autant de possibilités de lecture divergentes et originales à un âge où le besoin de ludique est particulièrement intense. le temps passant et la forme des « livres dont vous êtes le héros » variant peu, et perdant par là toute leur originalité, j'ai délaissé ce type de lecture pour du sérieux, du lourd et du bien costaud qui appartient exclusivement au monde des adultes (ou presque).
Le bac de philo n'a pas peuplé mon adolescence mais ceci est une autre histoire.
Quoiqu'il en soit, lorsque je suis tombée sur ce livre intitulé le Bac Philo dont vous êtes le héros, mes jambes ont flageolé. L'émotion était trop forte : j'allais enfin retrouver les lectures électrisantes de mon enfance, mâtinées de sauce philo pour les adultes. de quoi s'amuser sous couvert de légitimité intellectuelle.
En fait, je ne me suis pas vraiment amusée… Ce livre est fourbe : il fait croire à son lecteur que celui-ci pourra vraiment choisir le parcours philosophique qui correspond le mieux à ses inclinations et à ses propres valeurs alors qu'en réalité, il le fait tourner en bourrique, lui donnant l'illusion du choix, lorsque toutes les options aboutissent finalement au même résultat. A travers un parcours guidé qui s'étend de la définition de la
philosophie à la question de la morale, en passant par la recherche de la vérité, de la
logique ou de l'organisation politique, chaque lecteur, aussi singulier soit-il dans ses opinions et ses préférences philosophiques, sera contraint de passer par les mêmes étapes et les mêmes bornes. J'aurais dû être plus attentive à cette phrase inscrite sur la couverture du livre : « Réviser en s'amusant ». Pour le coup, la question de l'amusement est remise en question. Pour ce qui est de réviser, en revanche, aucune hésitation n'est possible : le lecteur ne fait rien d'autre. Il révise, révise, révise : les grands courants classiques (rationalisme, empirisme, scepticisme, stoïcisme, nihilisme…), les grands noms (
Aristote,
Platon, Locke,
Schopenhauer, Hume,
Descartes,
Kant,
Spinoza…) et les grandes articulations entre les différentes pensées.
Pas le droit à la contreverse ! Alors que j'aurais aimé découvrir les inflexions du matérialisme en lui opposant mes contradictions puériles de jeune adulte en quête de provocation, on me renvoie à l'écurie en me grondant : « Non, vous avez tort », « L'argument n'est pas recevable ». Après s'être fait remonter les bretelles par le prof, voilà que le bouquin s'y met à son tour, et c'est beaucoup moins rigolo : au moins, les réactions d'un prof sont imprévisibles.
Si vous êtes vraiment nul en philo, peut-être ce livre pourra-t-il vous apprendre quelque chose (au moins à vous rendre compte du manque de diversité des programmes scolaires de
philosophie au lycée), mais à partir du moment où vous commencez à peu près à savoir de qui l'on parle lorsque l'on cite
Karl Marx, ce n'est plus la peine d'espérer vous instruire. Et encore moins vous amuser…
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