Le livre dont je vais vous parler aujourd'hui est un roman qui a marqué toute une génération de lecteurs. Depuis plus de vingt ans j'entends parler en des termes passionnés d'un bouquin, parlant d'un serial killer très particulier puisqu'il s'agit d'un golden boy new-yorkais qui se fond parfaitement dans la masse et assassine en toute impunité. Visiblement ce roman, soit on l'aime, soit on le déteste, et comme je suis friande de cette littérature j'ai voulu tenter l'expérience. C'est pourquoi je vous parle maintenant du célébrissime roman de
Bret Easton Ellis,
American psycho. Et pour ne rien vous cacher, je fais partie de la team de ceux qui sont totalement passés à côté de ce monument littéraire. Je vais tenter d'expliquer pourquoi.
« - Faut-il apporter des fleurs?
- Nooon. Bon Dieu, c'est toi qui la baises, Bateman. Pourquoi devrions-nous apporter des fleurs à Evelyn? Débrouille toi pour avoir la monnaie sur cinquante, dit-il au chauffeur, jetant un coup d'oeil sur les chiffres rouges inscrits au compteur. La vache. C'est les amphés. Désolé d'être aussi nerveux. » p. 16
L'histoire débute au début des années 90, Patrick Bateman a vingt-sept ans, il travaille dans la finance à Manhattan, sort d'une prestigieuse université, habite un immeuble ultra luxueux et ne fréquente que des gens de son milieu. Dans son monde seules les apparences comptent, la marque des vêtements, la situation de son appartement, les lieux à la mode fréquentés servant la meilleure cuisine... le paraître est devenu une raison de vivre pour cette génération de jeunes requins se prenant pour les maîtres du monde. Avec notre recul, nous savons ce qu'il en est advenu une quinzaine d'années après... C'est aussi un milieu de tous les excès, où tout est permis, sexe à outrance pas toujours protégé malgré le sida qui fait des ravages, consommation de drogues et médicaments quasiment à la vue de tous, argent dépensé sans compter pour tout ce qui est tape à l'oeil. Voilà qui provoque d'emblée une forte antipathie de la part du lecteur, c'est le but de l'auteur je pense, puisqu'il dépeint des êtres détestables.
Bateman a donc tout pour être « heureux », mais dans ce monde où tout est consommable, c'est un jeune homme qui développe de grosses angoisses qu'il peine à gérer au quotidien. Il est obnubilé par l'idée de vieillir, par la déchéance corporelle et par le fait de n'être pas reconnu par ses pairs. L'aspect d'une carte de visite qui lui parait plus aboutie que la sienne ou d'un costume plus cher que le sien peut déclencher chez lui une crise de panique qu'il compense par la suite par un accès de rage. Et comme dans son mode de vie c'est no limit… Patrick tue celui qui le dérange, sans même prendre de véritables précautions pour s'en cacher. Personne n'est à l'abri de sa fureur, SDF, prostituées, mais aussi collègues de travail ou relations amoureuses. Mais il y a la disparition de trop et une enquête va finir par mener jusqu'à lui, ce qui va lui pointer du doigt une certaine vulnérabilité et lui faire perdre le contrôle qu'il croit détenir sur tout.
« Il est un peu plus de six heures. Hamlin porte un costume Lubiam, une superbe chemise Burberry's de coton rayé à col ouvert, une cravate de soie Resikeio, et une ceinture
Ralph Lauren, Reeves porte un costume croisé à six boutons, Christian Dior, une cravate Clairborne en soie imprimée… » p. 121
Ce roman de
Bret Easton Ellis tient autant de la satyre sociale que du roman noir, c'est ce qui a émoussé mon intérêt pour ce texte et très rapidement. L'auteur décrit longuement l'univers de Bateman, dans les moindres détails, et ce qui va toucher au génie pour certains m'a très vite lassée et m'a fait abandonner ma lecture peu après la page 200 de ce livre qui en compte plus de 500. Dès les premières scènes, tout est passé en revue, les vêtements des personnages dans leur intégralité, le menu de chaque restaurant, le décor de chaque pièce, le prix des différents costumes ou objets, le parcours universitaire de chacun. Et je me suis vite ennuyée jusqu'à arriver à un point de non retour. Même si le côté sombre de Bateman est suggéré rapidement dans le roman, il faut attendre près de deux cent pages pour son premier passage à l'acte et ce n'est pas pour autant le début de l'action puisque nous voilà aussitôt repartis vers des passages descriptifs. Cinq pages sur l'histoire du groupe Genesis ont contribué à mon désarroi, même si au demeurant je peux trouver le sujet intéressant.
Quand j'ai évoqué ma lassitude avec certaines personnes, il m'a été répondu que ce roman correspondait à une époque, c'est tout à fait vrai, on retrouve l'ambiance encore légère des années 90. du moins dans un certain milieu qui côtoie pour autant une grande détresse sans en avoir la plus petite conscience. Au contraire, la misère est une verrue qui dérange. En ça je suis d'accord, c'est le roman de la décadence totale, du libéralisme, de la consommation. Les personnages sont totalement antipathiques, je pense que ça m'a apporté une difficulté de lecture supplémentaire puisqu'il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.
« Je tend le bras et touche doucement son visage, plein de compassion, murmurant : « Vous vous rendez compte à quel point vous êtes un looser? » Il se met à hocher la tête, impuissant, et je sors un couteau-scie, long et effilé, et, prenant bien soin de ne pas le tuer, j'enfonce la lame… » p. 178
Ceci dit, les quelques scènes plus punchy que j'ai pu lire sont d'une grande violence, le passage à l'acte de Patrick, sa compulsion dans le meurtre et son sentiment de toute puissance extrême bien racontés. Donc je peux comprendre l'engouement suscité par ce livre qui a été écrit il y a maintenant 28 ans. En effet, le lecteur qui apprécie peut quelque part s'attacher à un anti-héros complètement maniaque et compulsif. Ça me rappelle un autre tueur en série mais que j'aimais bien car il avait une âme de justicier qui le rendait sympathique, ce qui ici est bien loin d'être le cas.
Après cet abandon, je me suis dit que j'allais voir le film tourné neuf ans après la sortie du livre. Il est bien réalisé, fidèle à ce que j'ai lu, descriptions en moins. Toutefois juste après la lecture on s'attache aux plans filmés qui mettent bien l'accent sur des détails connus du lecteur. La bande son est également très fidèle à celle suggérée tout au long du livre et très importante pour Bateman qui vit avec son casque audio vissé sur les oreilles. Disons qu'il m'a permis d'aller plus ou moins au bout de l'histoire (j'avais quand même lu les derniers chapitres car je sais que je n'y reviendrai pas).
Voilà pour cette chronique d'abandon, bien sur je suis déçue car j'ai attendu longtemps avant de lire ce roman. Malgré tout je pense avoir saisi le but de l'auteur même si je n'ai pas adhéré à son oeuvre et je salue son talent pour dépeindre un décor dans son intégralité et coller à l'ambiance subtile d'une époque.
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