Joseph est un enfant meurtri. D'abord son père qui disparait alors qu'il n'a que dix ans. La mort est passée, c'est sûr, il l'a sentie venir, a vu son souffle, a entendu ses pas. Son père, son modèle, son exemple est un ange, il n'y a aucun doute. Ce père qui ne l'aura pas accompagné dans sa vie au moment où il en avait le plus besoin, ce père emporté par une mauvaise fièvre sera le détonateur de son errance, errance intérieure, psychologique, spirituelle. Elle le hantera sans rémission.
Et tout s'accélère dans le comté, des petites filles tuées et violées par la folie des grands, des adultes. Qui peut faire subir de tels outrages à une petite fille, un ange ? Un dément. Un démon !
Puis l'accélération continue avec la guerre en Europe et aussi l'attaque japonaise de Pearl Harbour, les boys qui partent combattre, qui les forces de l'axe en Europe, les autres dans le Pacifique.
La haine ordinaire pour ceux qui sont d'origine des pays où sévissent les forces du mal, on ne réfléchit plus, on frappe, on brûle, où sont passés les anges ?
La meurtrissure continue, elle s'attaque à sa propre chair, dans ses entrailles, Joseph est maudit, tout ce qu'il touche s'enfuit à tire d'ailes comme les anges, seule une plume virevolte et se pose délicatement dans le tréfond de son esprit.
Les sales meurtres se perpétuent, les anges gardiens sont là mais pas au bon moment, ils se parjurent, échouent dans leur mission. Mea culpa ! le sac s'alourdit ! Pose le Joseph ! Non, que je sois hanté, je trouverai. le panthéon augmente, la tête va exploser bientôt, d'autres s'en chargeront et dans son accablement il ne restera plus rien de vivace, l'esprit est mort et qu'importe les hommes et leur justice de basse-cour, qu'ils aillent au diable ! Il y a-t-il, seulement, encore un coin pour les anges dans cet esprit malmené ? il restera la plume de Némésis qui, seule, permettra au gamin devenu homme d'avancer. Alors sans plus rien qu'un roman écrit à l'ombre de la justice, d'autres l'aideront pour qu'enfin, sa quête aboutisse, sans oubli, sans tremblement avec la détermination de celui qui ne doit plus rien à personne et n'a plus rien à perdre.
Ellory a écrit un livre remarquable dans un contexte difficile, avec rigueur et, aussi, poésie, cette poésie de tragédie antique. Pas besoin de rimes pour entendre chanter la musique de la prosodie, du rythme des mots, de l'enchantement et la richesse de la syntaxe. La redondance amène une intensité supérieure à l'intrigue et
Ellory avance, avec sa plume, dans son écriture, au fil du temps et des années prises par son récit et ses protagonistes. Certains ont vu des longueurs dans le récit, c'est bien normal, nous sommes dans le sud et la torpeur, la chaleur qui mouillent la chemise au moindre geste, ne peuvent qu'amener le récit à suivre le cours de la rivière tortueuse et langoureuse comme un vieux blues. Je n'ai pas ressenti la moindre gêne dans l'histoire et, bien au contraire,
Ellory se hisse à hauteur des plus grands romanciers noirs de son temps, de notre temps, allant au delà des mots de Capote et d'
Ellroy. La puissance d'un récit n'est pas toujours associée à un uppercut au menton mais également dans la solitude de celui qui tourne en rond dans sa tête, cherchant un but à cette existence pourrie dont les anges l'ont affublé.
Un grand bonheur...
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