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Le Quatuor de Los Angeles tome 3 sur 4
EAN : 9782743602680
598 pages
Payot et Rivages (14/10/1997)
4.27/5   942 notes
Résumé :
Trois flics dans le Los Angeles des années cinquante... Ed Exley veut la gloire. Hanté par la réussite de son "incorruptible" de père, il est prêt à payer n'importe quel prix pour parvenir à l'éclipser. Bud White a vu son père tuer sa mère. Aujourd'hui, il est devenu un bloc de fureur, une bombe à retardement portant un insigne. "Poubelle" Jack Vincennes terrorise les stars de cinéma pour le compte d'un magazine à scandales. Un secret enfoui dans sa mémoire le ronge... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (41) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai lu ce livre il y a une bonne dizaine d'années. À l'époque, plutôt amatrice de littérature " classique " (Qu'est-ce que ça veut dire classique ?), je n'avais jamais réellement franchi le pas de la lecture d'un vrai polar avant de m'attaquer à L. A. Confidential.

Je vais essayer de vous retranscrire mes impressions d'alors à la découverte du livre. Mes amis m'avaient particulièrement recommandé cet opus d'Ellroy ; j'avais vu le film que j'avais vraiment bien aimé, j'avais lu quelques fragments de la biographie de l'auteur qui m'avaient accrochés.

Je me suis donc laissée tenter par ce roman policier noir et y ai découvert un style littéraire à part. A priori, cela ne fait pas très écrit, cela ressemble davantage à un scénario de film qu'à une oeuvre littéraire (trait que j'ai retrouvé plus tard chez Dennis Lehane, par exemple). C'est un peu dérangeant au départ pour les gens comme moi, mais l'on s'y fait très vite.

Le parti pris par l'auteur d'utiliser les termes techniques en vigueur dans la police de Los Angeles à cette époque (années 1950) est parfois un peu ennuyeux, mais donne une certaine authenticité pour ne pas dire une authenticité certaine. On peut même considérer que c'est une sorte de marque de fabrique.

L'histoire (au sens de l'intrigue) est un magnifique édifice composite, un peu comme un château de cartes dont la base serait très, très large. Au début, il faut un peu s'accrocher avec les dizaines de noms à consonance anglo-saxonne qui finissent par tous se ressembler, mais (vous noterez que pour l'instant je suis restée dans un type de ressenti qu'on qualifierait de négatif alors que tel n'est pas mon intention) l'histoire prend peu à peu une ampleur grandiose. (Vous noterez maintenant que là, j'ai écrit " grandiose ", ce qui n'est pas si fréquent sous ma plume ; ceci remboursant largement cela.)

L'intrigue est réellement captivante. On essuie les mêmes frustrations que les enquêteurs dans les fausses pistes ou les bons tuyaux qui ne se rejoignent pas. Au fur et à mesure que l'on s'élève dans les étages du château de cartes, la vitesse semble s'accélérer et l'on oublie le style loin de la littérature ordinaire.

Ce fut, et j'insiste sur ce point, un réel bonheur à la lecture. Je pense qu'il est vain et mal à-propos d'essayer de parler de l'intrigue pour ce type d'ouvrage où tout est dans l'intrigue. Sachez seulement que le livre est une telle cathédrale que le film a forcément fait des coupes franches aussi bien dans le scénario que dans les personnages (j'ai revisionné le film par la suite qui m'a paru simplet alors que je l'avais trouvé bien bâti et complexe la première fois).

On signalera peut être simplement le schéma de base, trois enquêteurs talentueux à leur façon : initialement Vincennes réputé, White dans la moyenne et Exley débutant. Leurs destinées de carrière vont toutes se croiser : la descente aux enfers de Vincennes, l'ascension lente de White et la fulgurance d'Exley.

En tout cas, un polar qui m'a donné envie d'en lire d'autres (bien que je ne m'y tienne guère, toujours magnétiquement happée par les classiques) et un livre que l'on pourrait qualifier de valeur sûre (bien que cela ait peu de sens eu égard à la diversité des lecteurs et de leurs attentes) et un grand merci à James Ellroy pour ce beau moment de découverte littéraire. Ceci dit, tout cela n'est que mon avis de néophyte en la matière, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Adolescente, je lisais toutes les enquêtes d'Hercule Poirot pour perfectionner ma culture british et belge. Durant mes vacances chez les grands-parents, je faisais la rencontre d'un commissaire -presque belge- affectionnant plus de fumer sa pipe que de lustrer sa moustache. Peu après, j'ai cru frissonner en lisant des enquêtes chamallows sur des jeunes femmes aimant danser, en me promettant de ne plus jamais aller me promener seule dans les bois. L'ado que j'étais alors n'avait pas lu l'essai de Bettelheim sur les contes de fées et croyait encore à ces ridicules histoires d'amour qui finissent bien. Pour en arriver là, j'avais pêché par ignorance et duperie : je croyais naïvement que la quantité (le nombre de ventes) était preuve de qualité. J'avais quand même fini par en sortir découvrant un autre monde où se côtoyaient un clown bizarre, un chien moins câlin que Dagobert, sans parler du gardien qui manquait d'humour dans l'hôtel où j'ai passé l'hiver, bloquée sous la neige … Mais ça, « c'était avant »…
C'était avant mes vingt et quelques années ET ma rencontre avec le grand James. le sombre et torturé James Ellroy, obsédé par la mort de sa mère alors qu'il avait dix ans (on le serait à moins). Un ami m'avait mise dans les mains le roman « le Dahlia noir » (dans lequel résonnait la mort sordide de sa mère). En quelques jours de lecture, j'étais déjà hypnotisée par le style de cet écrivain. Et je peux véritablement parler d'un raz-de-marée au niveau de mon cortex cérébral. Un uppercut littéraire.
Ma perception des romans policiers ou romans noirs n'a plus jamais été pareille. Et comme je peux être obsessionnelle aussi (en plus soft l'obsession s'entend : je suis une petite joueuse en comparaison aux personnages d'Ellroy et à Ellroy lui-même avec ses années de drogue, d'alcool et de délits et face à son imagination débordante), j'enchainais coup sur coup un bon nombre de ses romans. Je manquais rarement la sortie du nouvel opus mordant du Dog ni une de ses interviews. J'allais jusqu'à me plonger dans « Ma part d'ombre » et l'enquête sur la mort de sa mère par Steve Hodel (c'est dire). Sûrement cherchais-je à sonder son âme, le personnage et l'homme qu'il était, pour mieux comprendre et analyser son oeuvre.
J'étais remuée par sa plume et ses scénarios, par le rythme qu'il nous infligeait à chaque page, sa capacité à nous immerger au coeur de l'histoire (petite et grande). J'étais avant tout impressionnée par son intelligence, son regard pessimiste et acerbe sur la nature humaine, ses humeurs sans concession.
Par sa connaissance aiguisée des arcanes du pouvoir, de l'histoire politique des Etats-Unis avec tout ce que cela entend (mafia, secret d'Etat, complots, magouilles & cie…), des attitudes des flics et de l'argot des rues (de tous les quartiers et origines), on se retrouvait en plein coeur des Etats-Unis, entre les années 40 à 70, spectateur ébahi à suivre les protagonistes, avec quelques coups de chaud et autant de sueurs froides. On suivait une kyrielle de personnages aux caractères divers : les pourris, les obsessionnels, les déviants, les idéalistes, les écorchés. En un mot, toutes les nuances de gris et de noir de l'âme humaine.
Mazette, chez lui, les personnages ne se contentaient pas de danser et de sursauter au cri du renard. Ils étaient des hommes avec leur quête obsessionnelle, leur courage, leurs valeurs, leur désir, leur vulnérabilité, leurs faiblesses, leur violence presque animale. L'oeil d'Ellroy perçait à jour le coeur des hommes et j'étais autant hypnotisée qu'effrayée par cet univers que je découvrais… Mais, je ne sais pourquoi -peut-être par empathie pour l'enfant qui avait perdu sa mère (et plus tard son père)-, je sentais aussi en lui, par de petites touches ici ou là, une certaine fragilité, son amour pour les femmes, sa curiosité pour les hommes de tout milieu…
J'avoue que certaines de ses histoires étaient un peu trop glauques et perturbantes. Je n'ai pas pu finir « Un tueur sur la route ». Certes curieuse, ce n'est pas pour autant que je souhaite entrer avec autant d'intimité dans le cerveau d'un tueur en série. J'ai mes limites à ouvrir les yeux sur le mal – je ne suis toujours pas fan du gore ni de la violence ‘'gratuite''…
Je ne peux donc prétendre que tous ses romans sont du même niveau et que j'éprouve le même degré de fascination pour chacun d'eux. Question de feeling. Certains sont parfois « trop ». Trop de tout : il faut s'accrocher avec le nombre de pages, cette multitude de personnages à ne plus savoir où donner de la tête, la complexité des intrigues et entremêlements politiques, sans parler de ces réflexions extrêmes qui choquent, où on frise l'overdose. Je me permets de le dire : parfois James m'agace et me lasse. Et j'ai alors besoin de retrouver un peu d'air et de lumière et surtout mon utopie naïve en la nature humaine.
« L.A Confidential » et « le Dhalia noir » sont sans conteste mes préférés parmi les romans d'Ellroy, si ce n'est des romans noirs/policiers, tout auteur confondu. Et si bien sûr l'histoire d'amour contrariée dans « L.A Confidential » séduit la lectrice anciennement naïve, c'est avant tout l'ampleur de ce roman policier qui magnétise : histoire, politique, psychologie, intrigue labyrinthique, profil consistant des personnages, particulièrement des 3 fameux flics Ed, Bud et Jack… On plonge dans l'histoire dans laquelle il nous est impossible d'en ressortir indemne. Lâchons le mot : L.A. Confidential est pour moi un chef-d'oeuvre du genre, la quintessence du roman noir.
Possible que, sans la mort atroce de sa mère, Ellroy ne serait pas devenu l'écrivain qu'il est, avec ses expériences extrêmes, son regard critique et désenchanté sur la société et les hommes. Possible que sans cette souffrance et ces obsessions, il n'aurait pas creusé aussi profondément dans la part d'ombre qui est en nous.
Je crois que depuis James, je ne peux plus lire de romans noirs/romans policiers, sans attendre une profondeur des personnages, aux traits précis, un humour noir qui fait mouche, une plume implacable, un style percutant qui vous embarque, tellement efficace qu'il pénètre l'esprit, sans oublier cette ambiance moite qui colle à la peau…
Parler de « finesse » pour décrire les romans d'Ellroy peut sembler de prime abord antinomique. le Dog tranche souvent dans le vif, son jugement est lapidaire, il attrape sa proie sans jamais la lâcher, pour en faire une radiographie détaillée jusqu'à l'os. Et c'est justement sa précision, l'envergure de ses personnages, ses connaissances du terrain qui me font penser qu'il est souvent plus ‘'subtil'' que bon nombre de romanciers d'histoires plus édulcorées, manquant de souffle, même s'ils sont étiquetés auteurs de « thriller ».
Depuis Ellroy, j'ai découvert d'autres écrivains du noir. Si Ellroy a été pendant des années à la recherche du meurtrier de sa mère, de mon côté, pendant des années, j'ai été à la recherche d'un roman noir qui aurait la même puissance que « L.A. Confidential » et « le Dhalia noir ».
Et j'en ai lu, des softs, des bof, des doux, des sans-remous, des vibrants, des plaisants, des grisants. J'en ai visité des villes aux quatre coins du globe, entre hiver glacial et été brûlant, j'ai découvert quelques pépites dans des rivières sanglantes (Connelly, Westlake, Lehane, Thompson, Burke, Boileau-Narcerjac, Conan Doyle, Harvey, Mankell, Jonquet, Vargas et quelques plus récents Bouysse, Férey, LeCorre, Norek, et j'en passe et des meilleurs -ou moins bons...). Je me rappelle avoir été chamboulée à la même époque que mes premiers Ellroy par « Les racines du mal » de M.G. Dantec. Mais sûrement devrais-je le relire, maintenant que ma palette d'auteurs noirs est plus large et mon oeil un peu plus aguerri.
Avec l'âge, après moult déceptions, peut-être me suis-je lassée de cette quête éperdue et je suis devenue plus une lectrice –plus sage- de la littérature blanche, ne retrouvant plus autant ce frisson nerveusement cérébral. La blanche m'offre une psychologie des personnages qui me sied mieux, un travail littéraire, parfois sociologique, qui émerveille plus souvent mon petit esprit curieux et amoureux des mots.
De fait, je connais beaucoup moins les auteurs policiers actuels qui font le buzz. Il m'arrive de me laisser tenter et de vouloir renouer avec les émois de mes vingt ans. Mais après quelques pages, il n'est pas rare que je me dise que ce n'est pas parce que le lecteur est immergé dans le noir qu'il n'est pas en mesure de distinguer les plumes trop basiques et à l'encre bon marché. J'ai parfois quelques appréhensions avec les « thrillers » où l'hémoglobine à outrance est plus un cache-misère, dissimulant mal le trou béant en matière stylistique (encore une fois le côté film d'horreur n'est pas ma tasse de thé en littérature). Mais, ça, c'est un peu la faute de James.
Au final, de toutes mes lectures noires, je crois qu'aucune d'entre elles ne m'a jamais autant impressionnée, pour ne pas dire envoûtée que les romans de James Ellroy. Parce qu'il est déjà en soi tout un personnage… Un personnage à multiples facettes qui s'insère dans ses romans. Alors, malgré ses dérapages, ses débordements, ses quelques ‘'longueurs monotones', Ellroy reste pour moi l'une des références en matière de polars. L'un des plus grands...
Une oeuvre qui marque, qui donne le tournis incontestablement. Une oeuvre qui a même changé la lectrice lambda naïve que j'étais. Naïve je l'étais. Mais ça, c'était avant. Avant James Ellroy.
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Chasse à l'homme dans un motel abandonné des environs de Los Angeles. de la viande froide dans les cuisines d'un restaurant nommé le Hibou de nuit. Un recueil de photos à mi-chemin entre le porno et l'horreur. Trois affaires mises sous le nez du lecteur pour l'inviter dans cette L.A. confidential, cette Los Angeles secrète dont on devine déjà, si l'on a lu auparavant les deux premiers tomes du quatuor de Los Angeles - avec le dahlia noir et le grand nulle part - la fâcheuse tendance au sordide. Pour l'accompagner, Ellroy met à sa disposition trois cicérones : Edmund J. Exley, Wendell "Bud" White et Jack "la Poubelle" Vincennes, dont les caractères et les ambitions sont aussi dissemblables que le sont South Central et Beverly Hills. le lecteur peut prendre son temps : de 1951 à 1958, il s'apprête à traverser presque une décennie entière et presque sept cents pages pour connaître la vérité sur ces trois affaires. le moins que l'on puisse dire, c'est que derrière la façade brillante du rêve californien, la métropole angelinos démontre une capacité phénoménale à briser hommes, femmes et principes moraux. Ne rêvez pas, écrit Ellroy, c'est Los Angeles ici, que nul ne connaît vraiment bien, même ses enfants, même ceux qui, pourtant bien placés du haut de leur statut social enviable, voient s'agiter en bas une populace au moins aussi dégueulasse que ceux qui s'en disent les notables. Avec le rêve californien, c'est le rêve américain qui en prend un coup, et il n'y aura pas assez de Dream-a-Dreamland, ce parc d'attraction formidable construit par Ray Dieterling et Preston Exley, pour cacher la misère. L'histoire commence, donc, à la Noël 1951.

Policiers blessés, Latinos embarqués : la fil de l'année 1951 a tout pour mal se conclure. Profitant de leur nombre, et de ce que les Latinos sont enfermés dans leurs cellules, les policiers, avinés par quelque alcool qui n'aurait jamais dû franchir la porte du commissariat, se mettent à tabasser les prisonniers. Un jeune flic témoigne contre ses collègues pour permettre au chef Parker de soulager l'opinion publique : c'est Ed Exley, héros de guerre - mais un héros de pacotille - et fils de l'ancien flic Preston Exley, devenu entrepreneur à succès. Exley eut aussi un frère, Thomas, fierté de la famille, mais désormais mort : figure à dépasser aux yeux du père. Exley s'attire les foudres de ses collègues, mais gagne une promotion, et son talent d'enquêteur fait le reste. Dans son collimateur, et pour régler une fois pour toutes cette Noël sanglant 1951, Exley fait surveiller puis arrêter, et enfin condamner à mort, Dick Stensland, grand ami de Bud White. White aussi a un passé difficile. Sa mère est morte sous les coups de son père, alors White secoue sans tendresse les bonshommes qui aiment à corriger leurs épouses. White est repéré par Dudley Smith, grande figure du LAPD, grand meneur hommes aussi, entouré d'une équipe visiblement prête à tout pour son chef. Pour compléter la Trinité, ajoutons Jack Vincennes, dit la Poubelle, fournisseur à l'occasion d'informations au profit du torchon L'Indiscret de Sid Hudgens, héros de L'insigne du courage, sorte de reportage-télé-réalité qui met en valeur la police, et aussi assassin d'un couple innocent - ça, c'est son secret - en 1947. Vincennes commence à travailler sur une affaire de photos pornographiques dont les acteurs, hélas, restent par lui introuvables. Survient alors l'affaire du Hibou de nuit, en avril 1953. Six personnes sont retrouvées mortes : trois serveuses, et trois autres personnages dont on saura bien plus tard qu'il s'agit d'un ancien flic de l'entourage de Dudley Smith, une jeune femme de San Bernardino et le sosie d'une sorte de demi-voyou, appelé Duke Cathcart. Trois jeunes Noirs sont bientôt arrêtés et, à la faveur de leur évasion, sont abattus par Ed Exley. Entre temps, celui-ci a fait la connaissance d'Inez Soto, victime de viol par ces trois hommes, à laquelle Exley va s'attacher. Démarre alors un triangle amoureux auquel s'associe Bud White. 1953 se clôt ainsi : le Hibou de nuit est classé, Sid Hudgens a été assassiné, son corps découpé, et Vincennes n'a pas trouvé la source du trafic porno. L'affaire reprend en 1957, à la faveur de nouveaux témoignages. Pour sauver sa réputation et sa carrière, Exley plonge à nouveau dans ce dossier sanglant. Rejaillissent alors toutes les affaires, les résolues et les irrésolues : les photos pornographiques et gores, l'affaire Atherton sur laquelle avait planché Preston Exley, le meurtre de Kathy Janeway qui a obsédé White, tout ça sur fond de marché de la drogue sur lequel de mystérieux individus tentent de faire main basse depuis l'incarcération de Mickey Cohen. Alors, malgré les inimitiés, les jalousies, les dossiers du passé, Exley, White et Vincennes devront unir leurs forces pour, enfin, rendre à L.A. et à toutes ses victimes une "absolue justice".

Polar, roman historique, L.A. Confidential est aussi un roman profondément moral. Ce que laisse voir Ellroy de cette Los Angeles qui, on peut le penser, n'a guère changé depuis les années 1950, c'est d'abord la couche de vernis brillant qui attire tant. Les stars hollywoodiennes font fantasmer à tel point que Pratchett qu'il fait passer les femmes qu'il prostitue sous le bistouri d'un célèbre chirurgien de la ville. Lynn Bracken, alias Veronica Lane, permet ainsi de faciliter les affaires de Pratchett et, le cas échéant, de lui permettre de disposer de dossiers compromettants contre certaines figures locales. le vernis, ce sont aussi les histoires de succès, celle de Preston Exley, bâtisseur en chef du sud californien, lui qui construit un parc d'attraction puis un réseau autoroutier. le vernis, ce sont enfin les histoires de démocratie - Ellis Loew élu à la régulière procureur de la ville, alors qu'il doit son élection à un grossier traquenard sexuel tendu à son adversaire -, les histoires de justice - l'ultime discours de Dudley Smith est d'une effrayante hypocrisie - que véhicule une certaine société, blanche et socialement dominante. L'héroïsme, aussi, fait partie de ce vernis qui semble si attrayant. Héroïques, les descentes de police dans les quartiers difficiles de Los Angeles, quand la réalité montre des méthodes brutales pour lesquelles les vies des personnes Noires valent moins que tout avancement dans la carrière. Héroïque, Preston Exley, dont les brillants faits d'armes ont rejailli sur ses collègues et sur son fils, avant que l'on apprenne que sa grande enquête ne fut pas réellement résolue. Héroïque son fils, Ed Exley, tueur de Japonais lors de la guerre - lui seul sait que la peur lui inspira l'abominable mise en scène responsable de sa distinction - et défenseur de la femme violée, alors que Exley est tout simplement coupable de meurtre. Pourtant, nous montre Ellroy, il reste bien quelque chose de ces principes que la cité des Anges, pensait-on, avait foulé aux pieds. C'est bien de la justice qu'Ed Exley se réclame lorsqu'il reprend l'affaire du Hibou de nuit et qu'il se montre déterminé à dénicher la vérité, y compris à son propre détriment. C'est aussi au nom de la justice, celle due à Kathy Janeway et à toutes les jeunes prostituées massacrées sur le même modus operandi, que Bud White dirige son action. Quant à l'héroïsme, sans doute les trois personnages principaux en font-ils preuve, y compris Jack Vincennes qui tâche de sauver son couple et finalement trouve la rédemption dans l'ultime action du roman. Héros finalement par loyauté : à qui la doivent-ils ? Aux aînés et aux chefs à qui ils doivent leur carrière, leur fortune ? Mais Preston est au mieux un naïf, au pire un menteur. Quant à Dudley Smith, il est irrémédiablement un pourri. Alors loyauté aux victimes, et notamment aux femmes : victimes du Hibou de Nuit, à Inez Soto, victime de viol, victimes du tueur fou qui abat les prostituées de ses poings bagués.

D'une certaine manière, L.A. Confidential se fait, par effet miroir, un roman féminin. Evidemment, aucun personnage féminin n'est érigée par James Ellroy au rang de personnage principal de son roman. Les femmes de cette Los Angeles ne sont en rien responsables de l'action de la police et de la justice ; cependant, leur rôle n'en est pas moins important, moteur même, dans l'action du roman. Elles sont le reflet, et hélas les réceptrices, de la violence des hommes. Femmes désirées et photographiées, elles sont aussi vendues, violées, battues voire tuées. le corps des femmes est celui où s'exerce la misérable violence des hommes, incapables de réfréner leurs instincts, qu'ils soient sexuels ou de puissance physique. Ces corps traités comme de la marchandise, comme les jouets d'une volonté masculine qui n'écoute qu'elle-même, disent beaucoup de la société - de la civilisation - dont ils sont issus. Sous le vernis brillant d'une Los Angeles des strass et des stars, on permet les pires traitements, on inflige les pires sévices aux femmes. Vendues et échangées comme des marchandises les jeunes femmes prostituées de Pratchett ou de Cathcart. Mis en scènes de façon pornographique ou horrifique le corps de Lynn Bracken, qui n'est plus humain, mais appât pour qu'un objectif argentique capture le vice masculin et s'en serve comme moyen de chantage. Violée toute une nuit durant, Inez Soto, avant que les journaux ne livrent en pâture son nom à une population avide de faits divers. Battue à mort la petite Kathy Janeway, dont l'adolescence n'aurait jamais dû permettre qu'elle vive dans des motels pourris où allaient la rencontrer la lubricité masculine et enfin la mort. Pourtant, même dans ces positions de victimes, ces femmes constituent bien le moteur de la narration. Vincennes est sur la piste de ces photos pornographiques qui semblent le dégoûter, White entend la voix de la Kathy Janeway qui lui intime d'agir pour la venger, pour lui rendre justice. Et, bien-sûr, il y a Inez Soto, au corps outragé, qui crie vengeance et réclame la mort pour ses tortionnaires. Inez Soto, qui parvient à dépasser sa condition de victime, et se hisse, par ses relations, par l'effet qu'elle produit auprès des hommes - en tant que femme doublement intouchable, parce qu'elle a été violée, parce qu'elle est d'origine latino - au plus près du pouvoir : celui de la police d'Ed Exley, celui de l'argent de Preston Exley et de Ray Dieterling. Cette place narrative centrale qu'occupent les femmes dans le roman d'Ellroy a sans doute à voir avec le propre traumatisme que connut, enfant, l'auteur. Fils d'une femme assassinée, obsédé par cette mort qui ne fut jamais résolue, Ellroy rend ainsi Bud White proche de lui, en ce que ce dernier cherche, par les moyens physiques les plus brutaux, à rendre justice aux femmes qui subissent le courroux des hommes. C'est cela qui le rend attirant, aux yeux d'Inez Soto (et contrairement à Ed Exley qui use de la loi comme seule arme), et c'est cette dichotomie entre l'expression de la violence et la volonté de justice qui en fait l'un des personnages emblématiques de l'oeuvre. Car Bud White, comme Ellroy, demeure marqué par le meurtre de sa mère et obsédé, dans une plus large mesure, par les violences faites aux femmes. Pendant bestial d'un Ellroy qui a converti sa rage et sa culpabilité en un talent d'écrivain pour réconforter sa fantôme de mère, White, lui, cogne les cogneurs et veut offrir aux Kathy Janeway la vérité de leurs derniers instants. Sa violence physique a quelque chose de réconfortant, car c'est une violence vengeresse, légitime quoique illégale. D'une façon ou d'une autre, ce sont les femmes qui font se mouvoir les hommes, lesquels, malgré toute l'apparence de la force, apparaissent désespérément faibles.

C'est cette faiblesse morale généralisée que tend à montrer le roman. Symbole du vice, la ville de Los Angeles est personnalisée à travers mille visages qui, tous, tendent le même miroir au lecteur : celui de la bassesse, de l'avilissement. Los Angeles est une ville sale, une sorte d'enfer au bord de l'océan, où tous les vices humains se rencontrent. La violence est le premier d'entre eux, et on la rencontre sous toutes ses formes : physiques, évidemment (celle des meurtres ou des viols, mais aussi celle des interrogatoires ou des passages à tabac infligés par la police, et notamment par Bud White), mais aussi morale (le voyeurisme de l'Insigne du courage) ou encore institutionnelle (ainsi le Noël sanglant, ou même l'exécution de Dick Stensland). Surgissent aussi le racisme - n'entend-on pas Dudley Smith et d'autres policiers désigner une partie de la ville comme "Nègreville" ? -, le mensonge (qui permet l'élection d'Ellis Loew), la trahison (Davey Goldman, le petit comptable, qui trahit le boss, Mickey Cohen ; Bud White qui finit par trahir Dudley Smith ; Ed Exley qui, à sa manière, trahit ses collègues dans l'affaire du Noël sanglant ; Dudley Smith, qui trahit l'insigne et la ville ...), le copinage, les jeux de pouvoir. Suivent aussi l'ambition qui dévore tout et ne laisse pas même la moindre dignité (à nouveau : l'élection d'Ellis Loew). Ellroy insère pléthores de petits personnages dans son récit, comme autant de facettes que possède la Cité des Anges, misérables en tout genre (Dick Stensland après son limogeage de la police, les Noirs de la ville qui vivent dans une précarité économique et sociale effarante, Sid Hudgens qui croit pouvoir sauver sa vie grâce aux dossiers qu'il détient sur chacun des personnages importants de la ville ...), ambitieux, père-la-morale (Preston Exley), fouilleurs de fange ... La Los Angeles des années 1950, celle de la fin du premier âge d'or d'Hollywood, n'a probablement pas grand-chose à envier à la mégapole actuelle. Pour la décrire, pour y faire évoluer ses personnages, James Ellroy use d'un style bien reconnaissable et d'une profusion de détails, de personnages et d'événements parmi lesquels il faut faire le tri, comme dans une enquête de police avec moult indices, comme dans la tête de l'un de ses personnages, avec moult pistes. Tranchant avec cela, les dialogues sont ciselés, vivants, demeurant dans l'action présente seulement. A la narration classique, Ellroy ajoute de fausses coupures de presse, qui servent tant d'ellipses temporelles que d'encarts narratifs décalés, qui proposent au lecteur une version sinon alternative des événements, du moins complémentaire au lecteur. Celui-ci pourra alors s'approcher d'une vérité que ne lui dévoilera Ellroy qu'à l'extrême fin du roman, telle une confidence enfin révélée.
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Du très noir, du beau, du bon polar.

La police est une "force publique instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée". Moui.

Voilà une définition à laquelle Ellroy souscrit certainement. Mais quand il se penche sur la police de Los Angeles des années 50, le constat est tout autre: c'est le bastion de la corruption, de la violence et du racisme.

Dans ce jus de haine, Ellroy brode un scénario complexe autour de deux affaires ayant réellement existées: 'Le Noël sanglant" et l'affaire du "Hibou de nuit". le développement de ces deux faits ne montre aucun aspect valorisant du LAPD.

Les rivalités entre policiers sont homériques. Dudley Smith, l'Irlandais joyeux, est le diable. Ed Exley est l'ambition et la droiture même. Jack Vincennes est paumé et Bud White est une brute. Et se tirer dans les pattes n'est pas seulement du langage figuré entre ces quatre-là.

Si , dans ce monde de vices certains peuvent trouver la rédemption, il faudra s'armer d'un peu de patience, car cela n'arrive vraiment que vers la fin.

Le troisième de la tétralogie a inspiré le cinéma et c'est une réussite, puisque qu'invariablement on colle les personnages du film à ceux du livre.

Le style d'Ellroy fait des merveilles, de l'argot qui tache et des phrases qui claquent. le rythme de ce roman m'a semblé palpitant malgré le malaise qui se dégage de cet ensemble.
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J'ai finalement découvert Ellroy par le biais de L.A. Confidential... ou plus précisément de l'adaptation cinématographique du livre. J'en garde un souvenir plutôt désagréable. Je regardais beaucoup de films à l'époque et j'avais eu du mal à entrer dans l'intrigue touffue, alors que j'apprécie particulièrement Kevin Spacey en tant qu'acteur. Il m'était resté une impression de complexité inutile qui m'avait ennuyé à la longue.

Je replonge aujourd'hui dans le livre après avoir dévoré la trilogie Underworld USA, la trilogie Lloyd Hopkins ainsi que le Dahlia Noir et le grand nulle part, les deux premiers tomes du quatuor de Los Angeles. Je me suis habitué au style Ellroy, à sa complexité permettant de rendre au mieux une réalité pourtant en bonne partie fictionnelle. le maître reste fidèle ici à son style mélangeant les coupures de journaux, les rapports d'enquête avec un récit chirurgical des investigations et des états d'âme de ses personnages.Ce récit a ceci de particulier qu'il a pour cadre exclusif la police de Los Angeles au travers de trois de ses membres, représentatifs de plusieurs modèles de policiers, du dur à cuire au fils à papa propre sur lui, en passant par le flic un peu ripoux et profitant des enveloppes de la presse à scandale avec laquelle il collabore.

Le récit est bien sûr l'occasion de rencontrer aussi les différentes composantes des bas-fonds de la société: grand bandits et petits truands, call girls de luxe et starlettes ratées plongeant dans la prostitution. Mais le recentrage sur les intrigues internes à la police fait toute l'originalité de ce tome et on assiste abasourdi aux différentes luttes d'influence avec pour objectif de grimper dans la hiérarchie pour certains, de régler des comptes personnels pour d'autres, de s'enrichir pour la plupart.

Comme souvent chez Ellroy, on finit écoeuré par cette peinture au vitriol que l'on sent plutôt réaliste et qui nous montre à quel point les questions de justice et d'équité sont finalement reléguées au second plan, même quand les protagonistes eux-mêmes cherchent à se persuader qu'elles sont leurs combats principaux.

Mention spéciale aux trois personnages féminins de Karen Morrow, Lynn Bracken et Inès Soto, qui une fois n'est pas coutume chez Ellroy ne sont pas simplement des potiches ou des victimes désignées mais bien les principaux "moteurs" des personnages principaux, tous trois des hommes quand même, on ne refera pas totalement notre American Dog !
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- Un témoin a identifié Dieterling comme RC* (* = Relation Connue) d'un criminel, lié accessoirement au Hibou de Nuit. [...]
- Le nom de cette personne ?
- Pierce Patchett
Preston haussa les épaules.
- Je n'ai jamais entendu parler de lui et je ne veux pas que tu ailles embêter Raymond. Non, et j'insiste sur ce point, une relation vieille de trente ans ne justifie pas qu'on aille embêter un homme de la stature de Ray Dieterling. C'est moi qui poserait la question à Ray à son sujet et je te ferai mon rapport. Cela suffira-t-il ? [...]
Ed serra les mains de son père.
- Absolue justice. Tu te souviens de cela ?
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Il avait vu le massacre de ses propres yeux : seize ans, impuissant à l’arrêter. Son vieux était rentré à la maison ; il avait dû être convaincu par l’avertissement de son fils : tu touches Mère encore une fois et je te tue. Sommeil ; réveil, menottes aux poignets et aux chevilles : il avait vu le fumier battre Mère à mort avec un démonte-pneu. Il avait hurlé, la gorge à vif ; il était resté dans la pièce avec le corps, toujours menotté : une semaine, pas d’eau, fièvre et délire… il avait assisté au pourrissement de sa mère. Un agent l’avait découvert ; les hommes du shérif de L.A. avaient arrêté le vieux. Procès, défense fondée sur des capacités mentales diminuées, tractations, accusation ramenée à homicide involontaire. Prison à vie, le vieux libéré sur parole au bout de douze ans. Son fils – agent Wendell White, LAPD – décidé à le tuer.
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Jack éclata de rire.
- Suis-je donc votre nom de Dieu de héros ?
- Oui, et j'ai vingt-deux ans, et je ne suis pas du genre à en pincer pour quelqu'un comme une collégienne.
- Bien, parce que j'aimerais vous inviter à dîner un de ces jours.
Karen pivota sur les talons. Son mascara était un désastre; elle avait mordillé la plus grande part de son rouge à lèvres.
- Oui. Mère et Père en auront des attaques, mais j'accepte.
- C'est le premier acte stupide que je commets depuis des années, dit Jack.
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- Sergent Vincennes, LAPD. Uniquement une adresse , pour Timothy V-A-L-B-U-R-N, masculin, blanc, entre vingt-cinq et trente ans. Je crois qu'il habite dans le district de Wishire.
- Je note. Restez en ligne, s'il vous plaît.
Jack resta en ligne ; l'employé revint.
- C'est bien Wilshire. 432, South Lucerne. Dites, Valburn, ce n'est pas le mec souris de l'émission de Dieterling ?
- Si.
- Ben ... euh ... pourquoi êtes-vous après lui ?
- Possession de fromage de contrebande.
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Écoutez, dit Stomp, vous voulez des renseignements et j’ai besoin d’argent. Mickey et Davey Goldman sont sous les verrous, et Mo Jahelka s’occupe de leurs affaires pendant leur absence. Mo, il va à la pêche au petit, et il a pas de boulot pour moi. Jack Whalen refuserait de m’engager même pour des clopinettes et y avait même pas la queue d’une enveloppe de la part de Mickey.
– Pas d’enveloppe ? Mickey était renfloué quand il est tombé. J’ai entendu dire qu’il a récupéré la camelote qui a été chouravée lors de son entrevue avec Jack D.
Stompanato secoua la tête.
– Vous avez mal entendu. Mickey a eu le braqueur, mais la came reste introuvable et le mec s’est taillé avec cent cinquante bâtons de pognon de Mickey. Alors, officier White, moi, j’ai besoin d’argent. Et si votre caisse noire à indics n’est pas dans le rouge, je vous trouverai des putains de mecs de première à cravater.
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