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Elles sont séduisantes ces petites applications rapidement chargeables sur nos smart-phones. Elles permettent de faire les courses, de contrôler notre rythme cardiaque ou de calculer le nombre de pas effectués ou encore le nombre de calories ingurgitées quotidiennement, de voir la météo au lieu de regarder par la fenêtre, d'éviter les radars sur les routes, ou de reconnaître n'importe quelle chanson à partir de quelques notes entendues ici ou là. C'est pratique les achats en ligne. Depuis notre canapé, de jour comme de nuit, à bord de notre robe de chambre en pilou et même pas maquillées, nous pouvons commander le dernier Modiano ou la dernière lessive en promotion, attention de ne pas confondre. Que dire enfin de ces applications qui détectent tout près de chez nous l'homme ou la femme de notre vie ou de ces réseaux sociaux qui nous transforment tous en journalistes : « Ca ne fait pas 10 minutes que c'est en ligne et on a déjà plus de dix mille likes, favs, yeah et autres commentaires positifs » (p. 90). C'est merveilleux Google et Wikipedia, une information manque à notre culture, et hop, en un clic, elle est livrée formatée, pré-digérée. Que celui qui n'a jamais péché me jette la première pierre ! Freemee, start-up au succès fulgurant spécialisée dans la collecte et l'administration de données individuelles a flairé le filon juteux, attribue des points aux abonnés qui révèlent des informations intimes grâce à 300 questions judicieuses posées lors de l'inscription, et envisage le classement de plus de quatre milliards de personnes selon leurs données personnelles, âge, sexe, orientation sexuelle, situation familiale, lieu de résidence ou revenus, budget accordé à la nourriture, les vêtements, les loisirs, c'est banal, mais aussi en fonction d'un faisceau de valeurs. Bien sûr, chaque utilisateur d'internet sait intuitivement ou par expérience, que chaque trace laissée par sa navigation sera exploitée : « Si vous ne payez pas pour cela, vous n'êtes pas le client, vous êtes le produit vendu », mais Marc Elsberg va bien au-delà de cet enfonçage de portes ouvertes. Grâce à son talent, que j'avais déjà apprécié dans Black-out, il anticipe (à peine ?), ce que seront nos lendemains qui ne chanteront plus lorsque de notre plein gré, nous aurons livré tout ce qui constitue nos vies, à des multinationales cannibales et mercantiles, voire malveillantes. J'ai beaucoup apprécié cette lecture, meilleure que Black-out selon mes critères, car les personnages créés par l'auteur sont plus proches du lecteur lambda, notamment Cyn, journaliste et maman de Viola, impliquée dans une dérive meurtrière due à des smart-glasses malencontreusement prêtées par sa mère. Culpabilisée, Cyn ouvre la boîte de Pandore ! Roman crédible, réaliste, bien documenté sans être étouffe-chrétien, abordable par tout utilisateur d'internet, Zero, est une excellente découverte, distrayante et instructive. + Lire la suite |