Elsie Herberstein est d'origine autrichienne. Depuis l'enfance, elle dessine. Et cette capacité de dessiner, elle est venue l'exercer à La Moquette, chez les Compagnons de la nuit.
3
Une première fois en 1992, puis à nouveau en 2004 ; sous ses crayons et ses pinceaux, les sans-abri que beaucoup méprisent quand ils les croisent dans la rue, les sans-abri deviennent beaux. Et pourtant elle ne triche ni avec les formes, ni avec les couleurs. Mais le regard qu'elle porte sur eux fait ressortir ce potentiel qu'elle trouve en chacun, et tout à coup c'est la dimension humaine qui apparaît en chacun d'eux.
4
Et sous ses
dessins, elle raconte ; elle raconte ses amitiés, ses nuits difficiles, ses moments de tendresse et d'oubli, et chacun sort de l'ombre : Gilles, Charlie, Colette qu'on appelle Patcol, Claude qui repose maintenant au cimetière d'Asnières. Les compagnons sont là aussi, dans leur accueil, leur patience, et leur fermeté, du plus ancien – Pedro le fondateur – au plus jeune, stagiaire faisant l'expérience d'un accompagnement peu commun.
5
Il y a aussi les amis,
Albert Jacquard qui préface le livre, et les ancêtres,
Victor Hugo, qui disait à l'Assemblée nationale (c'était il y a deux cents ans ou presque) : « Je ne suis pas de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce monde, mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère.
6
Remarquez-le bien, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. La misère est une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. Détruire la misère ! Oui, cela est possible ! Les législateurs et les gouvernements doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n'est pas fait, le devoir n'est pas rempli. Eh bien, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société toute entière ; que je me sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l'homme, que ce sont des crimes contre
Dieu ! Voilà pourquoi je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, n'importe, je ne connais pas, moi, de majorité et de minorité en de telles questions ; je voudrais que cette assemblée n'eût qu'une seule âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l'abolition de la misère ! »
7
Ces paroles adressées aux élus du peuple, tout citoyen doit les faire siennes et s'ouvrir à ceux qui sont dans la misère. le pire ennemi c'est l'isolement imposé qui finit par l'enfermement en soi et qui se traduit par la difficulté, sinon l'impossibilité, de croire qu'on peut s'en sortir. À nous de savoir avoir confiance et redonner confiance.
Lien :
http://www.cairn.info