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EAN : 9782840490388
Seguier Editions (01/01/2003)
4.75/5   4 notes
Résumé :
Étrange roman d’un instituteur et auteur de manuels scolaires, Jean-François Elslander, paru en 1897. Récit d’une folie meurtrière minutieusement décrite, qui revêt d’abord tous les critères de la vraisemblance puis bascule franchement dans l’hallucinatoire.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« il est quelque chose de plus mystérieusement attirant que la beauté : la divine pourriture. » (Octave Mirbeau, le jardin des supplices)

Encore une perle fin-de-siècle découverte grâce à l'excellente (et à mon grand regret défunte) collection La décadente des éditions Séguier. La quatrième de couverture et la préface révélant l'intégralité de l'histoire, je me permets de mentionner dans les lignes qui suivent les moments clefs de l'intrigue.

Rage charnelle est le récit d'un désir, celui du Marou pour Madeleine, la fille de sa défunte maîtresse, avec laquelle il vit seul en forêt dans une vieille tour. Dès les premières pages, sa raison s'efface derrière cet impératif de la chair. L'histoire commence avec le viol par le Marou d'une aubergiste à quelques pas de son mari endormi puis finalement sous les yeux de ce dernier, réveillé par les hurlements de son épouse. Ce désir, dont on pourrait croire qu'il a atteint dès ce premier chapitre son paroxysme, l'auteur va le faire enfler encore et encore jusqu'à l'irréparable (un viol dont la violence entraîne la mort Madeleine) puis jusqu'à l'innommable, le personnage souillant pendant des jours, peut-être des semaines, le Cadavre de la jeune fille.

La plongée dans l'horreur est interminable. On la sent sans cesse proche, on l'attend à chaque tournant, aux aguets. Les deux chapitres adoptant le point de vue de la victime et la montrant tremblante à l'affut de son prédateur viennent renforcer ce sentiment d'inéluctabilité. Les actions sont rares et le récit s'étire à l'excès ponctué par les moindres fluctuations de ce « ciel bas et lourd » qui pèse sur le personnage. le style, excessif, redondant parfois, oscille à l'extrême limite du superbe et risque à tout instant de basculer dans le grotesque. le Belge se voudrait naturaliste, il est, à n'en pas douter, décadent.

La thématique oblige un parallèle avec La Tour d'amour de Rachilde, roman publié neuf ans plus tard, en 1899, évoquant un vieux gardien de phare et son amour des belles noyées. Pourtant, alors que Rachilde se contente de suggérer, Elslander se complaît dans des descriptions minutieuses. L'ouvrage atteint un niveau d'abjection rare et pourtant ne peut être réduit à cela. C'est une étude psychologique aussi étonnante qu'effrayante, le récit d'une rage qui monte du corps, dévorante, dévastatrice, le récit d'une passion humaine poussée jusqu'à sa toute dernière extrémité.



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Si "Une Charogne" de Baudelaire vous paraît répugnant, si les descriptions de corps en décomposition vous retournent l'estomac, ne vous aventurez pas du côté des écrits de Jean-François Elslander. Si au contraire vous avez un faible pour le roman décadent, le macabre et la langue profuse du XIXe siècle finissant, c'est un auteur pour vous !

Mais, me demanderez-vous, qui est ce monsieur Elslander ? Un instituteur belge, anarchiste à ses heures perdues, dont les écrits de jeunesse – ceux précisément dont il sera ici question – ont parfois compromis la carrière. Il n'a écrit que peu d'oeuvres de fiction, et seules ses premières productions ont la saveur âcre du roman fin-de-siècle. Encore largement méconnues, elles sont restées introuvables jusqu'à la fin du XXe siècle, sinon dans leur édition originale, chez Kistemaeckers. Ainsi, seuls les amateurs éclairés, mus par un zèle littéraire confinant à la manie, avaient accès à cette oeuvre originale. Heureusement, deux titres furent finalement réédités : "Rage charnelle", le premier roman d'Elslander, fut accueilli par la fameuse Bibliothèque décadente des éditions Séguier en 1995, et "Le Cadavre", récit bref, parut chez l'Arbre vengeur en 2013.
La critique de ces deux titres est à lire sur mon blog.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Une bande l'entoure, une bande furieuse qui se met à danser, à courir, bousculée, tombant, sautant, et qui braille un chant de haine, dont les notes aiguës lui entrent dans la tête comme des pointes de flèches.
Ce sont des hommes et des femmes, ou des diables et des diablesses, au visage effrayant : les uns rouges, suants, convulsés en une grimace horrible, toujours la même, avec des globes blancs, immobiles, une bouche édentée, tuméfiée ; les autres, verts, solennels, macabres, fixant au loin des regards vides ; les autres noirs, énormes, troués des points lumineux d'yeux phosphorescents ; les autres riant d'un rire féroce, et grinçant des dents.
C'est une horde de monstres hideux vomis par l'enfer, vêtus d'accoutrements les plus disparates, les plus bizarres, aux couleurs voyantes, aux formes incohérentes : des chapeaux immenses qui couvrent jusqu'au cou ; des habits étriqués qui enserrent étroitement un corps de squelette, où s'accrochent des bras démesurés, articulés comme des pattes d'insectes ; des manches trop courtes, d'où sortent de grandes mains sèches, voraces ; des pantalons collants, moulant des jambes maigres, osseuses, qui ploient et se redressent, avec des détentes brèves de ressorts ; des robes fripées, parsemées de paillettes, secouées de trémoussements continuels, comme des choses vivantes.
Et tout cela tournoie, bondit, pirouette, grandit, disparaît, se cabre, se rapproche, s'éloigne, se lâche, se reprend, se baisse, s'allonge, en proie à une agitation incessante, épileptique, formant une ronde infernale, où les bras battent le vide, flasques, brisés, où les jambes s'élancent comme séparées des troncs, où les corps se balancent, se disloquent, se tordent, où les têtes remuent, hideuses, hallucinantes, diaboliques, au milieu d'un charivari assourdissant de vociférations sauvages, de rires démoniaques, de chants obscènes, de hurlements de colère, de ricanements atroces, de menaces terribles, de grincements de dents, de clameurs de détresse, dominés par l'épouvantable raclement d'un instrument invisible, dont la cruelle musique déchire l'oreille, irrite et affole les nerfs.
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L’épouvantable certitude de l’événement attendu, le péril qui sature l’atmosphère, augmentent sans cesse son inquiétude et son malaise. Elle voudrait voir le danger, se sachant le courage de le braver ; elle voudrait pouvoir lui courir sus, pour le vaincre ou être vaincue par lui. L’impassible solitude qui l’entoure est plus angoissante, mille fois, que l’attaque la plus terrible ; il lui semble que tout s’est ligué contre elle, que les choses mêmes la conduisent, la poussent en avant, préparent l’agression qui se trame là, quelque part : elle devine partout une hostilité sourde, une haine cachée.
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La bataille est longue, longue, sans merci, muette maintenant et plus hideuse.
L'armature de la capote, arrachée, s'écroule sur le devant du véhicule, couvrant la croupe du cheval, et apparaît alors un emmêlement confus, désordonné, de membres qui s'étreignent, étroitement noués autour de deux corps collés l'un à l'autre, agités de bonds formidables qui les lancent de côté, les retournent, toujours enlacés.
Et, dans cette masse informe, douloureuse, éclatent, par places, des taches claires de chair nue, sur laquelle s'aplatit une main noire, velue, pareille à une serre.
Tout à coup, un dernier spasme la secoue, plus désespéré, plus redoutable, et un cri rauque monte, où se mêlent un hoquet de jouissance et un râle de mort...
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Le Marou est la pétrification hideuse de l’imbécillité bestiale par l'épouvante : son corps tout entier, desséché par les désirs, déchiqueté par la souffrance, n'est qu'une ruine lamentable, qu'un dernier coup va abattre...
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