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EAN : 9782070321742
218 pages
Gallimard (26/05/1978)
4.3/5   66 notes
Résumé :
Au fond du cœur, au fond de notre cœur, un beau jour, le beau jour de tes yeux continue. Les champs, l’été, les bois, le fleuve. Fleuve seul animant l’apparence des cimes. Notre amour c’est l’amour de la vie, le mépris de la mort. A même la lumière contredite, souffrante, une flamme perpétuelle. Dans tes yeux, un seul jour, sans croissance ni fin, un jour sur terre, plus clair en pleine terre que les roses mortelles dans les sources de midi.

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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Après Eluard, il n'est plus d'écriture. Après Eluard, tout est las.
Après Eluard, il est trop d'écriture. Un monde trop vaste, sans même une ligne d'horizon. Un dédale, doublé d'un espace infini, où l'on n'ose plus jeter ses propres mots. Phrases qui ne se veulent plus phrases. Aurores qui n'ont plus goût d'aurore.
Après la perfection de sa « flèche fine du dernier frisson », on n'ose même plus frissonner.
Avec Eluard, il se fait tard. Avec Eluard, tous les soirs, on risque un bout de la nuit.
Une poésie exigeante. Un monde d'imagination. Un monde à nul autre pareil. Toujours différent, « écume toujours neuve ».
Oui, c'est cela, un regard neuf à chaque seconde.
Pas nécessaire qu'il y ait un sens. La vérité « vraie » ce sont ces instants qui s'inventent les uns derrière les autres. Ces instants ne mentent pas.
Eluard où le risque permanent. Eluard refusant fièrement la médiocrité de celui qui n'ose pas. Eluard préférant tout à cela, même le risque d'être insignifiant. Être insignifiant c'est toujours mieux que n'être rien.
Sacré talent, quand même, pour décliner ainsi des instants qui ne veulent parfois rien dire et qui, malgré tout, ont quelque chose à dire.
Avec intégrité, en ne tombant jamais dans le facile.
Eluard c'est un fleuve qui avance. Inexorable, il charrie tout, rien ne lui résiste, il avance toujours.
Il se dit tout haut au grand jour. le grand jour ne lui fait pas peur.
Il énonce plus qu'il ne dénonce.
Il est cristallin, il brille sous le soleil. Par son mouvement même, il justifie à lui seul le soleil.
S'il n'avançait pas, si la parole n'était pas dite, alors le soleil ne servirait à rien.
Tandis que, là, le soleil luit et rebondit sur le fleuve qui avance.
Eluard donne sa chance à la lumière, par ce mouvement, par ces mots qui s'agitent en tous sens.
On peut trouver cela vain. Ça n'est pas mon cas.
L'être humain est un être relationnel, l'être humain est un être de parole, de signes vers ses semblables. C'est en lui, c'est comme ça. Tout ce qui peut justifier, susciter, exemplifier, libérer cette parole, comme il le fait pour la mienne en cet instant, tout cela ne peut pas être complètement vain.
Mais la tâche est immense devant Eluard, la tâche est infinie. « Rien ne se décrit suffisamment, rien ne se reproduit littéralement ». Ne reste qu'à inventer l'instant qui vient. « le poète, lui, pense toujours à autre chose. L'insolite lui est familier, la préméditation inconnue », il doit « recréer un délire sans passé ».
Eluard magnifie l'imagination, « source et torrent qu'on ne remonte pas », l'imagination qui est l'instant pur, l'imagination qui « ne ment jamais, puisqu'elle ne confond jamais ce qui sera avec ce qui a été ». L'imagination a la plénitude de l'inépuisable.
Tout cela tout en gardant le goût des mots qui, toujours, me séduit chez un auteur ou une autrice.
Pour lui, le poète ne doit pas évoquer mais inspirer. Il précise : « le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré ».
C'est ce qu'il appelle « donner à voir ». Ce livre est sa profession de foi.
Alors, oui, il y a de nombreux textes où j'avoue humblement n'avoir pas saisi grand-chose et où son écriture automatique n'a rien suscité en moi.
Sensation d'être passé à côté quand, par exemple, ne connaissant pas suffisamment les peintres ou les auteurs sur lesquels il écrit, je ne peux apprécier pleinement les poèmes qui leurs sont dédiés.
Bien sûr, je sens sa sincérité quand il nous partage son admiration pour Max Ernst, Man Ray, Miro ou Baudelaire.
Bien sûr, remarquable est son évocation de Picasso qui « nous a redonné, de la façon la plus audacieuse, la plus sublime, les preuves inséparables de l'existence de l'homme et du monde », qui cherche « une vérité totale qui joint l'imagination à la nature ».
Mais parfois, donc, ses mots me restent étrangers, ils passent sur moi sans aucune lumière.
D'autres fois ils s'éclairent, m'intriguent, me réveillent. Je prends ce que je peux prendre. J'en suis bien heureux et je m'en contente. Je ne saisis pas tout. Peut-être en suis-je incapable.
Parfois, dans tout un paragraphe, je n'attrape rien au vol. Pas grave, c'est ainsi. Tant pis si c'est un coup dans l'eau. Je ne crois pas qu'il m'en voudrait. Tout du moins je l'espère.
D'autres fois, il me perd en route. Ou bien sa pensée passe devant moi sans s'arrêter, elle me laisse de côté.
Moi, alors, je refuse la colère contre ces mots, même si je ne comprends pas où ils mènent. Je dis juste tant pis et je passe à la page suivante. Je ne m'avoue pas vaincu. Je sais qu'il y aura toujours une autre phrase, une autre source où se nourrir, que je gouterai, au sens où elle évoquera quelque chose en moi.
Toujours j'aime son exaltation et, quelques fois, sa puissance me laisse bouche bée.
Le côté ardu pour moi ce sont les parties durant lesquelles cet ouvrage théorise plus qu'il ne poétise. Je ne m'y attendais pas, cela m'a surpris.
J'avoue qu'il me perd un peu en route quand il théorise le surréalisme ou évoque le sur-rationalisme de Bachelard. Je comprends qu'il vante « l'imprudence intellectuelle », je saisis qu'il s'agit de « sentir autrement pour comprendre autrement » mais…. je ne saisis pas grand-chose d'autre….
Parfois, je le dis humblement, je n'ai pas compris et je m'interroge : peut-être n'y-a-t-il rien à comprendre ? Peut-être ai-je tort de chercher à comprendre. Peut-être devrais-je apprendre à ne pas chercher à comprendre.
Mais telle est ma nature. Chercher à comprendre est dans ma nature.
Je ne partage pas toujours son extrémisme, son côté péremptoire, la façon dont il tend, souvent, vers la turbulence.
Sa colère m'est un peu étrangère.
Fruit d'une époque qui n'est pas la mienne. Fruit d'une période très spéciale, de temps troublés et c'est un point très important je crois. On ne peut pas lire Eluard sans tenir compte du moment où il vécut (horreurs absurdes de la première guerre mondiale, montée des fascismes, 2ème guerre mondiale, essor de la psychanalyse, mouvement surréaliste…). Sans cela on ne comprend pas la tension constamment présente dans son propos, l'engagement politique du poète, marqué par son temps, les luttes sociales comme les guerres.
Sa passion absolue pour la liberté, sa révolte contre tout début d'abandon de sa liberté, il faut forcément les mettre en résonnance avec un temps où la liberté était autrement menacée qu'aujourd'hui (restons toujours vigilants quand même...).
Et j'aime sa liberté, cette façon d'ouvrir une fenêtre sur le large, cette espèce de vertige, comme devant le vide, cette assurance qui semble dire : je ne sais pas où je vais mais je sais devoir y aller et c'est tout ce qui compte.
J'aime son élan (« Nous imaginâmes l'inconnu. Notre idéal prit corps »), j'aime comme il engage au risque, tel un jazzman se jetant « Body and soul » dans son solo.
Y-a-t-il de l'orgueil en cela ? Sûrement.
Est-ce-malgré tout, aussi, ainsi, tenter la vie ? Et n'est-ce-pas mieux que de ne pas la tenter du tout, comme nous le faisons si souvent, aux jours insipides ? Ça se défend.
Finalement, après Eluard, il est encore de l'écriture.
Et peu importe, donc, toutes mes limites, toutes mes possibles erreurs d'interprétation, le poète m'a inspiré, CQFD.
Epilogue. Quelques lignes sur un cahier. J'ai ôté mes lunettes. Ou, plutôt, elles sont restées sur la table de nuit quand j'ai rallumé la lumière. Mes yeux de myope, collés au cahier, voient les mots s'inventer les uns derrière les autres et même, en s'approchant encore, voient l'encre s'emmêler en des lettres fragiles et maladroites. Comme si je redécouvrais l'encre de mon enfance, la magie des premiers mots, la fierté des premières pages d'écriture.
Oui, c'est cela, comme une preuve d'écriture.
Je veux dire, perdre l'écriture, écrire seulement via un clavier, ça serait perdre beaucoup. Au-delà du fond, la forme est déjà un trésor. Au-delà du sens, est le signe tracé par la main. La création pure. Cette trace c'est moi. Cette trace c'est mon existence. D'autres auraient pu écrire ces mots, mais pas exactement ces mots, je veux dire, pas tracés de cette façon, sur cette feuille-là. Cette trace c'est moi et moi seul. Je suis là :
Il reste une noblesse.
Et des mots arrachés à l'oubli.
Des mots qui s'osent nus.
Dans leur essence.
Même dénués de sens.
Comme la pulsation d'un coeur.
Qui commença un jour.
S'arrêtera un autre.
Et n'aura cessé tout du long.
C'est à prendre ou à laisser.
C'est ainsi.
La magie d'inspirer.
De donner à voir.
Qui l'eut cru ?
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Un recueil passionnant, publié tel que l'avait conçu en 1939 Eluard lui-même. Les textes- méditations ou poèmes en prose,et bien sûr poèmes aussi, "donnent à voir" , en effet, pas seulement la cosmogonie amoureuse et lumineuse du poète, mais aussi sa conception de la poésie, ou encore ses émotions devant d'autres artistes, ses frères en images: les peintres.

Une prédilection pour les pages essentielles de L'Evidence poétique:

"Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. les poèmes ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé."

Un autre coup de coeur pour le chapitre "Peintres" où Eluard montre une incroyable faculté à dire en mots le mystère de Magritte, l'ironie de Max Ernst, la froideur glacée de Delvaux, le noir et blanc magique de Man Ray, la fantasmagorie de Dali.

La meilleure critique d'art n'est elle pas, souvent , une création qui répond en chant amoebée à la première, en utilisant toute la gamme des correspondances et synesthésies?...

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"Donner à voir", publié en 1939, est un véritable petit bijou pour les amateurs de littérature. Car il est à la fois oeuvre poétique et réflexion sur les enjeux et la nature de la poésie. Ce que donne à voir Paul Eluard aux lecteurs ne peut laisser indifférent. Quand il dit : « La poésie doit être faite par tous. Non par un », il parle au coeur, il bouleverse notre vieille perception bourgeoise de la poésie. Lire pour égayer son quotidien ne suffit pas, le désir de beauté est bien autre chose. Il est l'expression d'un manque que la simple raison ne peut combler. La poésie est ce qui fracasse les frontières de nos perceptions balisées.
A l'heure où les replis identitaires et individualistes se font de plus en plus entendre, clamer haut et fort la poésie d'Eluard est plus que nécessaire.
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J'ai un parti pris pour Éluard qui est mon auteur préféré de tous les temps!
Comme c'est toujours le cas avec les recueils de poésie d'Éluard, j'ai trouvé celui-ci passionnant. le titre est vraiment bien choisi, car on a effectivement l'impression de voir l'univers du poète à travers ses écrits. Ses émotions sont perceptibles et touchantes, même quand on ne comprend pas tout à fait le sens des propos. C'est encore plus vrai si on lit à voix haute les poèmes. le choix des sons, chez Éluard, est un vrai don.
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Les poésies d'Eluard restent toujours dans un coin de mon coeur.....
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Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
LA DAME DE CARREAU


Tout jeune, j’ai ouvert mes bras à la pureté.
Ce ne fut qu’un battement d’ailes au ciel de mon éternité,
[…]
Toutes les vierges sont différentes. Je rêve toujours d’une vierge.
À l’école, elle est au banc devant moi, en tablier noir.
Quand elle se retourne pour me demander la solution d’un problème,
l’innocence de ses yeux me confond à un tel point que,
prenant mon trouble en pitié, elle passe ses bras autour de mon cou.
Ailleurs, elle me quitte. Elle monte sur un bateau.
Nous sommes presque étrangers l’un à l’autre,
mais sa jeunesse est si grande que son baiser ne me surprend point.
Ou bien, quand elle est malade, c’est sa main que je garde dans les miennes,
jusqu’à en mourir, jusqu’à m’éveiller.
Je cours d’autant plus vite à ses rendez-vous que j’ai peur de n’avoir pas le
temps d'arriver avant que d'autres pensées me dérobent à moi-même.
Une fois, le monde allait finir et nous ignorions tout de notre amour. Elle a
cherché mes lèvres avec des mouvements de tête lents et caressants.
J’ai bien cru, cette nuit-là, que je la ramènerais au jour.
Et c’est toujours le même aveu, la même jeunesse, les mêmes yeux purs,
le même geste ingénu de ses bras autour de mon cou, la même caresse, la
même révélation.
Mais ce n’est jamais la même femme.
Les cartes ont dit que je la rencontrerai dans la vie, mais sans la reconnaître.
Aimant l’amour.

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Tout jeune, j'ai ouvert mes bras à la pureté. Ce ne fut qu'un battement d'ailes au ciel de mon éternité, qu'un battement de coeur amoureux qui bat dans les poitrines conquises. Je ne pouvais plus tomber.
Aimant l'amour. En vérité, la lumière m'éblouit. J'en garde assez en moi pour regarder la nuit, toute la nuit, toutes les nuits.
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Au fond du cœur, au fond de notre cœur, un beau jour, le beau jour de tes yeux continue. Les champs, l’été, les bois, le fleuve. Fleuve seul animant l’apparence des cimes. Notre amour c’est l’amour de la vie, le mépris de la mort. A même la lumière contredite, souffrante, une flamme perpétuelle. Dans tes yeux, un seul jour, sans croissance ni fin, un jour sur terre, plus clair en pleine terre que les roses mortelles dans les sources de midi.


Au fond de notre cœur, tes yeux dépassent tous les ciels, leur cœur de nuit. Flèches de joie, ils tuent le temps, ils tuent l’espoir et le regret, ils tuent l’absence.

La vie, seulement la vie, la forme humaine autour de tes yeux clairs.

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JE PARLE DE CE QUI EST BIEN

Je parle de ce qui m'aide à vivre, de ce qui est bien.
Je ne suis pas de ceux qui cherchent à s'égarer, à s'oublier, en n'aimant rien, en réduisant leurs besoins, leurs goûts, leurs désirs, en conduisant leur vie, c'est-à-dire la vie, à la répugnante conclusion de leur mort.
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A PABLO PICASSO

I

Les uns ont inventé l'ennui d'autres le rire
Certains taillent à la vie un manteau d'orage
Ils assomment les papillons font tourner les oiseaux en eau

Et s'en vont mourir dans le noir

Toi tu as ouvert des yeux qui vont leur voie
...

C'en est fini des joies greffées sur le chagrin.


II

Un bol d'air bouclier de lumière

Derrière ton regard aux trois épées croisées
Tes cheveux nattent le vent rebelle
Sous le teint renversé la coupole et la hache de ton front
Délivrent la bouche tendue à nu
Ton nez est rond et calme
Les sourcils sont légers l'oreille est transparente

A ta vue je sais que rien n'est perdu.

III

Fini d'errer tout est possible
Puisque le table est droite comme un chêne
Couleur de bure couleur d'espoir
Puisque dans notre champ petit comme un diamant
Tiens le reflet de toutes les étoiles

Tout est possible on est ami avec l'homme et la bête
A la façon de l'arc en ciel

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« Capitale de la douleur » de Paul Eluard, c'est à lire en poche chez Poésie/Gallimard.
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