AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782840312130
108 pages
L'idée bleue (01/05/2006)
4.14/5   7 notes
Résumé :
L'écriture d'Antoine Émaz est un appel d'air : ce qui fait plus qu'une bouffée, même si la littérature dans son inutilité socio-économique peut au moins servir à respirer, à retrouver un rythme, à vivre, quoi ! C'est un appel à ouvrir grandes les fenêtres du langage, donc de la pensée, mais aussi un appel à dégager. Oui, avec Antoine Émaz, ça dégage : les conformismes, les certitudes, les assises mêmes - je ne parle pas des assis qui partent dès la première ligne ! ... >Voir plus
Que lire après De l'airVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
De l'air est un recueil de textes écrits entre avril 2002 et août 2005, publiés dans des versions souvent remaniées, ils l'ont été à l'origine dans plusieurs revues dédiées à la poésie.

Dans une succession de poèmes en prose et en vers regroupés en cinq parties différentes (Histoire rayée, Constat de travail, Mémoire – mère, Trajets dedans seul et Calme calme), Antoine Emaz évoque des sujets divers, venus du dehors affectant le champ de l'intime.

Dans une écriture minimaliste, la tension chez Emaz est toujours à l'oeuvre, elle fait oeuvre. Mais il y a toujours aussi, chez lui, le besoin de dire simultanément le tragique et la beauté du vivant. Un besoin souvent différé, contrarié, mais réitéré.

Il y a l'irrespirable, le flux d'informations insupportables, l'environnement sociétal devenu invivable qui nous procure comme un manque d'air, une perte de souffle. Une histoire rayée, une violence, une incompréhension qui apparaissent jusque dans le visage d'un enfant devenu un soldat :


« pousser l'image hors de l'oeil - si on pouvait - la nuit reviennent ces têtes et leurs yeux vides sur un monde sans accueil - enfant aux yeux écarquillés Sierra Leone riant son arme sur le ventre - fierté stupide posture apprise ou imitée mais des yeux sans larmes et même heureux d'être vieux avant le temps - gouffre »


Et puis il y a la mémoire vie, celle de Mémoire-mère, la disparition de la mère au coeur de la « routine », ce temps dans le temps pris dans l'engluement, l'encrassement, comme dans un encombrement d'ombres.


« tout ça fini 
sortir à l'heure
entre les formes noires et blanches
qui vont vite et les autres
cheveux blancs et pantoufles
qu'il faut doubler
doucement

mécanique des corps
dans leur branle encore
sans compter ceux qui restent
derrière les portes

quelle pitié »


Dans cette lassitude de l'être, dans ce constat fait sur soi, il faut espérer, chercher le moment de la respiration, du calme, enfin. Dire combien les fleurs et les couleurs permettent ces respirations puissantes qui font du poème un corps-langage puissant jusqu'à ce « rouge » dans lequel plonger, et se retrouver :


« mémoire là qui remonte de la fleur une trentaine d'années amont sixième étage un pot de géraniums rouges et l'expérience de la couleur l'intensité possible de l'énergie qu'elle porte ensuite retrouvée dans deux panneaux mono-chromes de Lavier titrés rouge géranium par Duco et Ripolin ou l'inverse quelque chose d'évidence là brutale les mots ne collent pas aux choses mais ça n'enlève rien au poids de la fleur à son pouvoir d'imbiber l'oeil jusqu'à ce que tout le corps ne soit qu'infusion rouge sans comparé sans rien que la tension d'être de la fleur dans sa couleur »


La poésie d'Antoine Emaz est une trace d'air laissée sur la page, elle est une pensée qui persiste au creux de la fatigue, qui s'enquiert du possible retour à ce temps d'avant la parole, à ce temps où celle-ci nous donnait les moyens d'espérer.

.
Commenter  J’apprécie          150

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
POISSE


on peut encore poser les mots
comme un rebord de fenêtre
une rambarde qui n'enlève rien au vide

assez de cette fatigue sans cause
à force d'années mortes on ne va pas
revenir sur des souvenirs
qui pointent leurs nez comme têtes de rats

on cherche peu d'air

on se replie dans les sons
leur espèce de musique on se dit
plutôt les mots que rien même
si ça n'avance pas au moins
on aura dit un peu l'inertie
le poids de ce qui est autour

par tristesse peur simple d'être
avec peu de marge devant
si peu de moyens pour bouger
dans cette boue lourde du temps

de longues heures sans parler
les mots vont leur route dedans bizarres
feux sans joie sans cause juste jalons
d'exister au bord

filasse de fatigue
et foin des rêves

muet face à ce qui se tait
nous tait de même

silence qui bruit d'avant les mots
ou quelque chose comme
du vent

un vent de mots qui poisse

autant en rester là
demain à faire

Commenter  J’apprécie          60
Rentrée

la pluie grise moite orage devant
et puis plus rien comme si
ça s’effondrait dedans laissait
comme du sol nu raviné battu
peu à glaner dans cette fatigue
état sans poids attente
et la tête cherche une prise
pour la main
du sable rapporté sous les doigts
la mer maintenant son bruit
loin de ressac et d’écume
dans un entre-deux d’être
un vague
pluie sans sel
glycine dans l’eau trempée
fin de l’orage
tout s’égoutte
Commenter  J’apprécie          20
à un moment le soir la lumière
la glycine fond dans le ciel

c’est très court de couleur
on ne sait si ça peut
figurer dans les mots
cette double nuit bleue

à la radio loin la guerre
la violence proche les morts
sans noms leur nombre
dans la fleur de nuit linceul
pigment poussière histoire

le poème aussi s’en va

parmi les mots qui flairent
aboient cherchent aboient
quoi quand
tournent encore des rapaces
aux ailes pétrolées
ou des hirondelles folles

dehors moins d’air
on pourrait dire ça
comme ça
Commenter  J’apprécie          10
Le Dé bleu



corps hangar vide

à la pause de midi

tout le silence
à prendre
presque trop

rien de lyrique


on est juste
sur une carie du temps

on fore
Commenter  J’apprécie          10
journée
le soir absorbe plus ou moins bien son poids
voilà tout
___
la mer n’aide pas on entend son bruit
de fond de mémoire sans cesse
sa lessive habituelle
___
continuer
pour quel plus loin d’air quel
espace encore à ouvrir
avec les dents les mains les mots
___
ne pas laisser comme c’est
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Antoine Emaz (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Emaz
Vidéo de Antoine Emaz
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1220 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}