Mais où est elle allée pêcher tout ça? Cette langue d'Aimé, ce rustre un brin dégénéré qui s'emberlificote dans ses explications parce que les explications ça explique, pas vrai? Cette intrigue qui tient debout, avance, court, vole et nous tient en haleine à sa suite?
A Fresnes peut être dans les cas entrevus lorsqu'elle visitait les 'perpet'. Fresnes ou pas Fresnes, cette Emilie là a du talent.
Son histoire cruelle farce satirique, on y croit, on se la boit cul sec, on y entre quitte à crotter ses bottes de boue comme ces chasseurs qui flinguent à tout va et ces embourbés qui ont trainé leurs savates dans un passé de merde, on y pense encore le lendemain en ce disant chienne de vie, pauvres d'eux.
Donc cette
Emilie de Turkheim est tout bonnement géniale, et vite bonnes gens des prix, offrez lui de l'or elle le mérite!
Me voilà encore enthousiaste après avoir dévoré ce polar.
Une ambiance de vie sordide à la Emile Ajar dans sa Vie devant soi et des meurtres distillés à la
Agatha Christie dans ses
Dix petits nègres.
Je résume: Aimé, l'homme à tout faire, aidé de Martial devenu simplet après avoir eu la face vitriolée, le dos cassé par les coups et la conscience peut être un peu laminée aussi, nous ouvre grand la porte de son intérieur sordide de chez sordide. Et celui du proprio,par la même occasion, feu monsieur Louis avec sa pipe, ses revues de chasse, ses pieds sans pantoufles sur la cheminée et qui hurlait "Pipette" à Lucette, qui accourait à ses genoux comme un cabot. Je passe sur le "Pipette" vu le sordide, toujours le sordide, et je passe sur Lucette qui n'est plus non plus. On saura n'ayez crainte!
On baigne donc dans le sordide. Coulée de boue, c'est pas fini. Débarquent les héritiers de l'ex chasseur Monsieur Louis, des chasseurs eux aussi avides de se partager le domaine et ses étangs. Hauts en couleurs, nous avons, le commandant Lyon Saëck avec ses cheveux repassés de frais, Monsieur Truchon empressé auprès d'une Madame Truchon boudinée dans ses fringues et Sacha Milou tenancier du bordel L'ange bleu dont les cheveux gominés semblent enduits d'huile d'olive et qui tranquilise son chien Pistache de ses doigts couverts de bagouses en or. Et le chat Grin. Et Abdallah qui débarrasse les morts un à un du plancher dans son ambulance tous risques.
Voilà, je ne dévoilerai plus rien, le papillon bleu en couverture attiré par la lumière du joli mois de mai va tomber dans la gueule du loup.
Moteur ! le film va commencer!