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Critique de CarlmariaB


La charge émotionnelle, quel beau titre! J'aimerais aimer son livre à Emma, parce que quoi de plus noble qu'une bd féministe ? Bretécher nous a quittés il y a trois mois, on n'oubliera jamais son trait qui jaillit, les lignes brisées, les gros pifs, le mouvement, la caricature indissociable du texte en surtitrage, toujours ironique, cinglé d'une calligraphie énervée. Bretécher, pas une ligne claire, mais une ligne de défense. Les dessins d'Emma sont très ligne claire, trait net, couleur en aplat, contour sans demi-teintes, ni relief, et contiennent peu d'information. Des personnages assis qui soliloquent. Une tête qui parle – la sienne – cernée par les bulles d'un monologue dans une typo d'enfant sage. On pourrait, sans que le sens n'en soit changé, remplacer les dessins de la page 12 par ceux de la page 40. La cause des femmes est la mienne, et je remercie Emma d'avoir mis en scène le moment où un discours féministe légitime auquel j'adhère, mute en un discours néopuritain digne de la flotte de Winthrop aux antipodes de la tradition libertaire et humaniste. Emma maudit Karl Marx. Comment s'émanciper en conservant les structures de domination? Et pourquoi diable apporter de l'eau au moulin de ceux qui ont déporté Louise Michel? Emma pourfend l'éducation genrée mais elle vomit l'homme et participe ainsi du discours genré. Vive la colère face à l'injustice, aux souffrances, aux vies démolies. Mais comment persuader les lecteurs de la cause des femmes par un sermon de prédicateur qui emprunte aux catégories du discours des chasseurs de sorcières? Ses pages m'ont rappelé celles de Zweig sur Calvin, qu'on peut paraphraser ainsi : pour donner à la femme la dignité la plus haute, on réduit la dignité de l'homme, cette créature imparfaite et immorale, toujours disposée au mal, impatiente de se perdre dans le pêché, pire encore qu'une ordure. « Si l'on juge l'homme d'après ses dons naturels, on ne trouve pas en lui, des pieds à la tête, la moindre trace de bonté » écrivait Calvin cité par Zweig. J'ai la faiblesse de croire que ce n'est pas la vérité du genre humain, femme, homme ou genre qu'on aura librement choisi. Bretécher, reviens! C'est pas les puritains qui nous aideront à émanciper la moitié de l'humanité et tous les autres.
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