Ce récit, ce faux polar jubilatoire, dont la lecture est avant toute chose un véritable régal, prend des accents graves – subversifs aussi – qu'il n'y paraît à première vue…
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Je n’ai jamais été un prodige d’équilibre. Ma masse étant très faible, je subis toutes les attractions dans l’abîme qui sépare les cœurs, ces planètes versatiles. Lorsque Helena, pimpante et souveraine, m’offrit son bras pour que je la guide jusqu’au Tiny Market, dans le gouffre d’Angel Circle ou sous les néons de Jingolee Drive, je dus faire appel à d’immenses réserves d’énergie pour me tenir droit comme un pylône, sans abandonner ma tête du côté de son parfum entêtant, ses cheveux qui au vent m’agaçaient la joue et ses aveux chuchotés (…)
Entre-temps ma relation avec Helena prenait forme comme une dentelle de soie avec trous et motifs à fleurs. Ainsi va l'amour avant qu'il ne devienne un tissu serré. Plus tard il arrive que les trous reviennent mais on parle alors d'étoffe mitée.
Et elle posa ses lèvres sur les miennes, ce fut un baiser très doux, parfumé, extatique, comme un beau fruit qui n’était plus de mer heureusement, un velouté de framboises, de cassis, de myrtilles et d’herbes des champs.
Elle me saisit par les épaules et me retourna de face, pressa ses lèvres contre les miennes, y planta un baiser rageur, sa langue en couteau, un fruit blet que l’on écrase, une gousse de venin noir.
Quand le bon sens arrive ainsi, accroché au bout d’une période, ailé et bien nourri, tels ces angelots replets qui soutiennent les chaires de vérité baroques, il y a tout à craindre.
Elles ont accompli l’office des embaumeuses..., François Emmanuel
lu par l'auteur